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guissent! Bravo! crie la montagne. M. Billault reprend ce thème, le tourne, le retourne, le développe. Il le saupoudre de déclarations tendres pour le président de la République, la montagne redouble ses bravos. - Hélas! Monsieur Billault, il faut mourir, et l'on n'est pas sur de ressusciter.

M. Barrot a terminé la discussion en déclarant à l'Assemblée que, tout considéré, elle ferait bien de s'en aller. Cela n'a pu passer sans orage. M. Barrot n'est point adroit. Il a de vieilles attitudes et de vieilles emphases d'opposition qui ne réussissent nullement aux ministres. Il le sent, il cherche à copier quelques-unes des fiertés simples et grandes de M. Guizot, et ce n'est qu'un surcroît d'enflure On l'a interpellé grossièrement, on lui a montré le poing, on a voulu le faire rappeler à l'ordre, on l'a forcé à répéter vingt fois des paroles qui n'avaient rien d'offensant, mais dont ses adversaires voulaient absolument s'offenser; ceux-ci contrefaisaient sa voix, ceux-là sa pose, d'autres le huaient d'un rire brutal.... Ces symphonies ne sont pas nouvelles, il a dù se les rappeler la vieille opposition les a jouées plus d'une fois alors il tenait le bâton et menait l'orchestre. Voilà le retour des choses d'ici-bas. Néanmoins, si M. Barrot connaît aujourd'hui l'amertume de ces offenses, il en aura aussi le bénéfice, et le pays ne lui saura pas mauvais gré des paroles qui l'ont constitué en état de rupture avec la Chambre. On pensera comme lui que l'inactivité du Ministère ne saurait avec justice lui être imputée. Les interpellations mettent bon ordre à ce qu'il fasse quelque chose.

La Chambre s'est partagée en deux parties égales. La proposition, repoussée par 401 voix, a été prise en considération à la majorité de trois voix. On dit qu'il y a eu erreur dans le dépouillement du scrutin. Cette erreur ne saurait avoir la moindre importance, dût-elle changer la majorité. L'Assemblée ne rejettera la proposition Rateau, si elle la rejette, que pour en adopter une autre qui aura le même

effet. En somme, l'Assemblée a fait son œuvre et son temps. Avoir vécu dix mois, c'est beaucoup ! Elle a largement épuisé sa séve constituante. Nous ne nous étonnons pas cependant qu'un grand nombre de ses membres se refusent encore à le reconnaître. Le fabuliste (ce n'est pas M. Lachambaudie) en a donné la raison :

Le plus semblable aux morts meurt le plus à regret.

LE PARTI CATHOLIQUE ET LES DÉMOCRATES

CATHOLIQUES.

20 janvier 1849.

Nous lisons dans l'Ere nouvelle un long article intitulé L'Ancien parti catholique. Ce travail mérite notre attention. Nous y trouvons, exprimées d'une façon bienveillante, des erreurs assez graves, des craintes qui nous semblent mal fondées, et, par suite de ces craintes, quelques avis, suivant nous, peu nécessaires. Nous n'en remercions pas moins l'Ere nouvelle. En retour de sa bonne intention, nous espérons l'éclairer et la rassurer. Elle ne déclinera pas notre compétence. Nous pouvons prétendre à connaître aussi l'ancien parti catholique. Difficilement on saurait mieux que nous comment il s'est formé, comment il s'est accru, ce qu'il a fait, ce qu'il a voulu faire, d'où il vient, où il est, peut-être où il va. Sur tous ces points, nos souvenirs et nos archives contredisent gravement les assertions et les déductions de l'Ere nouvelle. Tâchons d'établir nettement la vérité. Cela est important pour tout le monde. L'ancien parti catholique, bien connu, pourra nous aider à connaître le nouveau, qui est toujours un peu dans les nuages.

