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puissent aller. C'est cette liberté de conscience, et pas autre chose, que le projet prétend leur garantir; et ce que l'on signale de plus n'y est pas. La discussion ne se soutient que par une perpétuelle imposture.

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«Si je devais me mêler de ces objets, ajoute Napoléon, je serais plutôt disposé à ordonner que le dimanche, passé «<l'heure des offices les boutiques fussent ouvertes et les << ouvriers rendus à leur travail. » Donc, il voulait qu'au moins pendant les offices, on fermât les boutiques et les ateliers, et sans doute aussi les cabarets, pour l'inviolabilité desquels il n'éprouverait probablement pas aujourd'hui les respects que réclament les alliés rouges de l'Ordre et du Journal des Débats. Est-ce là que nous en sommes? Et le projet de loi même va-t-il si loin?

Ainsi le document produit par l'Ordre ne dit qu'un mot qui soit bien dans la question, et ce mot est précisément contre la thèse que l'Ordre soutient. Napoléon, tout Napoléon qu'il est et tout maître qu'il se dise de ses peuples, reconnaît aux catholiques le droit d'aller à la messe, droit que l'Ordre refuse de leur garantir par un respect scrupuleux de la liberté des juifs, des mahométans, des guèbres, des bouddhistes et des libres penseurs, laquelle, au reste, n'en est nullement gênée.

Ce qui résulte de la production de ce document, c'est tout simplement que l'Ordre n'a pas la main heureuse à choisir ses autorités: elles servent fort mal la gloire des auteurs qu'il cite, et elles desservent fort bien la cause qu'il défend. Nous lui conseillons de n'employer que ses propres armes et de ne consulter que son génie. C'est là qu'il puisera des arguments capables de déconcerter toute logique. Et ces arguments auront, en outre, l'avantage très-précieux pour lui comme pour nous, de n'attacher aux choses imprudentes qu'il pourra dire que l'importance qui s'attache naturellement à ce qu'il dit,

RÉPONSE A M. OZANAM.

2 juillet 1850.

Nous avons, l'autre jour, enlevé Bossuet à M. Chambolle; nous sommes dans la triste nécessité de lui offrir une compensation. Ce publiciste cherche des catholiques qui ne prennent garde ni à sa politique ni à son entrepôt de romans, qui ne lui parlent ni de miracles, ni de l'Inquisition, ni des libertés de l'Eglise, ni de rien qui l'irrite: nous tenons son fait. Un de nos amis, mais qui ne nous aime pas, qui partage au fond toutes nos idées, mais qui blâme tous nos discours, nous signifie publiquement sa séparation. C'est M. Ozanam. On ne dira pas que nous faisons à M. Chambolle un cadeau sans valeur.

M. Ozanam est un savant et un écrivain du plus rare mérite, un chrétien excellent, bienveillant pour tout le monde, sauf pour nous, et à qui tout le monde a toujours témoigné beaucoup de bienveillance, sans excepter nous. Renfermé dans ses études, il publie à de trop longs intervalles des livres où la critique ne saurait reprendre que l'abondance et la masse des perfections. Chacun les loue, nous les célébrons, l'Institut les couronne, et l'on n'en parle plus, tant ils se tiennent loin de toutes les préoccupations actuelles. Souvent nous l'avons regretté. Quel dommage que tant d'ardeur au travail, tant de science et de beau style ne soient pas mieux employés, c'est-à-dire employés aux pres

santes nécessités de l'Eglise, au combat direct contre les erreurs, les sophismes, les mensonges qui nous tuent! Tels étaient nos regrets; nous les gardions pour nous. Nous ne voulions pas embarrasser un ami en le conviant inutilement à des luttes que nous trouvons si nécessaire et si glorieux de soutenir. Assurés de sa vocation pacifique, nous l'avons placé sur un siége d'honneur, parmi nos sages, affligés de n'en pouvoir tirer meilleur parti.

Malheureusement M. Ozanam n'a pas imité notre réserve. Chose bizarre! Ce pacifique, des lèvres duquel jamais parole militante n'est sortie contre un incrédule militant, il aime à guerroyer contre nous! Il ne veut pas même rester neutre ; il tourne contre nous le bec aiguisé de sa plume, dont il n'emploie que la barbe la plus moelleuse lorsqu'il s'occupe par hasard de ceux que nous combat tons et qu'il devrait combattre comme nous. Quand la polémique est le plus animée entre nous et les adversaires de l'Eglise, notre ami M. Ozanam n'y manque pas: il paraît à la fenêtre de son cabinet et nous condamne aussi fortement que le permet la douceur naturelle de sa voix et de son caractère. Nous lui répondrons cette fois, d'autant qu'il vient de passer un peu la mesure, en faisant remonter jusqu'à M. de Maistre les torts qu'il nous attribue. Nous voulons bien qu'on nous désapprouve; nous ne permettrons jamais ni qu'on jette le plus léger blâme sur un nom qui commande la reconnaissance et le respect de tous les catholiques, ni que, sous prétexte de douceur et de charité, on formule des théories dont le résultat serait tout simplement le triomphe de la sottise et du mensonge.

