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Vieux palais ruinés, chefs-d'œuvre des Romains,
Et les derniers efforts de leur architecture;
Colysée, où souvent ces peuples inhumains
De s'entr'assassiner se donnaient tablature;

Par l'injure des ans vous êtes abolis,

Ou du moins la plupart vous êtes démolis.

Il n'est' point de ciment que le Temps ne dissoude.

Si vos marbres si durs ont senti son pouvoir,
Dois-je trouver mauvais qu'un méchant pourpoint noir
Qui m'a duré deux ans, soit percé par le coude?

LE DERNIER JOUR DE L'ANNÉE.

Déjà la rapide journée

Fait place aux heures du sommeil,
Et du dernier fils de l'année
S'est enfui le dernier soleil.

Près du foyer, seule, inactive,
Livrée aux souvenirs puissants,
Ma pensée erre, fugitive,

Des jours passés aux jours présents.
Un pas encore, encore une heure,

Et l'année aura sans retour
Atteint sa dernière demeure;
L'aiguille' aura fini son tour.
Pourquoi, de mon regard avide,
La poursuivre ainsi tristement,
Quand je ne puis d'un seul moment
Retarder sa marche rapide ?

Du temps qui vient de s'écouler,'

1 there is no.

Scarron.

2 hand (of the clock). which has just gone.

Si quelques jours pouvaient renaître,
Il n'en est pas un seul, peut-être,
Que ma voix daignât rappeler;
Mais des ans la fuite m'étonne;
Leurs adieux oppressent mon cœur ;
Je dis; C'est encore une fleur
Que l'âge enlève à ma couronne,
Et livre au torrent destructeur;
C'est une ombre ajoutée à l'ombre
Qui déjà s'étend sur mes jours;
Un printemps retranché du nombre
De ceux dont je verrai le cours !
Ecoutons! ... Le timbre' sonore
Lentement frémit douze fois;
Il se tait Je l'écoute encore,
Et l'année expire à sa voix.

...

C'en est fait; en vain je l'appelle,
Adieu! ... Salut, sa sœur nouvelle,
Salut! quels dons chargent ta main?
Quel bien nous apporte ton aile ?
Quels beaux jours dorment dans ton sein?
Que dis-je! à mon âme tremblante
Ne révèle point tes secrets:
D'espoir, de jeunesse, d'attraits
Aujourd'hui tu parais brillante;
Et ta course insensible et lente
Peut-être amène les regrets!
Ainsi chaque soleil se lève
Témoin de nos vœux insensés;
Ainsi toujours son cours s'achève
En entraînant comme un vain rêve,

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Nos vœux déçus et dispersés.
Mais l'espérance fantastique,
Répandant sa clarté magique
Dans la nuit du sombre avenir,
Nous guide d'année en année,
Jusqu'à l'aurore fortunée

Du jour qui ne doit pas finir.

LE MIRAGE.

Madame Tastu.

Soudain des cris de joie, éclatant dans la nue,
Raniment dans les cœurs l'espérance perdue:
Voilà que le désert, aux voyageurs surpris,
Déroule à l'orient de fortunés abris;

Une immense oasis, dans des vapeurs lointaines,
Avec ses frais vallons, ses humides fontaines,
Son lac étincelant, ses berceaux de jasmin,
Surgit à l'horizon du sablonneux chemin.
Salut! belle oasis, île de fleurs semée,

Vase toujours charmé des parfums d'Idumée !
Cette nuit, Bonaparte et ses soldats errants,
Fouleront les sentiers de tes bois odorants;
Et sur les bords fleuris de tes fraîches cascades,
Sous la nef des palmiers aux mouvantes arcades,
Dans le joyeux bivac qui doit les réunir,

Des tourments du désert perdront le souvenir.
Doux rêves de bonheur! l'oasis diaphane,
Fantôme aérien, trompe la caravane;

Les crédules soldats, qu'un prestige séduit,
Vers le but qui s'éloigne errent jusqu'à la nuit.
Alors, comme un jardin qu'une fée inconnue
De sa baguette d'or dissipe dans la nue,
L'île miraculeuse aux ombrages trompeurs

Se détache du sol en subtiles vapeurs,
Disperse en variant leurs formes fantastiques,
Ses contours onduleux, ses verdoyants portiques,
Et des yeux fascinés trompant le fol espoir,
Mêle ses vains débris aux nuages du soir.
Ils sont tous retombés sur leur lit d'agonie.

LA FLEUR.

Fleur mourante et solitaire,
Qui fus l'honneur du vallon,
Tes débris jonchent la terre,
Dispersés par l'aquilon.

La même faux nous moissonne,
Nous cédons au même dieu:
Une feuille t'abandonne,

Un plaisir nous dit adieu.

Chaque jour le temps nous vole
Un goût, une passion;

Et chaque instant qui s'envole
Emporte une illusion.

L'homme perdant sa chimère,
Se demande avec douleur :
Quelle est la plus éphémère,

De la vie' ou de la fleur?

LA FORCE DU CHANT.

Mery.

Millevoye.

Dans ses noirs ateliers, sous son toit solitaire,
Tu charmes le travail, tu distrais la misère.
Que fait le laboureur conduisant ses taureaux ?
Que fait le vigneron sur ses brûlants coteaux ?

1 our life or the flower?

Le mineur enfoncé sous ses voûtes profondes?

Le berger dans les champs, le nocher sur les ondes ?
Le forgeron domptant les métaux enflammés?

Ils chantent, l'heure vole, et leurs maux sont charmés.

LE BONHEUR.

Delille.

Il n'est' point ici-bas de bonheur sans mélange:
C'est de biens et de maux un éternel échange.
L'homme coule' ses jours dans des troubles sans fin,
Et la crainte et l'espoir se mêlent dans son sein;
Comme on voit sur les monts, tour à tour clairs ou sombres,
Rapidement courir la lumière et les ombres,
Quand, devant le soleil, le souffle des autans
Fait passer tour à tour les nuages flottants,
Le cœur le plus heureux recèle quelques peines.
Tel un insecte impur, caché dans nos fontaines,
De leurs plus belles eaux empoisonne le cours.
Nos instants sont comptés; et ces instants si courts
Sont tissus de regrets et de douleurs sans nombre.
Ah! cette triste vie est le rêve d'une ombre !

Chênedollé.

L'AMOUR MATERNEL.

Eh! qui pourrait compter les bienfaits d'une mère !
A peine nous ouvrons les yeux à la lumière,
Que nous recevons d'elle, en respirant le jour,
Les premières leçons de tendresse et d'amour.
Son cœur est averti par nos premières larmes;
Nos premières douleurs éveillent ses alarmes.

Elle nous fait, par les plus tendres soins,
Du bonheur d'exister les premiers charmes;

1 there is. 2 passes. 3 interwoven with.

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