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L'estime vaut mieux que la célébrité, la considération vaut mieux que la renommée, et l'honneur vaut mieux que la gloire.

Le changement des modes est l'impôt que l'industrie du pauvre met sur la vanité du riche.

Le plus riche des hommes, c'est l'économe; le plus pauvre, c'est l'avare.

Les courtisans sont des pauvres enrichis par la mendicité.

Dans la naïveté d'un enfant bien né, il y a quelquefois une philosophie bien aimable.

En voyant quelquefois les friponneries des petits et les brigandages des hommes en place, on est tenté de regarder la société comme un bois rempli de voleurs, dont les plus dangereux sont les archers, préposés pour arrêter les autres. Il y a deux choses auxquelles il faut se faire, sous peine de trouver la vie insupportable: ce sont les injures du temps, et les injustices des hommes. Chamfort.

...

LETTRES.

RACINE À SON FILS.

Je suis très content de tout ce que votre mère m'écrit de vous. Je vois par ses lettres que vous êtes fort attaché à bien faire, mais surtout que vous craignez Dieu, et que vous prenez du plaisir à le servir. C'est la plus grande satisfaction que je puisse recevoir et en même temps la meilleure fortune que je puisse vous souhaiter. J'espère que plus vous irez en avant, plus vous trouverez qu'il n'y

1 from. 2 the further you advance.

a de véritable bonheur que celui-là. J'approuve la manière dont vous distribuez votre temps et vos études; je voudrais seulement qu'aux jours que vous n'allez point au collége, vous pussiez relire votre Cicéron, et vous rafraîchir la mémoire des plus beaux endroits ou d'Horace ou de Virgile: ces auteurs étant fort propres à vous accoutumer à penser et écrire avec justesse et netteté.

VOLTAIRE À MLLE. R., SUR LE CHOIX DES LIVRES À LIRE.

Je ne suis, Mademoiselle, qu'un vieux malade; et il faut que mon état soit bien douloureux, puisque je n'ai pu répondre plus tôt à la lettre dont vous m'honorez. Vous me demandez des conseils; il ne vous en faut point d'autre que votre goût. . . . Je vous invite à ne lire que les ouvrages qui sont depuis longtemps en possession des suffrages du public, et dont la réputation n'est point équivoque. Il y en a peu; mais on profite bien davantage en les lisant qu'avec tous les mauvais petits livres dont nous sommes inondés. Les bons auteurs n'ont de l'esprit qu'autant qu'il faut, ne le cherchent jamais, pensent avec bon sens et s'expriment avec clarté. Il semble qu'on n'écrive plus qu'en énigmes: rien n'est simple, tout est affecté; on s'éloigne en tout de la nature, on a le malheur de vouloir mieux faire que nos maîtres.

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Tenez-vous-en, Mademoiselle, à tout ce qui plaît en eux. La moindre affectation est un vice. Les Italiens n'ont dégénéré après le Tasse et l'Arioste que parce qu'ils ont voulu avoir trop d'esprit: et les Français sont dans le même cas. Voyez avec quel naturel madame de Sévigné et d'autres dames écrivent! . . . . .

.....

Vous verrez que nos bons écrivains: Fénélon, Racine,

1 as much talent as they ought to have.

2 mark.

Bossuet, Despréaux emploient toujours le mot propre.' On s'accoutume à bien parler en lisant souvent ceux qui ont bien écrit; on se fait une habitude d'exprimer simplement et noblement sa pensée sans effort. Ce n'est point une étude: il n'en coûte aucune peine de lire ce qui est bon, et de ne lire que cela; on n'a de maître que son plaisir et son goût.

Pardonnez, Mademoiselle, à ces longues réflexions, ne les attribuez qu'à mon obéissance à vos ordres.

ROLLIN À FRÉDÉRIC LE GRAND, QUAND IL MONTA

LE TRÔNE.

Quand' ma vive reconnaissance pour toutes vos bontés ne m'engagerait pas à témoigner à Votre Majesté la part que je prends, avec toute l'Europe, à son avènement à la couronne, je me croirais obligé de le faire pour l'intérêt et comme au nom des belles-lettres et des sciences que vous avez non seulement protégées jusqu'ici, mais cultivées d'une manière si éclatante. Il me semble qu'elles sont montées, en quelque sorte, avec vous sur le trône, et je ne doute point que Votre Majesté ne se propose de les faire régner avec elle dans ses états en les mettant en honneur et en crédit.

