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Adieu, charmant pays de France,
Que je dois tant chérir!

Berceau de mon heureuse enfance,
Adieu! te quitter c'est mourir.

L'amour, la gloire, le génie
On trop enivré mes beaux jours.
Dans l'inculte Calédonie

De mon sort va changer le cours :
Hélas! un présage terrible

Doit livrer mon cœur à l'effroi ;
J'ai cru voir dans un songe horrible
Un échafaud dressé pour moi.

Adieu, charmant pays de France,
Que je dois tant chérir!
Berceau de mon heureuse enfance,
Adieu! te quitter c'est mourir.

France, du milieu des alarmes,
La noble fille des Stuarts,

Comme en ce jour qui voit ses larmes,

Vers toi tournera ses regards;

Mais, Dieu! le vaisseau trop rapide

Déjà vogue sous d'autres cieux;
Et la nuit, dans son voile humide,
Dérobe tes bords à mes yeux.

Adieu, charmant pays de France,

Que je dois tant chérir!

Berceau de mon heureuse enfance,

Adieu! te quitter c'est mourir.

Béranger,

SELECTIONS IN PROSE.

LES OURS DE BERNE.

Un grand rassemblement était formé devant la porte d'Aarberg, à Berne; nous en demandâmes la cause; on nous répondit laconiquement:-Les ours.

Nous parvînmes en effet jusqu'à un parapet autour duquel étaient appuyées, comme sur une galerie de salle de spectacle, deux ou trois cents personnes occupées à regarder les gentillesses de quatre ours monstrueux, séparés par couples, et habitant deux grandes fosses tenues avec la plus grande propreté, et dallées comme des salles à manger.

L'amusement des spectateurs consistait, comme à Paris, à jeter des pommes, des poires et des gâteaux aux habitants de ces deux fosses; seulement leur plaisir se compliquait d'une combinaison que j'indiquerai à M. le directeur du Jardin des Plantes, et que je l'invite à naturaliser en France, pour la plus grande joie des amateurs.

La première poire que je vis jeter aux martins' bernois fut avalée par l'un d'eux sans aucune opposition extérieure; mais il n'en fut pas de même de la seconde. Au moment où, alléché par ce premier succès, il se levait nonchalamment pour aller chercher son dessert à l'endroit où il était tombé, un autre convive, dont je ne pus reconnaître la forme, tant son action fut agile, sortit d'un petit trou pratiqué dans le mur, s'empara de la poire au nez de l'ours stupéfait, et rentra dans son terrier aux grands applaudissements de la multitude.

Une minute après, la tête fine d'un renard montra ses

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1 martins, name given to bears. it was not so.

yeux vifs et son museau noir et pointu à l'orifice de sa retraite, attendant l'occasion de faire une curée aux dépens du maître du château, dont il avait l'air d'habiter le pavillon.

Cette vue me donna l'envie de renouveler l'expérience, et j'achetai des gâteaux, comme l'appât le plus propre à réveiller l'appétit individuel des deux antagonistes. Le renard, qui devina sans doute mon intention, en me voyant appeler la marchande, fixa les yeux sur moi, et ne me perdit plus de vue. Lorsque j'eus fait provision de vivres, et que je les eus emmagasinés dans ma main gauche, je pris une tartelette de la main droite et la montrai au renard : le sournois fit un petit mouvement de tête, comme pour me dire:-Sois tranquille, je comprends parfaitement; puis, il passa la langue sur ses lèvres, avec l'assurance d'un gaillard qui est assez sûr de son affaire pour se pourlécher d'avance.

Je comptais cependant lui donner une occupation plus difficile que la première. L'ours, de son côté, avait vu mes préparatifs, et se balançait gracieusement, assis sur les dalles, les yeux fixes, la bouche ouverte, et les pattes tendues vers moi. Pendant ce temps, le renard, rampant comme un chat, était sorti tout à fait de son terrier, et je m'aperçus que c'était une cause accidentelle plutôt encore que la vélocité de sa course, qui m'avait empêché de reconnaître à quelle espèce il appartenait lors de sa première apparition: la malheureuse bête n'avait pas de queue!

