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Que le même hommage pût plaire A celle qui remplit vos climats d'habitans Tirés de l'île de Cythère?

Vous voyez par là que j'entends

Mazarin, des Amours déesse tutélaire.

FABLE XXIV. Le Soleil et les Grenouilles. Les filles du limon tiroient du roi des astres Assistance et protection:

Guerre ni pauvreté, ni semblables désastres,
Ne pouvoient approcher de cette nation;
Elle faisoit valoir en cent lieues son empire.
Les reines des étangs, grenouilles veux-je dire,
(Car que coûte-t-il d'appeler

Les choses par noms honorables?)

Contre leur bienfaiteur osèrent cabaler,
Et devinrent insupportables.

L'imprudence, l'orgueil, et l'oubli des bienfaits,
Enfans de la bonne fortune,

Firent bientôt crier cette troupe importune:
On ne pouvoit dormir en paix.

Si l'on eût cru leur murmure,
Elles auroient par leurs cris
Soulevé grands et petits

Contre l'œil de la Nature.

Le soleil, à leur dire, alloit tout consumer;
Il falloit promptement s'armer,
Et lever des troupes puissantes.
Aussitôt qu'il faisoit un pas,
Ambassades coassantes
Alloient dans tous les États:
A les ouïr, tout le monde,
Toute la machine ronde
Rouloit sur les intérêts
De quatre méchans marais.
Cette plainte téméraire

Dure toujours et pourtant
Grenouilles doivent se taire,
Et ne murmurer pas tant :
Car si le soleil se pique,
Il le leur fera sentir;
La république aquatique
Pourroit bien s'en repentir.

FABLE XXV. - La Ligue des Rats.

Une souris craignoit un chat

Qui dès longtemps la guettoit au passage
Que faire en cet état? Elle, prudente et sage,
Consulte son voisin : c'étoit un maître rat,
Dont la rateuse seigneurie

S'étoit logée en bonne hôtellerie,
Et qui cent fois s'étoit vanté, dit-on,
De ne craindre ni chat, ni chatte,
Ni coup de dent, ni coup de patte.
« Dame souris, lui dit ce fanfaron,
Ma foi! quoi que je fasse,

Seul, je ne puis chasser le chat qui vous menace :
Mais assemblons tous les rats d'alentour,
Je lui pourrai jouer d'un mauvais tour. »
La souris fait une humble révérence;
Et le rat court en diligence

A l'office, qu'on nomme autrement la dépense,
Où maints rats assemblés

Faisoient, aux frais de l'hôte, une entière bombance.
Il arrive, les sens troublés,

Et tous les poumons essoufflés.

« Qu'avez-vous donc? lui dit un de ces rats; parlez.
En deux mots, répond-il, ce qui fait mon voyage,
C'est qu'il faut promptement secourir la souris;
Car Raminagrobis

Fait en tous lieux un étrange carnage.
Ce chat, le plus diable des chats,

S'il manque de souris, voudra manger des rats. »
Chacun dit : « Il est vrai. Sus! sus! courons aux armes! >
Quelques rates, dit-on, répandirent des larmes.
N'importe, rien n'arrête un si noble projet :
Chacun se met en équipage;

Chacun met dans son sac un morceau de fromage;
Chacun promet enfin de risquer le paquet.
Ils alloient tous comme à la fête,
L'esprit content, le cœur joyeux.
Cependant, le chat, plus fiu qu'eux,
Tenoit déjà la souris par la tête.
Ils s'avancèrent à grands pas
Pour secourir leur bonne amie :
Mais le chat, qui n'en démord pas,
Gronde, et marche au-devant de la troupe ennemie.
A ce bruit nos très-prudens rats,
Craignant mauvaise destinée,

Font, sans pousser plus loin leur prétendu fracas,
Une retraite fortunée.

Chaque rat rentre dans son trou :

Et si quelqu'un en sort, gare encor le matou.