Mais, Sire, un autre objet, bien plus important, m'occupe dans ce grand événement; c'est la joie que je sais qu'aura Votre Majesté de faire le bonheur des peuples que la Providence vient de confier à ses soins. Permettez-moi de le dire, les lettres dont Votre Majesté m'a honoré, et que je conserve bien soigneusement, m'ont fait connaître le fond de son cœur, entièrement éloigné de tout faste, plein de nobles sentiments, qui sait en quoi consiste la vraie gran

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deur d'un prince et qui a appris, par sa propre expérience, à compatir au malheur des autres. C'est un grand avantage pour Votre Majesté, d'être bien convaincue qu'elle n'est placée sur le trône, que pour veiller de là sur toutes les parties du royaume, pour y établir l'ordre et y procurer l'abondance, surtout pour employer son autorité à y faire respecter celui de qui seul elle la tient et de qui elle a l'honneur de tenir la place sur la terre. Les richesses, la gloire, la puissance sont en ses mains; c'est lui qui donne le conseil, la prudence et la force. C'est par lui que les rois règnent et que les législateurs rendent la justice.

Qu'il lui plaise,' Sire, de vous combler, vous et votre royaume, de ses plus précieuses bénédictions; et pour les renfermer toutes en un mot, qu'il lui plaise de vous rendre un roi selon son cœur. C'est ce que je ne cesserai de lui demander pour vous, persuadé que je ne puis mieux vous témoigner avec quel profond respect et quel parfait dévouement je suis, etc.

RÉPONSE DU ROI.

J'ai trouvé dans votre lettre les conseils d'un sage, la tendresse d'une nourrice et l'empressement d'un ami. Je vous assure, mon cher, mon vénérable Rollin, que je vous en ai une sincère obligation, et que les marques d'amitié que vous me témoignez, me sont plus agréables que tous les compliments très souvent faux ou insipides que je ne dois qu'à mon rang. Je ne cesserai point de faire des vœux pour votre conservation, et je vous prie de m'aimer toujours et de vous persuader que je serai, tant que je vivrai, plein de considération pour vous, et d'estime pour votre mémoire.

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MADAME DE SÉVIGNÉ À SA FILLE.

Je vous avoue que j'ai une extraordinaire envie de savoir de vos nouvelles.' Songez, ma fille, que je n'en ai point eu depuis la Palice; je ne sais rien du reste de votre voyage jusqu'à Lyon, ni de votre route jusqu'en Provence. Je suis bien assurée qu'il me viendra des lettres; je ne doute point que vous ne m'ayez écrit; mais je les attends, et je ne les ai pas; il faut se consoler et s'amuser en vous écrivant. Vous saurez qu'avant hier au soir, mercredi, après être revenue de chez monsieur de Coulanges, je songeai à me coucher: cela n'est pas extraordinaire, mais ce qui l'est beaucoup, c'est qu'à trois heures après minuit, j'entendis crier au voleur, au feu, et ces cris si près de moi et si redoublés que je ne doutai point que ce ne fût ici. Je crus même entendre qu'on parlait de ma pauvre petite-fille; je m'imaginai qu'elle était brûlée; je me levai dans cette crainte, sans lumière, avec un tremblement qui m'empêchait quasi3 de me soutenir. Je courus à son appartement, qui est le vôtre; je trouvai tout dans une grande tranquiIlité, mais je vis la maison de Guitaut tout en feu. Les flammes passaient par dessus la maison de Madame Vauvineux; on voyait dans nos cours, et surtout chez monsieur de Guitaut une clarté qui faisait horreur. C'étaient des cris! c'était une confusion, c'était un bruit épouvantable de poutres et de solives qui tombaient! Je fis ouvrir ma porte, et j'envoyai mes gens au secours. Monsieur de Guitaut m'envoya une cassette de ce qu'il a de plus précieux, je la mis dans mon cabinet, et puis je voulus aller dans la rue pour béer avec les autres; j'y trouvai monsieur et

1 to hear from you. you must know. almost. ⚫ stare (modern form, bayer).

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