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AMYOT

Jacques Amyot, né à Melun en 1513, fut d'abord valet au collège de Navarre il devint précepteur des enfants du roi Henri II, grand aumônier de France, conseiller d'Etat, évêque d'Auxerre, et mourut en 1593. Ses ouvrages sont des traductions du grec l'Histoire Ethiopique d'Héliodore (1547); sept livres de Diodore (1554); les Amours de Daphnis et Chloé de Longus (1559); enfin, le plus célèbre de tous, les OEuvres complètes de Plutarque.

Première édition des Vies, Paris, Vascoscan, 1559, infol.; ses OEuvres morales, 1574, 7 vol. pet. in-8.

Les autres éditions les plus recherchées sont celles de Paris, Bastien, 1784, 18 vol. in-8; de Brotier, Paris, Cussac, 1783-1787, 22 vol. in-8, et enfin celle de Paris, Janet et Cotelle, 1818-1820, 25 vol. in-8.

D'autres éditions estimées encore sont celles de Claude Morel OEuvres morales de Plutarque, 1618, et Vies des Hommes illustres, 1619, in-folio.

M. Léon Feugère a publié en 1846 un Choix de Vies de Plutarque, traduites par Amyot et précédées d'études littéraires sur ces deux écrivains (1 vol. in-12).

Jacques Amyot ne fut qu'un traducteur, mais un traducteur de génie il occupe le premier rang dans un genre secondaire. Il a en quelque sorte créé Plutarque : il nous l'a donné plus vrai, plus complet que ne l'avait fait la nature. Le naïf et quelque peu crédule Béotien avait été jeté par le hasard de la naissance au siècle raffiné et corrompu d'Adrien. Pour exprimer sa pensée droite et simple, il n'avait que l'idiome laborieux et savant des alexandrins. De là, une dissonance continuelle dans ses nombreux écrits : son esprit et sa langue ne sont pas du même siècle. Amyot rétablit l'harmonie, et grâce à lui l'élève d'Ammonius redevient le bonhomme Plutarque. Cette création fut une bonne fortune pour la France: non seulement elle enrichit la langue par l'heureuse nécessité d'exprimer tant de con

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ceptions nobles et vraies, mais encore elle devint pour la renaissance des idées antiques un puissant auxiliaire. Nous autres ignorants étions perdus, dit Montaigne, si ce livre ne nous eût relevés du bourbier; sa merci (grâce à lui) nous osons à cette heure et parler et écrire; les dames en régentent les maîtres d'école : c'est notre bréviaire. »

MORT DE PHILOPMEN

VAINCU PAR DINOCRATES, TYRAN DE MESSÈNE, PHILOPOEMEN EST TOMBÉ AU POUVOIR DE SON ENNEMI. APRÈS L'AVOIR CONDUIT A MESSÈNE, ET ENFERMÉ DANS UN CACHOT, DINOCRATES SE RÉSOUT A LE FAIRE MOURIR,

1

Dinocrates ne craignoit rien plus que le délay du temps, pour ce qu'il se doubtoit bien que c'estoit ce qui seul pourroit saulver la vie à Philopomen. Parquoy, pour prevenir toutes les provisions que les Achaïens y pourroient donner 1 quand la nuict feut venue, et que tout le peuple Messenien se feut retiré, il feit ouvrir le caveau, et y feit desvaler l'exécuteur de haulte-justice avecques un breuvage de poison pour lui presenter, luy commandant de ne partir d'auprès de luy qu'il ne l'eust beu. Or estoit Philopomen, lorsque l'exécuteur entra, couché sur un petit manteau; non qu'il eust envie de dormir, mais bien le cœur serré de douleur, et l'entendement troublé d'ennuy. Quand il veit de la lumière et cest homme auprès de luy, tenant en sa main un goubelet où estoit le breuvage du poison, il se leiva en son séant; mais ce feut à grande peine, tant il estoit foible, et prenant le goubelet, demanda à l'exécuteur s'il avoit rien ouy dire des chevaliers qui estoyent venus avecques luy, principalement de Lycortas 2. L'exécuteur lui feit response que la pluspart s'estoit saulvée. Adoncques il feit un peu de signe de la teste seulement, et en le reguardant d'un bon visage, lui dict: il va bien 3, puis que nous n'avons pas esté malheureux en tout et partout; et sans jamais jecter austre voix ny dire austre parole, il beut tout le poison, et puis se recoucha comme devant si ne feit pas sa nature grande resistance au poison, tant son corps estoit debile, ains en feut tantot estouffé et esteinct. (Vies des Hommes illustres, Philopomen.)

