moi, supplions Votre Majesté de vouloir bien employer nos bras et nos vies en choses possibles: quelque hasardeuses qu'elles soient, nous y mettrons jusqu'à la dernière goutte de notre sang. NAPOLÉON AU PRINCE CHARLES. KLAGENFURTH, 11 germinal (31 mars). "Monsieur le général en chef, les braves militaires font la guerre et désirent la paix. Cette guerre ne dure-t-elle pas depuis six ans? avons-nous assez tué de monde, et causé assez de maux à la triste humanité? Elle réclame de tous côtés. L'Europe, qui avait pris les armes contre la république française, les a posées. Votre nation reste seule, et cependant le sang va couler plus que jamais. Cette sixième campagne s'annonce par des présages sinistres. Quelle qu'en soit l'issue, nous tuerons de part et d'autre quelques milliers d'hommes, et il faudra bien que l'on finisse par s'entendre, puisque tout a un terme, même les passions. haineuses. "Le directoire exécutif de la république française avait fait connaître à sa majesté l'empereur le désir de mettre fin à la guerre qui désole les deux peuples. L'intervention de la cour de Londres s'y est opposée. N'y a-t-il donc aucun espoir de nous entendre, et faut-il, pour les intérêts et les passions d'une nation étrangère aux maux de la guerre, que nous continuions à nous entr'égorger? Vous, monsieur le général en chef, qui par votre naissance approchez si près du trône, et êtes au-dessus de toutes les petites passions qui animent souvent les ministres et les gouvernements, êtesvous décidé à mériter le titre de bienfaiteur de l'humanité entière, et de vrai sauveur de l'Allemagne? Ne croyez pas, monsieur le général en chef, que j'entende par là qu'il n'est pas possible de la sauver par la force des armes; mais dans la supposition que les chances de la guerre vous deviennent favorables, l'Allemagne n'en sera pas moins ravagée. Quant à moi, monsieur le général en chef, si l'ouverture que j'ai l'honneur de vous faire peut sauver la vie à un seul homme, je m'estimerai plus fier de la couronne civique que je me trouverai avoir méritée, que de la triste gloire qui peut revenir des succès militaires." Napoléon. VOLTAIRE À M. D'ARGET. Vous demandez, mon cher ami et compagnon de Potsdam, comment Cinéas' s'est accommodé avec Pyrrhus: c'est premièrement que Pyrrhus fit un opéra de ma tragédie de Mérope, et me l'envoya; c'est qu'ensuite il eut la bonté de m'offrir sa clé,' qui n'est pas celle du paradis, et toutes ses faveurs, qui ne conviennent plus a mon âge; c'est qu'une de ses sœurs, qui m'a toujours conservé ses bontés, a été le lien de ce petit commerce qui se renouvelle quelquefois entre le héros, poète, philosophe, guerrier, brillant, fier, modeste, roi, et le Suisse Cinéas retiré du monde. Vous devriez bien venir faire quelques tours dans nos retraites, soit de Lausanne, soit des Délices; nos conversations pourraient être amusantes. Il n'y a point de plus bel aspect dans le monde que celui de ma maison: figurez-vous quinze croisées de face en cintre, un canal de douze grandes lieues de long, que l'œil enfile d'un côté, et un autre de quatre à cinq lieues; une terrasse qui domine sur cent jardins; ce même lac, qui présente un vaste miroir au bout des miens, les campagnes de la Savoie au delà du même lac, couronnées des Alpes qui s'élèvent jusqu'au ciel en amphithéâtre; enfin, une maison où je ne suis incommodé que des mouches 'Voltaire. the king of Prussia. as chamberlain (holding the key to the king's chamber). au milieu des plus rigoureux hivers. Madame Denis l'a ornée avec le goût d'une Parisienne. Nous y faisons beaucoup meilleure chère que Pyrrhus, mais il faudrait un estomac; c'est un point sans lequel il est difficile à Pyrrhus et à Cinéas d'être heureux. Nous répétâmes hier une tragédie; si vous voulez un rôle, vous n'avez qu'à venir: c'est ainsi que nous oublions les querelles des rois et celles des gens de lettres: les unes affreuses, les autres ridicules. On nous a donné la nouvelle prématurée d'une bataille entre M. le maréchal de Richelieu et le prince de Brunswick. Il est vrai que j'ai gagné aux échecs à ce prince une cinquante de louis; mais on peut perdre aux échecs, et gagner à un jeu où l'on a pour second trente mille baïonnettes. Je conviens avec vous que le roi de Prusse a la vue basse et la tête vive; mais il a le premier des talents au jeu qu'il joue, la célébrité: le fond de son armée a été discipliné pendant quarante ans; songez comment doivent combattre des machines régulières, vigoureuses, aguerries, qui voient leur roi tous les jours, qui sont connues de lui, et qu'il exhorte, chapeau bas, à faire leur devoir. Souvenezvous comment ces drôles-là font le pas de côté et le redoublé; comment ils escamotent la cartouche; comment ils tirent six à sept coups par minute. Enfin, leur maître croyait tout perdu il y a trois mois; il voulait mourir, il me faisait ses adieux en vers et en prose; et le voilà qui, par sa célérité et par la discipline de ses soldats, gagne deux grandes batailles dans un mois, court aux Français, vole aux Autrichiens, reprend Breslau, fait quarante mille prisonniers et des épigrammes. Nous verrons comment finira cette sanglante tragédie, si vive et si compliquée. Voltaire. EXTRAIT D'UNE EPÎTRE À LAMOIGNON, AVOCAT- Oui, Lamoignon, je fuis les chagrins de la ville, Et le mont la défend des outrages du nord. C'est là, cher Lamoignon, que mon esprit tranquille Tantôt, cherchant la fin d'un vers que je construi,' ' instead of construis. Quelquefois, aux appâts d'un hameçon perfide, Boileau-Despréaux. |