Page images
PDF
EPUB

DE LA METHODE

Pour bien conduire fa raison, & chercher
la verité dans les fciences.

[blocks in formation]

Cheż HENRY LE GRAS, au troifiefme pilier de la
grande Salle, à L. Couronnée.

M. D C. LVIII.

Auec Priuilege du Roy.

ns

Christophorus Otto Comes & Du's in Schallenberge Præpositus Constantiensis ab a. 1692 & Au-gustana Decang aba: 1721. natus ao 1655 6ã Juni, horâ và matutina in Hagen prope Lintium Austria Superioris, Patre, mite Christopboro Ernesto & Metre, Bristina, natâ Baronissä Schiferin p. denatus a

17...

Bayerische**
Staatsbibliothek

München

DE LA METHODE

Pour bien conduire fa raifon, & chercher la verité dans les sciences.

Si ce difcours femble trop long pour eftre tout leu en une fois, on le pourra diftinguer en fix parties. Et en la premiere on trouuera diuerfes confiderations touchant les feiences. En la feconde,les principales regles de la Methode que l' Autheur a cherchée. En la 3, quelques vones de celles de la Morale qu'il a tirée de cette Methode. En la 4, les raifons par lesquelles il prouue l'existence de Dieu, & del'amehumaine, qui font les fondemens de fa Metaphyfique. Enlas, l'ordre des questions de Physique qu'il a cherchées, particulierement

l'explicationdu mouuement du cœur,& de quelques autres difficul tez qui appartiennent a la Medecine, puis auffy la difference qui eft entre noftre ame & celle des beftes. Et en la derniere, quelles chofes ilcroit eftre requifes pour aller plus auant en la recherche dela Nature qu'il n'a efté, quelles raisons l'ont fait eferire.

PREMIERE

E bon fens eft la chofe du monde la
mieux partagée; car chascun pense en PARTIS.
eftre fi bien pouruû, que ceux mefme qui
font les plus difficiles a contenter en tou-

te autre chose, n'ont point couftume d'en defirer plus qu'ils en ont. En quoy il n'eft pas vray femblable que tous fe trõpent; Mais plutoft cela tesmoigne que la puiffance de bien iuger, & diftinguer le vray d'auec le faux, qui eft proprement ce qu'on nomme le bon sens, ou la raifon, eft naturellement efgale en tous les hommes, Er ainsi que la diuerfité de nos opinions ne vient pas de ce que les vns font plus raifonnables que les

[blocks in formation]

autres, mais feulement de ce que nous conduisons nos pensées par diuerfes yoyes, & ne confiderons pas les mefmes choses. Car ce n'eft pas affez d'auoir l'efprit bon, mais le principal eft de l'appliquer bien. Les plus grandes ames font capables des plus grans vices, auffy bien que des plus grandes vertus : Et ceux qui ne marchent que fort lentement peuuent auancer beaucoup d'auantage, s'ils fuiuent toufiours le droit chemin, que ne font ceux qui courent, & qui s'en efloignent.

Pour moy ie n'ay iamais prefumé que mon esprit fust en rien plus parfait que ceux du commun: mefme i'ay fouuent souhaité d'auoir la pensée auffy prompte, ou l'imagination auffy nette & diftincte, ou la memoire auffy ample, ou auffy prefente, que quelques autres. Etie ne fçache point de qualitez que celles cy, qui feruenta la perfection de l'efprit: car pour la raifon, ou le fens, d'autant qu'elle eft la feule chofe qui nous rend hommes, & nous diftingue des beftes, ie veux croyre qu'elle eft toute entiere en vn chascun ; & fuiure en cecy l'opinion commune des Philofophes, qui difent qu'il n'y a du plus & du moins qu'entre les accidens, & non point entre les formes ou natures des indiuidus d'vne mefme efpece.

Mais ie ne craindray pas de dire que ie pense auoir eu beaucoup d'heur, de m'eftre rencontré dés ma ieuneffe en certains chemins, qui m'ont conduit à des confiderations & des maximes, dont i'ay formé vne Methode, par laquelle il me femble que i'ay moyen d'augmenter par degrez ma connoiffance, & de l'efleuer peu a peu au plus haut point,auquel la mediocrité de mon efprit & la cour.

te du

te durée de ma vie luy pourront permettre d'atteindre. Car i'en ay defia recueilly de tels fruits, qu'encore qu'aux iugemens que ie fais de moymefme, ie tafche toufiours de pencher vers le cofté de la defiance, plutoft que vers celuy de la prefomption; & que regardant d'vn œil de Philofophe les diuerfes actions & entreprises de tous les hommes, il n'y en ait quafi aucune qui ne me semble vaine & inutile, Ie ne laiffe pas de receuoir vne extreme fatisfaction du progrés que ie penfe auoir defia fait en la recherche de la verité, & de conceuoir de telles efperances pour l'auenir, que fi entre les occupations des hommes, purement hommes, il y en a quelqu'vne qui foit folidement bonne & importante, i'ofe croyre que c'eft celle que iay choisie.

Toutefois il fe peut faire que ie me trompe. & ce n'est peuteftre qu'vn peu de cuiure & de verre que ie prens pour de l'or & des diamans. Ie fcay combien nous fommes fuiets a nous méprendre en ce qui nous touche; & combien auffy les iugemens de nos amis nous doiuent eftre suspects, lorsqu'ils font en noftre faueur. Mais ie feray bien ayse de faire voir en ce discours quels font les chemins que iay fuiuis, & d'y reprefenter ma vie comme en vn tableau,affin que chafcun en puiffe iuger, & qu'apprenant du bruit commun les opinions qu'on en aura, ce foit vn nouueau moyen de m'inftruire, que i'ad ioufteray a ceux dont i'ay couftume de me feruir.

Ainfi mon deffein n'eft pas d'enfeigner icy la Metho de que chafcun doit fuiure pour bien conduire fa raison: mais feulement de faire voir en quelle forte i'ay tafché de conduire la miene. Ceux qui fe meflent de donner 2 3

des

« PreviousContinue »