Page images
PDF
EPUB

Mais par sa destinée on se trouve enchaîné;
Et je sens bien enfin que le ciel m'a donné
Pour vous tout le respect, nymphes, imaginable,
Pour elle tout l'amour dont une âme est capable.
Je vois, à la rougeur qui vient de vous saisir,
Que ce que je vous dis ne vous fait pas plaisir.
Si vous parlez, mon cœur appréhende d'entendre
Ce qui peut le blesser par l'endroit le plus tendre;
Et, pour me dérober à de semblables coups,
Nymphes, j'aime bien mieux prendre congé de vous.

LICARSIS.

Myrtil! holà, Myrtil! Veux-tu revenir, traître?

Il fuit; mais on verra qui de nous est le maître.
Ne vous effrayez point de tous ces vains transports;
Vous l'aurez pour époux, j'en réponds corps pour corps.

FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE SECOND.

SCÈNE I.

MÉLICERTE, CORINNE.

MÉLICERTE.

AH! Corinne, tu viens de l'apprendre de Stelle, Et c'est de Licarsis qu'elle tient la nouvelle...

Oui.

CORINNE.

MÉLICERTE.

Que les qualités dont Myrtil est orné Ont su toucher d'amour Éroxène et Daphné?

CORINNE.

Oui.

MÉLICERTE.

Que pour l'obtenir leur ardeur est si grande, Qu'ensemble elles en ont déjà fait la demande, que, dans ce débat, elles ont fait dessein

Et

De passer
Ah! que tes mots ont peine à sortir de ta bouche!
Et que c'est foiblement que mon souci te touche!

dès cette heure à recevoir sa main?

CORINNE.

Mais quoi! que voulez-vous? C'est là la vérité,
Et vous redites tout comme je l'ai conté,

MÉLICERTE.

Mais comment Licarsis reçoit-il cette affaire?

CORINNE.

Comme un honneur, je crois, qui doit beaucoup lui plaire.

MÉLICERTE.

Et ne vois-tu pas bien, toi qui sais mon ardeur,
Qu'avec ces mots, hélas! tu me perces le cœur?

Comment?

CORINNE.

MÉLICERTE.

Me mettre aux yeux que le sort implacable Auprès d'elles me rend trop peu considérable, Et qu'à moi, par leur rang, on les va préférer, N'est-ce pas une idée à me désespérer?

CORINNE.

Mais quoi! je vous réponds, et dis ce que je pense.

MÉLICERTE.

Ab! tu me fais mourir par ton indifférence.
Mais dis, quels sentiments Myrtil a-t-il fait voir?

[blocks in formation]

En vérité, je ne sais comment faire;

Et de tous les côtés je trouve à vous déplaire.

MELICERTE.

C'est que tu n'entres point dans tous les mouvements

D'un cœur, hélas! rempli de tendres sentiments.
Va-t'en; laisse-moi seule en cette solitude
Passer quelques moments de mon inquiétude.

SCÈNE II.

MÉLICERTE.

d'aimer;

Vous le voyez, mon cœur, ce que c'est que
Et Bélise avoit su trop bien m'en informer.
Cette charmante mère, avant sa destinée,'
Me disoit une fois, sur le bord du Pénée :
<< Ma fille, songe à toi; l'amour aux jeunes cœurs
<< Se présente toujours entouré de douceurs.

«< D'abord il n'offre aux yeux que choses agréables;
Mais il traîne après lui des troubles effroyables:

[ocr errors]

<«< Et si tu veux passer tes jours dans quelque paix,
<< Toujours, comme d'un mal, défends-toi de ses traits. »
De ces leçons, mon cœur, je m'étois souvenue;

Et quand Myrtil venoit à s'offrir à ma vue,
Qu'il jouoit avec moi, qu'il me rendoit des soins,
Je vous disois toujours de vous y plaire moins.
Vous ne me crûtes point, et votre complaisance
Se vit bientôt changée en trop de bienveillance.
Dans ce naissant amour, qui flattoit vos désirs,
Vous ne vous figuriez que joie et que plaisirs;
Cependant vous voyez la cruelle disgrâce

Destinée est là pour mort.

Dont en ce triste jour le destin vous menace,
Et la peine mortelle où vous voilà réduit.

Ah!

mon cœur, ah! mon cœur, je vous l'avois bien dit. s'il se peut, notre douleur couverte.

Mais tenons,

Voici...

SCÈNE III.

MYRTIL, MÉLICERTE.

MYRTIL.

J'AI fait tantôt, charmante Mélicerte,
Un petit prisonnier que je garde pour vous,
Et dont peut-être un jour je deviendrai jaloux.
C'est un jeune moineau qu'avec un soin extrême
Je veux, pour vous l'offrir, apprivoiser moi-même.
Le présent n'est pas grand; mais les divinités
Ne jettent leurs regards que sur les volontés.
C'est le cœur qui fait tout; et jamais la richesse
Des présents que... Mais, ciel! d'où vient cette tristesse?
Qu'avez-vous, Mélicerte? et quel sombre chagrin

Se voit dans vos beaux yeux répandu ce matin?...
Vous ne répondez point; et ce morne silence
Redouble encor ma peine et mon impatience.
Parlez. De quel ennui ressentez-vous les coups?
Qu'est-ce donc?

MÉLICERTE.

Ce n'est rien.

MYRTIL.

Ce n'est rien, dites-vous?

« PreviousContinue »