Page images
PDF
EPUB

dhon; l'habitude et la vaine gloire seront plus fortes que ses résolutions pacifiques, et il ne se passera pas huit jours avant qu'il n'essaie de faire peur.

Ce qui n'indique pas non plus un parti bien arrêté de se renfermer dans une discussion amicale et de n'être « ni « un journal de combat, ni, quoi qu'il arrive, un journal « de vengeance, » c'est le dernier mot de M. Proudhon à ses collaborateurs. La phrase est curieuse par le mélange de la griffe et de la patte de velours:

Permettez, en finissant, chers citoyens, que je réclame encore une fois votre indulgence pour ce qu'il y aurait de trop débonnaire dans mes nouvelles inspirations. Je suis mal placé pour conserver la liberté de ma raison, la rectitude de mon jugement. Mais vous avez plein pouvoir sur mes feuilles et sur vous-mêmes et je vous dirai comme ce général à ses soldats : « Si j'avance, suivez-moi; si je recule, tuezmoi; si je meurs, vengez-moi! »

Salut et fraternité.

Fraternité est bon en cet endroit-là.

Nous ferons encore une petite remarque. Ce général dont parle M. Proudhon, c'était Larochejaquelein. M. Proudhon ne choisit pas mal quand il se compare. Mais ne pouvait-il se contenter de l'aigle? De bonne foi, entre Larochejaquelein et lui, que voit-il de commun?

Nous recommandons à l'Ordre et au Journal des Débats, si passionnés l'un et l'autre pour l'amnistie à Rome, tout ce que dit M. Proudhon de la nécessité d'une amnistie en France, « d'une grande et généreuse amnistie, honorable pour les vaincus autant que pour les vainqueurs. -» Nous pensons qu'ils ne manqueront pas de se rendre à ses raisonnements et de l'appuyer avec zèle dans cette politique toute chrétienne qu'ils reprochent au Pape de n'avoir pas su pratiquer... Mais peut-être penseront-ils que le général Changarnier et M. Carlier gêneraient la liberté de nos proscrits,

si nos proscrits étaient de retour. On peut lever cette difficulté, qui n'existe pas à Rome. Destituons M. Changarnier, mettons M. Carlier à la retraite, et rappelons ensuite les proscrits, pour montrer au Pape ce que c'est qu'un gouvernement prudent et généreux.

Le National est tout gracieux pour l'Univers. Il nous fait la moue de pédagogue qui est son sourire. Il trouve que nous courons après l'esprit et que nous l'attrapons quelquefois. Dans une autre bouche, le compliment pourrait nous plaire. Les éloges d'amateurs ne doivent être reçus qu'avec humilité. Ils ont aussi l'inconvénient de ne pas prêter à la réplique. Nous prions le National de nous excuser si nous ne lui rendons que la moitié de sa politesse. Lui aussi court après l'esprit. Quand il aura pris quelque chose, nous ne manquerons pas de le dire.

AFFAIRES DE ROME.

Le 7 septembre parut au Moniteur une lettre adressée par le président de la république à M. le colonel Ney, son aide de camp en mission à Rome. La conduite des cardinaux délégués par le souverain Pontife pour gouverner en attendant son retour, y était qualifiée avec une sévérité injuste, et les catholiques ne lurent pas sans alarme ce programme de réformes à établir dans le gouvernement romain: Amnistie générale, Sécularisation de l'administration, Napoléon,

Gouvernement libéral.

[ocr errors]

Code

Des mouvements en sens contraire se produisirent énergiquement dans l'opinion. Le parti révolutionnaire conçut des espérances qui furent partagées jusque dans le parti conservateur. Le Journal des Débats, entre autres, laissa voir encore cette fois des tendances analogues à celles du National.

Il appartenait à l'Univers d'exprimer les sentiments des catholiques contre la politique posée par le président à l'égard du gouvernement pontifical. Il le fit en termes que je n'ai point à regretter, mais qu'il ne conviendrait pas aujourd'hui de reproduire. Quand on improvise sous le coup d'une impression si vive et dans l'habitude d'une liberté aussi étendue que celle dont on jouissait alors, il peut échapper quelques paroles de trop, et il est permis de les retirer, lorsque d'ailleurs les suites que l'on appréhendait ne se sont pas manifestées.

Malgré l'écart du Journal des Débats, l'opinion conservatrice, unanime pour laisser au souverain Pontife sa liberté, parut faire une impression favorable sur l'esprit juste et prudent du président de la république. La lettre à M. le colonel Edgard Ney, à peu près désavouée par le conseil des ministres, fut à peu près retirée: et peut-être n'a

vait-elle été qu'un coup de politique calculé uniquement pour tenir les esprits en suspens et ne trop rassurer ni trop désespérer personne.

Je donne ici divers articles sur la lettre du 18 août. Ils constatent l'état général des opinions. Celle du parti conservateur se déclara quelques jours plus tard, d'une manière éclatante, en faveur de la liberté du souverain Pontife, dans la discussion qui eut lieu à l'occasion des crédits extraordinaires pour l'expédition de Rome, et son premier organe fut M. Thiers. - 1857.

I

LETTRE DU 18 AOUT.

10 septembre 1849.

Pourquoi l'expédition de Rome. Ce que les hommes ont voulu faire, et ce que Dieu a fait.

La lettre du 18 août ne fait pas fortune. Les passions mêmes qu'elle flatte en sont embarrassées. Plusieurs journaux en admirent encore les maximes, mais ils ne répondent que fort peu ou fort mal à ceux qui demandent où l'on en veut venir. Devant ces questions poussées avec une logique accablante, le feu de l'enthousiasme tombe, et les espérances un moment excitées pâlissent. Que fera-t-on ? On est arrêté de tous côtés par l'odieux, par l'absurde, par l'impossible.

C'est très-facile de menacer le Pape, et c'est bientôt fait d'écrire quelques phrases: Amnistie, sécularisation de l'administration, code Napoléon, gouvernement libéral, quoi de plus simple? Il n'y a là rien qui soulève la moindre objection. -Comment! le Pape n'a point d'armée, nous tenons sa ville, et il nous résisterait! Il réclamera, il gémira; nous le laisserons réclamer et gémir. Il cédera, ou

« PreviousContinue »