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Mon La Fontaine et mon Corneille,
Où je vis, m'endors et m'éveille
Sans aucun soin du lendemain,
Sans aucun remords de la veille;
Retraite où j'habite avec moi,
Seul, sans désirs et sans emploi,
Libre de crainte et d'espérance;
Enfin, après trois jours d'absence,
Je viens, j'accours, je t'aperçoi.'
O mon lit! O ma maisonnette !
Chers témoins de ma paix secrète !
C'est vous! Vous voilà! je vous voi!"
Qu'avec plaisir je vous répète:

Il n'est point de petit chez soi.

Ducis.

LE VOYAGE.

Partir avant le jour, à tâtons, sans voir goutte,'
Sans songer seulement à demander sa route;
Aller de chute en chute, et se traînant ainsi,
Faire un tiers du chemin jusqu'à près de midi;*
Voir sur sa tête alors s'amasser les nuages,
Dans un sable mouvant précipiter ses pas;
Courir en essuyant orages sur orages,
Vers un but incertain où l'on n'arrive pas ;
Détrompé vers le soir, chercher une retraite,
Arriver haletant, se coucher, s'endormir,
On appelle cela naître, vivre et mourir.

La volonté de Dieu soit faite!

2

Florian.

1 Instead of aperçois, by poetical license. instead of vois. thing. nearly noon.

4

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LE CHIEN DU LOUVRE.

Passant, que ton front se découvre ;'
Là plus d'un brave est endormi.
Des fleurs pour le martyr du Louvre,
Un peu de pain pour son ami!

C'était le jour de la bataille;
Il s'élança sous la mitraille:
Le chien suivit.

Le plomb tous deux vint les atteindre.
Est-ce le maître qu'il faut plaindre ?
Le chien survit.

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Avant de fermer la paupière,
Il fait pour soulever la pierre
Un vain effort;

Puis il se dit, comme la veille :
"Il m'appellera, s'il s'éveille."
Puis il s'endort.

La nuit il rêve barricade:1

Son maître est sous la fusillade,*
Couvert de sang.

Il l'entend qui siffle dans l'ombre,
Se lève et saute après son ombre
En gémissant.

C'est là qu'il attend d'heure en heure,
Qu'il aime, qu'il souffre, qu'il pleure,
Et qu'il mourra.

Quel fut son nom? C'est un mystère !
Jamais la voix qui lui fut chère

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Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille Applaudit à grands cris; son doux regard qui brille, Fait briller tous les yeux;

' dreams of barricades. 2 under fire.

Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,

Innocent et joyeux.

Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre
Fasse autour d'un grand feu vacillant dans la chambre
Les chaises se toucher,

Quand l'enfant vient, la joie arrive et nous éclaire;
On rit, on se récrie, on l'appelle, et sa mère
Tremble à le voir marcher.

*

Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,

Laissant errer sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers!

Seigneur! préservez-moi, préservez ceux que j'aime, Frères, parents, amis, et mes ennemis même

Dans le mal triomphants,

De jamais voir, Seigneur! l'été sans fleurs vermeilles, La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,

La maison sans enfants.

Victor Hugo.

SONNET.

Superbes monuments de l'orgueil des humains,
Pyramides, tombeaux, dont la vaine structure
A témoigné que l'art, par l'adresse des mains.
Et l'assidu travail, peut vaincre la nature;

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