Je jetai le gâteau; l'ours le suivit des yeux, se laissa retomber sur ses quatre pattes pour venir le chercher; mais au premier pas qu'il fit, le renard s'élança par-dessus son dos, d'un bond dont il avait pris la mesure si juste, qu'il tomba le nez sur la tartelette, puis, faisant un grand détour, il décrivit une courbe pour rentrer dans son terrier. L'ours,

furieux, appliquant aussitôt à sa vengeance ce qu'il savait' de géométrie, prit la ligne droite avec une vivacité dont je l'aurais cru incapable. Le renard et lui arrivèrent presque en même temps au trou; mais le renard avait l'avance, et les dents de l'ours claquèrent, en se joignant, à l'entrée du terrier, au moment même où le larron venait de disparaître. Je compris alors pourquoi le pauvre écourté n'avait plus de queue. Alexandre Dumas.

UNE AVENTURE DE VOYAGE.

Un jour je voyageais en Calabre: c'est un pays de méchantes gens, qui, je crois, n'aiment personne, et en veulent surtout aux Français. De vous dire pourquoi, cela serait long; suffit qu'ils nous haïssent à mort, et qu'on passe fort mal son temps lorsqu'on tombe entre leurs mains. -J'avais pour compagnon un jeune homme d'une figure. ... ma foi, comme ce monsieur que nous vîmes au Vincy; vous en souvenez-vous? et mieux encore peut-être. Je ne dis pas cela pour vous intéresser, mais parce que c'est la vérité.

Dans ces montagnes, les chemins sont des précipices; nos chevaux marchaient avec beaucoup de peine. Mon camarade allant devant, un sentier qui lui parut plus praticable et plus court nous égara. Ce fut ma faute; devais-je me fier à une tête de vingt ans? Nous cherchâmes, tant qu'il fit jour, notre chemin à travers ces bois; mais plus nous cherchions, plus nous nous perdions; et il était nuit quand nous arrivâmes près d'une maison fort noire.

Nous y entrâmes, non sans soupçon; mais comment faire? Là, nous trouvons une famille de charbonniers à table, où au premier mot on nous invita. Mon jeune homme ne se fit pas prier: nous voilà mangeant et buvant,

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'all he knew. Calabria, the southern part of Italy. hate.

lui du moins; car, pour moi, j'examinais ce lieu et la mine de nos hôtes. Nos hôtes avaient bien mines de charbonniers; mais la maison, vous l'eussiez prise pour un arsenal. Ce n'étaient que fusils, pistolets, sabres, couteaux, coutelas. Tout me déplut, et je vis bien que je déplaisais aussi. Mon camarade au contraire, il était de la famille, il riait et causait avec eux; et par une imprudence que j'aurais dû prévoir, (mais quoi! cela était écrit !) il dit d'abord d'où nous sommes, où nous allions, qui nous étions! Français ! Imaginez un peu! chez nos plus mortels ennemis, seuls, égarés, si loin de tout secours humain ! Et puis, pour ne rien omettre de ce qui pouvait nous perdre,' il fit2 le riche, promit à ces gens, pour la dépense et pour nos guides le lendemain, ce qu'ils voulurent. Enfin, il parla de sa valise, priant fort qu'on en eût grand soin, qu'on la lui mît au chevet de son lit; il ne voulait point, disait-il, d'autre traversin.

Ah jeunesse! jeunesse! que votre âge est à plaindre! Cousine, on crut que nous portions les diamants de la couronne! Ce qu'il y avait qui lui causait' tant de souci dans cette valise, c'étaient les lettres de sa fiancée.

Le souper fini, on nous laisse; nos hôtes couchaient en bas; nous dans la chambre haute, où nous avions mangé: une soupente élevée de sept à huit pieds, où l'on montait par une échelle; c'était la le coucher qui nous attendait, espèce de nid, dans lequel on s'introduisait en rampant sous des solives chargées de provisions pour toute l'année. Mon camarade y grimpa seul, et se coucha tout endormi, la tête sur la précieuse valise. Moi, déterminé à veiller, je fis bon feu et m'assis auprès. La nuit s'était déjà passée presque

'what might ruin us. 2 he played the rich man. ⚫ what really caused him.

s to be pitied.

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