L'Ere nouvelle veut être juste et même généreuse envers l'ancien parti catholique. Elle rend hommage au caractère de ses chefs, à son indépendance, à ses efforts pour défendre

la liberté religieuse. Touchée de ces « nobles efforts, » elle veut oublier, dit-elle, les fautes, quelques-unes « funestes,>> que l'infirmité humaine y a mêlées. Elle va plus loin. Elle donne au parti catholique des éloges qu'en conscience il n'a point mérités, comme d'avoir «< initié les catholiques à la vie « politique et préparé l'alliance de l'Eglise avec la société « moderne. » Ces traits paraîtront sans doute flatteurs, mais ils sont de trop.

Les catholiques étaient parfaitement initiés à la vie politique, lorsqu'un certain nombre d'entre eux levèrent ce nouveau drapeau. Ils le levèrent précisément parce qu'ils avaient expérimenté l'impuissance de la politique pure et senti que les étroits programmes des partis n'aboutissaient qu'à s'entre-choquer sans fin dans la haine et dans le vide. Conseillés, animés par plusieurs membres de ce clergé, au sein duquel toute bonne et généreuse pensée a son origine, ils se réunirent au pied de la croix ; ils y appelèrent les hommes de cœur qui, au-delà du camp de leur opinion particulière, voyaient encore la patrie et le droit, et quelque parcelle même de la vérité politique. Car la vérité politique n'est pas tout entière ici ou là; chacun en a son lambeau malheureusement, et c'est pourquoi tant de divisions existent et se perpétuent. Ils dirent à haute voix, aux dynastiques, aux légitimistes, aux républicains: Venez avec nous, ou donnez-nous la main. Nous défendons ce que tout homme honnête et intelligent doit défendre, nous voulons ce que toute opinion loyale doit vouloir. S'il y a quelque dissentiment entre nous, nous nous en remettrons à la discussion, à l'avenir, au jugement de Dieu. S'il nous faut des sacrifices mutuels, ils nous seront aisés ; et vous verrez que nous finirons par nous entendre, même en politique, parce que, quelque opinion que nous ayons eue ou conservée, tout ce que le pouvoir fera pour l'Eglise, nous en serons reconnaissant; tout ce qu'il fera contre elle, nous le combattrons.

Cet appel fut entendu. Formé de tous les partis, le parti catholique se recruta dans tous les partis. Nous en savons quelque chose; nous n'avons qu'à consulter la liste lentement mais constamment accrue depuis dix ans des lecteurs de ce journal. C'est là, nous croyons pouvoir le dire, le noyau et la force principale du parti. Qu'y voyons-nous ? Beaucoup de prêtres, beaucoup de gens exerçant des professions libérales, et un moins grand nombre de gentilshommes. Rien ne prouve mieux que les catholiques n'appartenaient pas presque tous, comme le dit l'Ere nouvelle, à l'ancien parti légitimiste. Depuis trente ou trente-cinq ans, le développement donné à l'éducation religieuse des femmes, le zèle du clergé, les efforts de la science et de la littérature religieuse, n'ont pas été perdus; la pratique du catholicisme s'est étendue dans toutes les classes de la société, et c'est peut-être au sein de la bourgeoisie philippiste et révolutionnaire que le parti catholique a fait ses plus nombreuses conquêtes. Quelques noms suffiraient pour démontrer à l'Ere nouvelle combien ces nouveaux venus avaient peu besoin d'être initiés à la vie politique. Quant à ceux qui arrivaient du camp légitimiste, l'Ere nouvelle leur fait une injure et à nous un compliment également immérités, lorsqu'elle avance qu'ils eurent besoin d'être dans nos rangs pour «< aimer la liberté et comprendre les précieux avantages qu'offrent les institutions modernes ». De 1830 à 1848, nous n'avons connu en France de véritables et complets ennemis de la liberté et des institutions que ceux qui se disaient dès lors démocrates et socialistes. Pour la liberté constitutionnelle, tout le monde en voulait plus ou moins et ne demandait, à des points de vue différents, qu'à l'exercer dans une plus large mesure. Tout le monde aussi voulait et pratiquait les institutions constitutionnelles, le parti légitimiste comme les autres, aussi sincèrement que les autres. L'esprit moderne dominait, les institutions étaient

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