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De concert avec M. Marrast, il prédisait la ruine prochaine du pouvoir pontifical, et tous deux applaudissaient aux harangues de M. Barrot en l'honneur des révolutionnaires italiens. En ce temps-là, qui eût dit à M. Mazzini, qui eût dit à M. Marrast, qui eùt dit à M. Barrot qu'un jour la république française, présidée par un Bonaparte, M. Marrast étant président de l'Assemblée souveraine et M. Barrot président du conseil, enverrait à Civita-Vecchia une escouade pour faire cesser dans la chrétienté le scandale de la république romaine, présidée par l'illustre Mazzini? L'HOMME S'AGITE, DIEU LE MÈNE.

Que Dieu bénisse la république française en considération du bien qu'il la force d'opérer! Elle l'opère, sachons le réconnaître, avec assez de bonne grâce pour y avoir quelque mérite. Il est probable que son intervention, si légitime, si rationnelle, mais en même temps si miraculeuse, n'affermira pas moins la foi parmi ces populations croyantes qu'elle n'y rétablira la vraie liberté. Les Romains verront là le doigt de Dieu, et certes ils auraient raison, car rien ne pouvait être plus incroyable qu'un pareil événement. Le National se moquait agréablement de nous, il y a dix-huit mois, lorsque nous lui disions que ses amis, parvinssent-ils à détrôner Pie IX, n'en auraient pas fini pour cela avec la Papauté; mais notre foi n'aurait pas été jusqu'à prédire que le Pape détrôné serait rétabli par la république française, même après que cette république aurait cessé d'être sous la direction exclusive du National. Nous ne nous en cachons pas : il y a là quelque chose qui enracine dans nos âmes toutes nos vieilles superstitions. Bien que la seule raison humaine nous rende parfaitement compte du miracle, nous y sentons encore l'élément divin; nous restons convaincu que les foudres spirituelles portent coup, tout comme au moyen àge, et qu'il y a toujours dans l'air des souffles qui font bientôt crouler tout ce qu'elles ont frappé.

Ajoutons que ce qu'elles frappent aujourd'hui nous apprend à connaître ce qu'elles frappaient autrefois, et qu'en même temps que nous jugeons de leur puissance actuelle, nous pouvons apprécier leur justice passée. Ces grands hommes, ces héros de science et de vertu, que tant d'histoires calomnieuses pour la vérité nous ont fait honorer en dépit des légitimes malédictions de l'Eglise, les voilà! Ils revivent dans leurs descendants et dans leurs imitateurs. Plus ou moins savants, plus ou moins éloquents, plus ou moins hardis, ils ne valaient en somme ni plus ni moins que ceux qui viennent de nous donner tant de hideux spectacles de forfanterie, de mensonge, d'orgueil et de scélératesse. Voilà les flatteurs de populace, les destructeurs, les hérétiques, de tous les temps; ennemis du ciel et de la terre, fléaux de l'imbécile humanité qu'ils séduisent par l'appât du désordre et du mal; tyrans à qui Dieu laisse sur nous un moment d'empire, pour nous punir d'avoir méprisé ses lois et pour nous faire comprendre ce que la société peut devenir, lorsqu'elle a secoué la protection du joug divin!

Puisse l'Italie profiter de la leçon ! Elle l'aura payée cher, et néanmoins elle peut se féliciter encore d'en être quitte à bon marché. Beaucoup de maux lui sont épargnés : qu'elle en rende grâce au caractère honorable et religieux de ses princes. Le souvenir du libéral et paternel Léopold n'a pas peu contribué à dégoûter Florence de la dictature de Guerrazzi; l'énergie de Ferdinand a relevé l'honneur de la royauté dans ces jours fâcheux aux couronnes; la piété qu'ils ont témoignée tous deux envers Pie IX a ému en leur faveur l'opinion de tout ce qu'il y a d'honnêtes gens dans le monde. Au milieu de la tempête des luttes italiennes, c'est du côté de ces souverains qu'on a vu la bonne foi, la conscience, la fidélité, le respect des droits, l'amour de l'humanité. Ils ne se sont pas joués du repos des peuples,

ils n'ont pas méprisé leur parole et abandonné leurs alliés ; ils ont été, pour tout dire en un mot, les dignes amis de Pie IX. Et quant à celui-ci, nous nous contenterons de le nommer. Que Rome bénisse le jour où cet ange lui fut donné pour roi! Qu'elle reçoive Pie IX, à son retour, avec plus d'allégresse qu'elle n'en montra le jour où le Sacré Collége mit dans sa main les clefs du royaume de la paix, et que l'Italie s'unisse tout entière à la joie de Rome! Si un homme, après Dieu, a sauvé la Papauté, c'est Pie IX; et si l'Italie entière est sauvée des longs malheurs de la discorde et de l'invasion; si des armes étrangères ne viennent pas sur son propre sol se disputer şes lambeaux après qu'elle se serait déchirée elle-même, il n'y en a pas d'autre raison humaine que l'accord de la conscience des peuples chrétiens à maintenir tout à la fois et la Papauté et le Pape: le Pape, parce que c'est Pie IX; la Papauté, parce que c'est la pierre angulaire de l'édifice social, et que la raison recule d'épouvante à la pensée de ce que deviendrait le monde, si cette pierre croulait ou était seulement déplacée.