1. Toutes les mesures que les Achéens pourraient prendre, afin de sauver Philopomen. 2. Lycortas, l'ami et le disciple de Philopomen, devint, après lui, le chef de la ligue achéenne. 3. Cela va bien, res

benè se habet.

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APPIUS CLAUDIUS AU SÉNAT

APRÈS LA BATAILLE D'HÉRACLÉE, PYRRHUS FIT OFFRIR AUX ROMAINS UNE PAIX HONORABLE ET SON AMITIÉ. PLUSIEURS SÉNATEURS INCLINAIENT A TRAITER AVEC LUI.

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Mais Appius Claudius, personnage notable, qui en partie pour sa vieillesse, et en partie pour avoir perdu la veue, ne venoit plus au senat, ny ne s'entremettoit plus des affaires publicques, quand il entendit les offres que faisoit le roy Pyrrhus, et comment le bruict couroit par la ville, que le sénat lui accorderoit les articles de paix qu'il avoit proposés, il ne se peust contenir; ains se feit porter par ses serviteurs dedans une lictière à bras jusques au senat, à travers la grande place de Rome, là où comme il feut arrivé à la porte, ses gendres et ses enfants le prenant dessoubz les bras, et se mettants à l'entour de luy le conduisirent au dedans. Le sénat feit silence par honneur à l'arrivée d'un si notable et si vénérable personnage, et luy, si tost qu'on l'eut posé en sa place, commencea à parler en ceste maniére : Par cy-devant, Seigneurs Romains, je portois fort impatiemment la perte de ma veue, mais maintenant je vouldrois encores estre sourd, aussy bien comme aveugle, quand j'oy dire les lasches et deshonnestes conclusions que vous arrestez en vos conseils, qui sont pour renverser toute la gloire et la réputation de Rome. Car où sont à ceste heure les avantageux propos que vous faiziez n'a guères courir par tout le monde : Que si Alexandre le Grand feust luy mesme venu en Italie du temps que nos pères estoyent en la fleur de leur aage, et nous en nostre première jeunesse, on ne le chanteroit pas par tout invincible, comme on faict maintenant, ains seroit demouré par deça 1 mort en la bataille, et par sa mort ou sa fuite auroit augmenté la renommée ou la gloire de Rome? Vous monstrez bien maintenant que tous ces propos-là n'estoyent que vaine vanterie et folle arrogance, veu que vous craignez les Molossiens et Chaoniens qui tousjours ont esté proye des Macedoniens, et redoubtez un Pyrrhus, qui toute sa vie a servi et faict la cour à l'un des satellites et guardes du corps d'Alexandre le Grand 2, et qui maintenant est venu faire la guerre par deça, non tant pour secourir les Grecs habitants en Italie, que pour fuyr les ennemis qu'il a par delà, vous offrant de vous conquerir tout le reste de l'Italie avecques une armée, laquelle n'a pas esté suffisante pour luy conserver une petite portion de la Macédoine seulement 3: pourtant ne faust-il pas que vous estimiez, qu'en faisant paix avec luy, vous vous despestrerez de luy, ains plustost que vous en at

1. Sur ce rivage, de ce côté de l'Adriatique. 2. Pyrrhus passa plusieurs années, en qualité d'otage, à la cour de Ptolémée Soter. - 3. Pyrrhus avait conquis la Macédoine sur Démétrius Poliorcète, et n'avait pas su la conserver.

trairez d'autres à vous venir courir suz: car, ils vous auront en mespris, quand ils vous sentiront si faciles à dompter, si vous laissez eschapper Pyrrhus, sans luy faire payer l'amende de l'outraige qu'il vous a osé faire, emportant encores pour son salaire cest advantage sur vous, qu'il aura donné aux Samnites et Tarentins de quoy cy-après se mocquer des Romains.

