Le monde n'a jamais manqué de charlatans: Fut en professeurs très-fertile. Un manant, un rustre, un lourdaud : Et veux qu'il porte la soutane. » Le prince sut la chose; il manda le rhéteur: α J'ai, dit-il, en mon écurie, Un fort beau roussin d'Arcadie; J'en voudrois faire un orateur. D -Sire, vous pouvez tout, reprit d'abord notre homme. Il devoit au bout de dix ans Sinon il consentoit d'être en place publique Et les oreilles d'un baudet. Quelqu'un des courtisans lui dit qu'à la potence Vulgairement nommés larrons. Il avoit raison. C'est folie De compter sur dix ans de vie. Soyons bien buvans, bien mangeans: Nous devons à la mort de trois l'un en dix ans. La déesse Discorde ayant brouillé les dieux, Chez l'animal qu'on appelle homme Elle et Que-si-que-non son frère, Elle nous fit l'honneur en ce bas univers A celui des mortels qui nous sont opposés, Et qui, se mariant sans prêtre et sans notaire, Pour la faire trouver aux lieux où le besoin La Renommée avoit le soin Couroit vite aux débats, et prévenoit la Paix; De demeure fixe et certaine ; Bien souvent l'on perdoit, à la chercher, sa peine : Comme il n'étoit alors aucun couvent de filles, L'auberge enfin de l'hyménée Lui fut pour maison assinée. La perte d'un époux ne va point sans soupirs: Entre la veuve d'une année Et la veuve d'une journée La différence est grande: on ne croiroit jamais L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits: On le dit; mais il n'en est rien, L'époux d'une jeune beauté Fartoit pour l'autre monde. A ses côtés sa femme La belle avoit un père, homme prudent et sage: A la fin pour la consoler : «Ma fille, lui dit-il, c'est trop verser de larmes : Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes? Puisqu'il est des vivans, ne songez plus aux morts. Je ne dis pas que tout à l'heure Une condition meilleure Change en des noces ces transports; Mais après certain temps souffrez qu'on vous propose Un époux, beau, bien fait, jeune, et tout autre chose Que le défunt. Ah! dit-elle aussitôt, Un cloître est l'époux qu'il me faut. » Le père lui laissa digérer sa disgrâce. L'autre mois on l'emploie à changer tous les jours En attendant d'autres atours. Revient au colombier; les jeux, les ris, la danse, On se plonge soir et matin Dans la fontaine de Jouvence. Le père ne craint plus ce défunt tant chéri; Mais comme il ne parloit de rien à notre belle: << Où donc est le jeune mari Que vous m'avez promis? » dit-elle. ÉPILOGUE. Bornons ici cette carrière : Veut que je change de sujets : Retournons à Psyché. Damon, vous m'exhortez En sa faveur s'échauffera. Heureux si ce travail est la dernière peine LIVRE SEPTIÈME. A MADAME DE MONTESPAN. L'Apologue est un don qui vient des immortels; Nous devons, tous tant que nous sommes, Le sage par qui fut ce bel art inventé. C'est proprement un charme : il rend l'âme attentive Ou plutôt il la tient captive, Nous attachant à des récits Qui mènent à son gré les cœurs et les esprits. Le temps, qui détruit tout, respectant votre appui, C'est de vous que mes vers attendent tout leur prix : Dont vous ne connoissiez jusques aux moindres traces. Mais il faut réserver à d'autres cet emploi; Olympe, c'est assez qu'à mon dernier ouvrage Par qui j'ose espérer une seconde vie : Sous vos seuls auspices ces vers |