Sans doute les révolutions italiennes ne sont pas finies. La crise est passée, la convalescence sera longue et périlleuse; mais on peut espérer beaucoup, on peut espérer tout du bon sens des peuples et de la sagesse des souverains. Pie IX restera le guide des gouvernements italiens. Comme il a su donner, il saura pardonner. Il rétablira l'ordre dans l'Italie, en y faisant régner deux choses qui sont l'attribut des pouvoirs légitimes, deux choses que les révolutionnaires méprisent et qui réparent le mal qu'ils ont fait : la loi et la clémence.

LES CATHOLIQUES AUX ÉLECTIONS.

22 avril 1849.

Les catholiques s'allient au parti de l'ordre.-A quelles conditions.Que l'ordre matériel tout seul est impuissant.

La bataille électorale n'est pas encore engagée, mais les préparatifs se font de tous côtés avec ardeur. A la veille de cette grande affaire, les intérêts de parti sont abandonnés, les nuances s'effacent, deux immenses coalitions se forment et tous les drapeaux se rassemblent en deux camps. D'un côté se rangent ceux qui veulent maintenir la société sur ses vieilles bases, religion, famille, propriété ; de l'autre se massent les sectaires de toute école qui ont résolu d'en finir avec les conditions de ce qu'ils appellent l'ordre ancien, qui n'est que l'ordre éternel.

Avertis depuis quinze mois, par de nombreuses défaites, que cet ordre repousse invinciblement leurs ambitions et leurs utopies et n'a point pour eux la place qu'ils réclament, ils renoncent à s'y introduire par la voie des essais pacifiques. Relevant comme des drapeaux de guerre toutes les théories subversives vaincues à la tribune, ils exigent fièrement de ceux qui sollicitent leurs suffrages le serment d'Annibal. Ce serment, les révolutionnaires politiques l'ont prêté. M. Le

dru-Rollin et ses amis reconnaissent qu'ils n'étaient que des bourgeois et des conservateurs à côté des Cabet, des Raspail, des Proudhon. La logique les emporte, ils font amende honorable, ils se soumettent à la vraie force révolutionnaire qu'ils avaient cru posséder et qui ne réside plus en eux : ils se précipitent dans les vastes ténèbres du socialisme, pour éviter d'être une minorité ridicule entre deux armées. La démocratie, dont on a essayé tant de définitions, a aujourd'hui un nom précis : c'est le socialisme, et le socialisme, c'est la destruction de ce qui 'existe présentement. Destruction complète et radicale, car les socialistes, fort peu d'accord sur ce qu'ils veulent édifier, s'entendent à merveille sur ce qu'ils veulent abattre. Ils veulent abattre tout.

Si la société actuelle se laisse vaincre, ce ne sera pas faute d'avertissements. Elle est avertie, non-seulement par ses amis, qu'elle pourrait accuser de s'alarmer sans motifs, mais par ses ennemis, qui, certes, n'ont pas intérêt à l'effrayer. Aucune illusion ne reste possible. Il n'est plus ques-tion de réformes, ni d'extension des droits politiques, ni d'économies, ni de liberté, ni de république : c'est la société elle-même, et elle en reçoit l'aveu, qui est mise en question. Ceux qui ne le disent pas ouvertement le laissent dire d'autres à qui ils tendent la main. Tous ensemble souscrivent le même programme; et l'unique point réservé entre eux est de savoir qui exterminera les autres, pour avoir la gloire de mener à meilleure fin le dessein de tous.

par

La société connaît-elle son péril? Oui et non. Elle entend, ou, pour mieux dire, elle sent qu'elle est menacée. L'accord qui se forme entre les partis modérés prouve qu'ils ont mesuré la force de leur ennemi commun. Cet accord survivra-t-il à la victoire dont il est le gage? On a malheureusement beaucoup de raisons d'en douter. Nous ne signalerons que la principale: la société voit son mal et n'en apprécie pas la cause. En présence de l'action unanime,

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