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A qui seule aujourd'hui mille cœurs font la cour,
Sans ceux que l'amitié rend soigneux de vous plaire,
Et quelques-uns encor que vous garde l'amour,
Je ne puis qu'en cette préface
Je ne partage entre elle et vous

Un

peu de cet encens qu'on recueille au Parnasse,
Et que j'ai le secret de rendre exquis et doux.
Je vous dirai donc.... Mais tout dire,
Ce seroit trop; il faut choisir,

Ménageant ma voix et ma lyre

Qui bientôt vont manquer de force et de loisir.
Je louerai seulement un cœur plein de tendresse,
Ces nobles sentiments, ces grâces, cet esprit:
Vous n'auriez en cela ni maître ni maîtresse,
Sans celle dont sur vous l'éloge rejaillit.
Gardez d'environner ces roses

De trop d'épines, si jamais

L'amour vous dit les mêmes choses:
Il les dit mieux que ne fais;

Aussi sait-il punir ceux qui ferment l'oreille
A ses conseils. Vous l'allez voir.

Jadis une jeune merveille Méprisoit de ce dieu le souverain pouvoir; On l'appeloit Alcimadure:

Fier et farouche objet, toujours courant aux bois, Toujours sautant aux prés, dansant sur la verdure, Et ne connoissant autres lois

Que son caprice; au reste, égalant les plus belles,
Et surpassant les plus cruelles;

N'ayant trait qui ne plût, pas même en ses rigueurs :
Quelle l'eût-on trouvée au fort de ses faveurs!
Le jeune et beau Daphnis, berger de noble race,
L'aima pour son malheur : jamais la moindre grâce,
Ni le moindre regard, le moindre mot enfin,

Ne lui fut accordé par ce cœur inhumain.
Las de continuer une poursuite vaine,
Il ne songea plus qu'à mourir.

Le désespoir le fit courir

A la porte de l'inhumaine.

Hélas! ce fut aux vents qu'il raconta sa peine,
On ne daigna lui faire ouvrir

Cette maison fatale, où, parmi ses compagnes,
L'ingrate, pour le jour de sa nativité,

Joignoit aux fleurs de sa beauté

Les trésors des jardins et des vertes campagnes.
J'espérois, cria-t-il, expirer à vos yeux;

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Mais je vous suis trop odieux,

Et ne m'étonne pas qu'ainsi que tout le reste
Vous me refusiez même un plaisir si funeste.
Mon père, après ma mort, et je l'en ai chargé,
Doit mettre à vos pieds l'héritage

Que votre cœur a négligé.

Je veux que l'on y joigne aussi le pâturage,
Tous mes troupeaux, avec mon chien;
Et que du reste de mon bien

Mes compagnons fondent un temple
Où votre image se contemple,

Renouvelant de fleurs l'autel à tout moment.
J'aurai près de ce temple un simple monument:
On gravera sur la bordure ·

α

Daphnis mourut d'amour. Passant, arrête-toi; « Pleure, et dis: Celui-ci succomba sous la loi « De la cruelle Alcimadure. »

A ces mots, par la Parque ii se sentit atteint :
Il auroit poursuivi; la douleur le prévint.
Son ingrate sortit triomphante et parée.

On voulut, mais en vain, l'arrêter un moment
Pour donner quelques pleurs au sort de son amant :
Elle insulta toujours au fils de Cythérée,
Menant dès ce soir même, au mépris de ses lois,
Ses compagnes danser autour de sa statue.
Le dieu tomba sur elle, et l'accabla du poids :
Une voix sortit de la nue,

Écho redit ces mots dans les airs épandus:

Que tout aime à présent : l'insensible n'est plus. » Cependant de Daphnis l'ombre au Styx descendue Frémit et s'étonna la voyant accourir. Tout l'Érèbe entendit cette belle homicide S'excuser au berger qui ne daigna l'ouïr, Non plus qu'Ajax Ulysse, et Didon son perfide.

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