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amnistie de Pie IX. Il prononce ses nobles paroles sur la gloire de ceux qui font des ingrats. On écoute, on admire ; on croirait que le cœur de l'Assemblée bat dans la poitrine de l'orateur. Une voix s'élève de la montagne. « Voix à « gauche Il se croit en carême ! » M. de Montalembert compare ensuite Pie IX à Louis XVI, qui fut adulé, flatté, séparé de ses amis les plus fidèles et jeté ensuite au bourreau sous le nom de Louis Capet. « Voix à gauche : ON A EU RAISON! » L'Assemblée proteste contre cette parole; la montagne l'accepte.

Et ils déclament contre les Haynau et les Radetzky!

Toutes les interruptions adressées à M. de Montalembert sont dans le goût de celles que nous venons de citer, ou ineptes ou grossières. M. de Montalembert accuse les démagogues qui ont souillé la liberté. « A gauche : Ce sont les jésuites qui l'ont salie! » Il dit que les rois remontent sur leurs trônes, mais que la liberté ne regagne pas les cœurs qu'on lui a fait perdre. « Voix à gauche : Nous << avons la première manche, vous avez la seconde; nous « verrons qui aura la belle. » Il dit que personne ne voudrait employer la violence contre le Saint-Père, et, se tournant vers la montagne, il ajoute : « Ne me démentez pas, je vous en supplie. »-« A gauche : Ah! comme c'est gentilhomme ! » Il dit qu'il ne faut pas attaquer l'Eglise, parce qu'elle a des ressources infinies pour la défense. «M. Char«ras: Nous le savons bien; demandez plutôt à Ravaillac. »

Ne demandons pas à M. Charras s'il n'a jamais entendu nommer Pepin, Morey, Alibaud et autres saints du calendrier de ses frères et amis. Restons sur ce trait d'histoire, et terminons par une courte allocution de M. Dupin, qui caractérise parfaitement l'attitude de la montagne durant toute cette mémorable discussion :

« Je dois constater à la charge de qui il appartiendra «QU'ON N'A PAS PU ATTAQUER L'ASSASSINAT, L'ANARCHIE ET LA

« DÉMAGOGIE SANS EXCITER LES RÉCLAMATIONS, et qu'on ne peut <<< pas rendre hommage à ce qui est respectable SANS EXCITER « LES RIRES ET LA DÉRISION (vifs applaudissements sur tous « les bancs de la droite. - Rumeurs à l'extrême gauche). « Vous BLESSEZ TOUS LES SENTIMENTS PUBLICS (nouveaux ap« plaudissements). »

M. PELLETAN ET L'USURE.

D'échelons en échelons, comme beaucoup d'autres, M. Eug. Pelletan, écrivain plein de prétentions et de simagrées, était arrivé aux doctrines socialistes ou dans les environs. Il tenait le feuilleton de la Presse et il imagina de s'y distinguer en soutenant que l'Eglise chrétienne avait commencé par le communisme. A la vérité, sa principale intention, qui diminue un peu sa faute, était de jouer un bon tour aux publications antirévolutionnaires de la réunion de la rue de Poitiers. Il se flattait surtout d'atteindre M. de Montalembert, l'un des chefs très-importants de cette réunion, et celui de tous, peut-être, que les révolutionnaires haïssaient le plus. M. Pelletan comptait embarrasser beaucoup M. de Montalembert, ainsi que tous les catholiques, en prouvant que les catholiques ne pouvaient pas défendre la propriété sans une sorte d'apostasie. Cette visée ridicule ne méritait pas grande attention. Néanmoins l'Univers crut devoir expliquer les textes fort mal compris et très-violentés dont M. Pelletan prétendait s'appuyer. Il en résulta une polémique assez terne, de part et d'autre, d'où le rédacteur de la Presse, embarrassé de ses textes, se tira vaille que vaille en faisant une pointe sur les prohibitions dont la discipline catholique a frappé l'usure, prohibitions qu'il voulait entendre du prêt à intérêt. Une seconde polémique s'ouvrit, qui donna occasion de résumer la première. Cette seconde polémique me semble plus intéressante. On y prendra une idée des arguments que les révolutionnaires et les socialistes prétendaient trouver dans les doctrines catholiques.

LE COMMUNISME ET L'EGLISE.

29 octobre 1849.

Nous revenons au théologien de la Presse, M. Pelletan; lui-même nous y invite. « Remarquez-vous, écrit-il à un sien ami de la Voix du peuple, théologien aussi, que l'Univers, qui a la langue si bien pendue quand il s'agit de débiter de dévotes polissonneries aux hommes les plus éminents de notre pays, n'a pu trouver un mot de réponse à notre article sur l'usure? » Ce mot de réponse réclamé avec une fatuité si impertinente est là, sur notre bureau, depuis longtemps. Puisque M. Pelletan veut l'avoir, il l'aura. Mais le théologien de la Presse nous paraît beaucoup trop content de sa science et de son esprit pour que nous ne lui donnions pas d'abord une petite leçon préliminaire. Nous l'avions laissé très-empêtré de ses interprétations et de ses découvertes sur la façon dont l'Eglise entend le droit de propriété. Il abuse de notre silence. Nous allons, s'il lui plaît, résumer cette polémique.

A écouter les fanfares de M. Pelletan, il aurait prouvé par des textes positifs de l'Ecriture et des Pères que la primitive Eglise était communiste. Dans notre conviction, il est démontré que son système est absurde, que ses idées sont embrouillées, que ses textes, quelquefois faux, sont presque tous appliqués faussement. Nous ajoutons qu'il n'a pas plus inventé sa thèse que trouvé les textes dont il pré

tendait l'appuyer. Voilà ce que nous allons prouver pour aujourd'hui. Mais, qu'il soit tranquille! nous ne lui enlèverons ni l'admiration de la Presse, ni celle de la Voix du Peuple. Il ne dira rien de nos arguments, ou il dira que nous lui donnons raison. Ne peut-il pas d'ailleurs toujours nous appeler dévots et jésuites? Les gens d'esprit comme lui ne sont jamais embarrassés, et cinquante mille lecteurs de la Presse continueront de le croire un très-savant homime, un Saumaise léger! Seulement, ce succés remporté, il vivra sur sa gloire et ne s'avisera plus de faire le théologien.

M. Pelletan, principalement pour affliger le comité de la rue de Poitiers, s'était donc mis dans l'esprit d'établir que l'apôtre saint Pierre, les Papes ses successeurs et les principaux Pères de l'Eglise ont été autant de chefs de communistes, condamnant la propriété et obligeant tous les fidèles à mettre leurs biens en commun. A l'appui de cette thèse, il aventura quelques textes que nous contestàmes. Il jura que nous partagerions le triste sort de la rue de Poitiers. Avalanche de textes pour prouver: 1° que la primitive Eglise était réellement communiste ; 2° par conséquent, que des écrivains catholiques ne peuvent pas défendre le droit de propriété sans abjurer le catholicisme et sans se révolter contre l'enseignement des Pères. En terminant, M. Pelletan nous adressait les trois questions que voici :

L'Univers adopte-t-il, maintenant qu'il a pu vérifier l'authenticité de. nos textes, les doctrines des Pères de l'Eglise?

Croit-il que l'Eglise, pendant toute la durée du moyen âge, les ait sanctionnées par les bulles des Papes et les décrets des Conciles? Pense-t-il enfin que le prêt à intérêt est un péché qui nous met sous le coup de la perdition?

C'était, en un seul feuilleton, demander bien des choses. Voici notre réponse : « Nous adoptons les doctrines des Pères telles que l'Eglise les adopte, les approuve et les en

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