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Depuis que ces remonstrances d'Appius eurent esté ouyes au senat, il n'y eut celuy en toute l'assemblée qui n'aimast mieulx la guerre que la paix, et renvoya-l'on Cinéas avecques ceste response : « Que si Pyrrhus desiroit l'amitié et alliance des Romains, il falloit qu'il sortist premierement de l'Italie, et puis qu'alors il les envoyast rechercher de paix : mais que tant comme il seroit dedans l'Italie en armes, les Romains luy feroient la guerre de toute leur puissance, quand bien il auroit battu et deffaict dix mille tels capitaines comme Lævinus 1. » (Vies des Hommes illustres, Pyrrhus.)

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François Rabelais, né en 1483 à Chinon, fut d'abord cordelier, puis bénédictin. Fatigué du joug de la règle monastique, il quitta le froc pour l'habit de prêtre séculier, et se mit à courir le monde. En 1530, il se fit inscrire sur les registres de la Faculté de médecine de Montpellier. Au commencement de l'année 1534, et deux ans plus tard en 1536, il accompagna à Rome, en qualité de médecin, le cardinal Jean du Bellay, ambassadeur de France. Revenu à Montpellier, il fut promu au doctorat le 22 mai 1537. L'année suivante, il exerçà la médecine dans plusieurs villes du midi, à Narbonne, à Castres, à Lyon; il fut néanmoins autorisé à prendre possession du canonicat de Saint-Maur-les-Fossés, que lui avait dctroyé le cardinal du Bellay. En 1551, il obtint du cardinal la cure de Meudon. Il mourut en 1553 à Paris. On a de lui quelques travaux sérieux, tels que des éditions de divers traités d'Hippocrate et de Galien. Mais l'ouvrage qui a rendu son nom immortel, c'est l'histoire de Gargantua et de Pantagruel, roman satirique en cinq livres, qui parurent séparément, de 1532 à 1565.

1. Le consul Lavinus battu par Pyrrhus à Héraclée.

Première édition des cinq parties réunies: Lyon, Jean Martin, 1567, in-16; les éditions principales depuis 1567 sont les suivantes : Amsterdam, Elzevier, 1663, 2 vol. petit in-12; de Le Duchat, 1741, 5 vol. petit in-8; Paris, Louis Janet, 1823, 2 vol. in-8; Paris, Dalibon, 1823-1826, 9 vol. in-8; Paris, Charpentier, 1840, gr. in-18; Paris, Didot, 1857-1858, 2 vol. gr. in-18, et Paris, P. Janet, 1858, in-16.

L'édition de MM. Burgaud des Marets et Rathery (18701873, 2e édit. 2 vol. in-18) donne un texte rajeuni. L'édition P. Janet, 1867, contient 7 vol. in-12. C'est actuellement la plus commode à consulter avec les deux suivantes : édition de M. A. de Montaiglon et L. Lacour, 1868, 3 vol. in-8; édition de M. Marty-Laveaux, 1870-1872, 3 vol. petit in-8. On a réimprimé dernièrement les commentaires intéressants de Le Duchat et Le Motteux (édit. Fabre, Niort, 1875 et suiv. in-8).

«La Vie de Gargantua et de Pantagruel, dit M. SainteBeuve, est une œuvre inouïe, mêlée de science, d'obscurité, de comique, d'éloquence et de haute fantaisie, qui rappelle tout, sans être comparable à rien, qui vous saisit et vous déconcerte, vous enivre, et vous dégoûte, et dont on peut, après s'y être beaucoup plu et l'avoir beaucoup admirée, se demander sérieusement si on l'a comprise. Sous une gaieté qui va parfois jusqu'à la bouffonnerie jusqu'à la licence la plus choquante, Rabelais cache une haute raison, un sens profond et hardi. Lui-même nous en avertit « Vites-vous bncques chien rencontrant quelque os médullaire? Le chien est, comme dit Platon, la bête du monde la plus philosophique. Si vous l'avez vu, vous avez pu noter de quelle dévotion il le guette, de quel soin il le garde, de quelle ferveur il le tient, de quelle prudence il l'entame, de quelle affection il le brise, et de quelle diligence il le suce. Qui l'induit à ce faire? Quel est l'espoir de son étude? Quel bien prétend-il? Rien plus qu'un peu de moëlle... A l'exemple d'icelui vous convient être sages pour fleurer, sentir et estimer ces beaux livres de haute graisse, légers au prochas (à la poursuite) et hardis à la rencontre, puis par curieuse leçon et méditation fréquente, rompre l'os et sucer la scientifique moëlle. >>

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