M. Ozanam a résumé lui-même dans le Correspondant ses griefs contre nous. C'est la conclusion fort peu motivée d'unarticle d'ailleurs très-innocent sur un innocent volume de poésie. Nous sommes convaincus que cette conclusion n'a passé dans le Correspondant que par une inadvertance du

rédacteur en chef. M. Lenormant n'accuse certainement pas M. de Maistre d'avoir fait entrer la polémique religieuse dans une mauvaise voie; il suit lui-même cette voie d'un pas trop ferme et trop courageux, et il mérite ainsi sa part des reproches que nous adresse M. Ozanam. Nous

citons :

Nous devons à M. de Francheville une dernière louange. Parmi ceux qui, de nos jours, avec la même sincérité, ont voulu servir Dieu par la parole et par la plume, deux écoles se sont formées. L'une, se donnant pour chef M. de Maistre, et encore échauffée, à son insu, du souffle de M. de Lamennais, se propose, non de réconcilier, mais d'humilier la raison humaine : elle aime, elle cherche, elle érige en articles de foi les thèses les plus contestables, pourvu qu'elles soient impopulaires, pourvu qu'elles froissent l'esprit moderne; au lieu de toucher les incroyants, elle ne réussit qu'à irriter les passions des croyants, à compromettre la majesté du catholicisme, à faire la joie des protestants et des rationalistes. L'autre école, inaugurée par le Génie du christianisme, longtemps soutenue par les noms de Châteaubriand et de Ballanche, a cru plus sage de travailler à rétablir l'antique alliance de la raison et de la foi; de traiter avec douceur les esprits égarés, les cœurs éteints; de chercher au fond de leurs cendres la moindre étincelle qui peut servir à rallumer le flambeau; de montrer en fin la religion souverainement vraie. M. de Francheville avait à se décider entre ces deux partis, entre la poésie de la colère et celle de l'amour. Il a bien choisi, et il a pour lui ce témoignage de saint François de Sales: << On prend plus de mouches avec une cuillerée de miel qu'avec un tonneau de vinaigre. »>

Il y a une première chose que nous sommes obligés de dire à M. Ozanam, c'est que tout son talent et tous ses services sont trop courts pour lui donner le droit de faire si sommairement la leçon à M. de Maistre, et même à nous. En ce qui concerne M. de Maistre, de la part d'un écrivain, c'est de la présomption: de la part d'un catholique, c'est de l'ingratitude. En ce qui nous concerne, il faudrait au moins discuter. Où M. Ozanam a-t-il vu que nous tenions quelque chose de M. de Lamennais? Ce n'est

pas sa charité qui lui dicte cette parole. N'y a-t-il eu que le souffle de M. de Lamennais pour animer tant de cœurs qui n'ont jamais silencieusement ni froidement souffert les attaques, l'impudence et les succès des ennemis de l'Eglise ? M. Ozanam connaît l'histoire; il aurait pu, sans manquer aux égards qu'il doit à la vérité et peut-être aussi à nousmêmes, trouver plus près ou plus loin une autre source de nos inspirations et d'autres maîtres de nos doctrines. Nous nous étonnerions qu'un ancien rédacteur de l'Ere nouvelle, et qui sait à quelle distance nous nous sommes tenus de ce journal, nous pût sincèrement croire si voisins de M. de Lamennais. M. Ozanam cède à une vieille et mauvaise habitude. Déjà, bien avant la révolution de Février, dans le feu de nos querelles avec l'Université, quand M. Ozanam était sur la route du professorat, et nous sur celle de la prison, mettant à nous combattre une chaleur qu'il aurait dù, suivant nous, mettre à nous soutenir, il nous avait menacés du sort de M. de Lamennais. Ce qui s'est passé depuis devrait l'avoir rassuré 1.

Nous ne pensons pas, on le devine bien, à réfuter le reproche d'ériger en articles de foi les thèses les plus contestables, pourvu qu'elles soient impopulaires, de froisser l ́esprit moderne, d'irriter les passions des croyants, au lieu de toucher les incroyants. Ce sont de purs chambollismes; nous les avons déjà lus, nous les lirons toujours dans l'Ordre. Nous ne mettrons pas le savant professeur dans l'embarras de nous apprendre quelles sont ces thèses les plus contestables que nous érigeons en articles de foi. Nous ne lui demanderons pas ce que c'est que l'esprit moderne, en quoi nous froissons cet esprit dans ses sentiments religieux, s'il en a; en quoi ses sentiments religieux méritent qu'on les ménage. Nous ne lui demanderons pas s'il

1 Voyez 1. er Du Zèle et de la modération.

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