Mettez ce qu'il en coûte à plaider aujourd'hui ; Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles. FABLE X. Le Loup et le Chien maigre. Autrefois carpillon fretin Eut beau prêcher, il eut beau dire, Je fis voir que lâcher ce qu'on a dans la main, Est imprudence toute pure. Le pêcheur eut raison; carpillon n'eut pas tort Ce que j'avançai lors, de quelque trait encor. Certain loup, aussi sot que le pêcheur fut sage, S'en alloit l'emporter. Le chien représenta Qu'étant de noce il faut malgré moi que j'engraisse.» Le loup, quelques jours écoulés, Revient voir si son chien n'est pas meilleur à prendre, Mais le drôle étoit au logis. Il dit au loup par un treillis : Ami, je vais sortir; et, si tu veux attendre, Nous serons tout à l'heure à toi. » Ce portier du logis étoit un chien énorme, Celui-ci s'en douta. Serviteur au portier, D Dit-il; et de courir. Il étoit fort agile; FABLE XI. Rien de trop. Je ne vois point de créature Veut que l'on garde en tout. Le fait-on? nullement : Il ôte à son fruit l'aliment. L'arbre n'en fait pas moins: tant le luxe sait plaire! D'en croquer quelques-uns : ils les croquèrent tous; De punir ces derniers : les humains abusèrent De tous les animaux, l'homme a le plus de pente Il faudroit faire le procès Aux petits comme aux grands. Il n'est âme vivante Qui ne pêche en ceci. Rien de trop est un point Dont on parle sans cesse, et qu'on n'observe point C'est du séjour des dieux que les abeilles viennent Au mont Hymette, et se gorger Des trésors qu'en ce lieu les zéphyrs entretiennent. N'eurent plus que la cire, on fit mainte bougie; Un d'eux voyant la terre en brique au feu durcie Il se lança dedans. Ce fut mal raisonné : Tout en tout est divers : ôtez-vous de l'esprit Oh! combien le péril enrichiroit les dieux, Si nous nous souvenions des vœux qu'il nous fait faire! Mais, le péril passé, l'on ne se souvient guère α De ce qu'on a promis aux cieux; On compte seulement ce qu'on doit à la terre. Un passager pendant l'orage Avoit voué cent boeufs au vainqueur des Titans. Il brûla quelques os quand il fut au rivage: Sire Jupin, dit-il, prends mon vou; le voilà: Mais, après quelques jours, le dieu l'attrapa bien, Envoyant un songe lui dire Qu'un tel trésor étoit en tel lieu. L'homme au vœu Il trouva des voleurs; et, n'ayant dans sa bourse On l'avoit enterré dedans telle bourgade. FABLE XIV. Le Chat et le Renard. Le chat et le renard, comme beaux petits saints, C'étoient deux vrais tartufs, deux archipatelins, Le chemin étant long, et partant ennuyeux, La dispute est d'un grand secours Nos pèlerins s'égosillèrent. Ayant bien disputé, l'on parla du prochain. Le renard au chat dit enfin : « Tu prétends être fort habile; En sais-tu tant que moi? J'ai cent ruses au sac. – Non, dit l'autre : je n'ai qu'un tour dans mon bissac; Mais je soutiens qu'il en vaut mille. » Eux de recommencer la dispute à l'envi. Sur le que si, que non, tous deux étant ainsi, Le chat dit au renard : « Fouille en ton sac, ami; Un stratagème sûr : pour moi, voici le mien. » Entra dans cent terriers, mit cent fois en défaut Et ce fut partout sans succès : Le trop d'expédiens peut gâter une affaire : FABLE XV. Le Mari, la Femme et le Voleur Un mari fort amoureux, Fort amoureux de sa femme, Bien qu'il fût jouissant, se croyoit malheureux. Propos flatteur et gracieux, Mot d'amitié, ni doux sourire, Déifiant le pauvre sire, N'avoient fait soupçonner qu'il fût vraiment chéri. Je le crois : c'étoit un mari. Il ne tint point à l'hyménée |