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imposants que la religion ait trouvés contre le << matérialisme et l'incrédulité (1).

Je me suis attaché, dans cette appréciation, à la conclusion, non au corps même de l'ouvrage. Les Études biographiques et critiques dont il est composé ont, au plus haut degré, le mérite d'un travail original, qui puise immédiatement et uniquement aux sources. Il y a même telle de ces notices qui ne pouvait être le produit que d'un travail de cette espèce. Viret, comme écrivain, a pour ainsi dire été retrouvé par M. Sayous, et nous lui savons gré de nous avoir fait connaître ce Calvin diminué et adouci, qui, le premier ou le seul, parmi les théologiens de cette époque, a étendu son regard du domaine de la grâce vers celui de la nature, de la vie spirituelle vers la vie extérieure. Hotman n'était guère connu que par ce qu'en avait dit M. Thierry dans l'introduction des Récits mérovingiens. Avec des nuances et quelques diversions, la sévérité de Calvin se reflète sur le front de tous ces personnages; cette sévérité, chez plusieurs, est rude et emportée, mais jamais l'idée de fanatisme ne se présente. L'imagination n'est pour rien dans leurs excès, et l'orgueil, osons le dire, est loin d'y prendre toute la place que semblait lui ménager la faiblesse humaine. L'explication et l'excuse de bien des duretés se trouve dans cette préoccupation pour la pureté de la foi, pour la sainteté de la loi, et pour l'inviolable majesté de Dieu, qui caractérisent la Réforme. Ne pouvant dans la religion tout embrasser à la fois, les réformateurs (1) Tome II, page 354-359.

s'attachèrent à ce qu'ils regardaient comme la pierre angulaire, qui est bien en même temps, sans qu'on veuille jouer sur le mot, une pierre anguleuse. Ce sentiment, qui avait produit la Réforme, était universel et profond parmi les réformés, et s'il entraîna à des fautes graves des réformateurs qui n'étaient que des hommes, si même il effaça trop souvent ce caractère de mansuétude que Jésus-Christ a com-. muniqué à la religion dont il est le chef, il ne faut pas, du moins, en ccuser quelques individus; car les hommes de diverses conditions, hommes de loi, hommes d'épée, hommes de lettres, qui embrassèrent cette cause, y apportèrent tous le même esprit. Bien des choses, dans les enseignements et dans la conduite de ces hommes forts, peuvent nous repousser, et rien ne doit nous empêcher de dire que nous ne nous sentons point liés à leurs exemples ni à leurs pensées; mais il serait bien injuste de fermer les yeux à ce qu'il y eut de dévouement, d'héroïsme et de grandeur dans ces chefs et ces champions de la Réforme française. On croit sentir que M. Sayous ne s'associe ni à toutes leurs opinions ni à tous leurs, sentiments, et ceci même donne de l'autorité et du prix à l'admiration respectueuse qu'il professe pour eux. En les jugeant, il est conduit à juger d'autres hommes, et le fait avec la même sûreté de critique. et de goût. Tout le monde distinguera des pages importantes sur Rabelais, dans la notice sur La Noue (1). Des considérations générales sur la Réforme et sur (1) Tome II, page 92.

le seizième siècle s'entremêlent assez souvent aux détails biographiques et aux appréciations littéraires. Nous avons remarqué dans le premier volume un morceau assez étendu sur la prédication de la Réforme (1), un autre sur la manière de travailler des écrivains et des érudits de la même époque (2); et dans le second volume, des renseignements curieux sur les manifestations et les formes de l'impiété dans ce seizième siècle si préoccupé de religion et d'amendement moral (3).

(1) Tome I, page 34.
(3) Tome II, page 141.

(2) Tome I, page 177.

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Ces deux titres, séparés par une particule disjonctive, équivalent-ils l'un à l'autre? Un cours de littérature dramatique n'est-il autre chose qu'un traité de l'usage des passions dans le drame? Tout le monde n'en conviendra pas, et il est probable que l'auteur lui-même ne soutiendrait pas cette thèse; mais sans doute qu'entre les points de vue qui s'offrent à l'esprit dans l'étude de la littérature dramatique, il n'en est pas de plus élevé. Il n'en est point non plus sous lequel l'époque présente se plaise davantage à envisager les questions littéraires. La littérature sans doute n'a pu jamais être entièrement séparée de la psychologie, dont elle est une application il y a des mathématiques pures, peut-il y avoir de la littérature pure? Il faudrait, dans ce cas, écarter de l'appréciation des œuvres littéraires tout ce qui ne ressortit pas au tribunal du goût; et cela

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ne suffirait point; il faudrait encore n'attribuer au goût que le discernement de la vérité esthétique, ou plutôt séparer absolument la vérité esthétique de la vérité morale. Cette séparation est impossible. Il vaut mieux reconnaître que la littérature embrasse tous les écrits dans lesquels l'homme se révèle synthétiquement à l'homme. Dès lors, la critique littéraire est une application de la science de l'homme, et la question de l'usage des passions peut bien être considérée comme la branche principale d'un cours de littérature dramatique.

Il eût mieux valu néanmoins s'en tenir à l'un des deux titres, au seul qui soit exactement vrai. Pour notre part, nous ne pouvons voir dans l'ouvrage dont voici le premier volume qu'un traité sur une question très intéressante, mais spéciale pourtant. Elle méritait sans doute d'être une fois séparée de toutes les autres et discutée à part. Ajoutons qu'elle est tombée en de fort bonnes mains. M. Saint-Marc Girardin connaît la morale et connaît le théâtre. De ces deux connaissances, la plus rare, tout considéré, n'est pas celle que l'on pense. On s'en avise en lisant ce volume. Une assez grande intelligence du théâtre est chose commune parmi ceux qui le fréquentent, et des esprits fort inférieurs à M. Saint-Marc Girardin peuvent s'y entendre à peu près aussi bien que lui. Mais, à voir comme il traite les questions de morale, on se dit que peu d'hommes, dans le monde où il vit, seraient en état de les traiter comme lui. Son avantage sur d'autres écrivains n'est souvent

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