Page images
PDF
EPUB

mûs toute l'éternité sans nul changement; et j'au rois beau les concevoir passant à une distance l'an de l'autre, qui seroit moyenne proportionnelle entre leurs diamètres, je ne concevrois jamais que ce passage eût aucune liaison naturelle et nécessaire avec le changement de leurs mouvemens.

Je concluerois: Ce passage est donc une vraie Cause occasionnelle de la communication des mouvemens, puisqu'avant que Dieu lui ait donné cette qualité, qui n'est que d'institution, il n'avoit de lui-même nulle liaison avec la communication des mouvemens. Appliquez ce raisonnement au choc, vous trouverez tout le contraire.

Dieu, avant que d'avoir établi le choc Cause occasionnelle de la communication, veut mouvoir les deux corps A et B dans les circonstances que j'ai marquées; et ce que je n'ai pas assez marqué, il les veut mouvoir tant que rien pris hors de lui ne s'y opposera. Remarquez bien, s'il vous plaît, qu'on peut supposer que Dieu ait fait un décret sur le mouvement de deux corps, sans en avoir fait un sur la communication de leurs mouvemens, parce que la première de ces deux choses n'enferme point la seconde.

A et B viennent à se choquer. Jusqu'ici tout s'est pu faire par le simple décret qui a mis A et B

en mouvement.

Mais ici, au point du choc, je vois qu'il faut

de nécessité absolue qu'il arrive un changement, quel qu'il soit.

Et la nécessité de ce changement est prise, non de la volonté de Dieu, car, selon l'hypothèse, il remueroit encore A et B de la même façon, si rien pris hors de lui ne s'y opposoit: mais elle est prise de la nature des corps et de leur impénétrabilité, qui s'oppose absolument à la continuation du mouvement d'A et de B, tel qu'il étoit.

Il y a donc une liaison nécessaire entre la nature d'A et de B, et un changement, quel qu'il soit. La nature des corps, ou le choc, ce qui revient au même, sera donc cause véritable, et non pas Cause occasionnelle de ce changement.

Voilà le raisonnement que j'avois fait dans les doutes; mais rendu plus clair et plus sensible par le parallèle que j'ai imaginé du choc et du passage à une ligne, &c. Attachez-vous, je vous prie, à ce parallèle d'opposition, et examinez attentivement d'où naît la différence. Je vous prie de mettre dans le même journal où vous insérerez tout ceci, la réponse que vous y ferez, et de me marquer bien précisément le point où je me serai trompé. Est-il possible que jamais, à force de dispute, on ne conviendra de rien? Je voudrois avoir vu cela arriver une fois en ma vie, fût-ce à mes dépens.

A

RÉFLEXIONS

Sur la Lettre de l'Auteur des Doutes.

corps

A se

SI Dieu avoit établi Cause occasionnelle de la
communication des mouvemens le passage du corps
par la ligne moyenne proportionnelle entre son
diamètre et le diamètre du corps B, il devroit
arriver constamment que le corps B se mouvroit
toutes les fois que le corps A passeroit par la ligne
moyenne proportionnelle : mais le monde ne lais-
seroit pas de juger que le passage du
roit la cause physique, véritable et efficiente du
mouvement du corps B. Cela paroît par l'exemple
de l'aimant et de toutes les attractions des scho-
lastiques. Ils ont enseigné pendant plusieurs siècles
que l'aimant fait mouvoir le fer en qualité de cause
physique, sans qu'il y intervienne aucun choc, et
sans que l'impénétrabilité de la matière soit-là d'au-
cune considération, puisqu'ils prétendent que la
qualité physique que l'aimant produit dans le fer,
se pénètre avec le fer. Donc ce n'auroit pas été
un moyen fort sûr à Dieu d'apprendre aux hommes
que les corps ne sont pas la cause du mouvement
que
d'établir le passage en question Cause occasion-
nelle de la communication des mouvemens,
lieu de donner au choc cette qualité.

au

Cela nous montre le peu de fondement qu'il y a dans le témoignage des sens: car, puisque,

[ocr errors]

וח

d'un

passage >

comme l'avoue très-bien l'Auteur, le corps par la ligne supposée, ne peut être la cause véritable du mouvement d'un autre corps, mais seulement une Cause occasionnelle; et que cependant les hommes seroient très-persuadés, en ce cas-là, que l'un de ces corps mouvroit physiquement l'autre, tout de même qu'ils ont cru, sans avoir égard à nulle matière invisible qui émanât de l'aimant, que d'une certaine distance il produisoit du mouvement dans le fer: puis, dis-je, que cela est ainsi, il s'ensuit évidemment que les hommes sont tout portés de leur nature, et en quelque façon instruits par une leçon naturelle, à juger que tout ce qui est régulièrement joint à certain effet, et sans quoi cet effet ne se produit pas, en est la cause véritable. Qu'on voie après cela le cas qu'il faut faire de ce que nous sommes si portés à juger que le choc est une cause trèsréelle de la communication des mouvemens, et non pas simple Cause occasionnelle.

Après cette remarque, qui seroit assez inutile, si tout le monde avoit l'esprit aussi exact que l'auteur des Doutes, attachons-nous plus particulièrement la difficulté qu'il a proposée.

Il suppose deux choses qu'il met ensuite en parallèle.

L'une, qu'avant que Dieu fasse le décret qui établiroit Cause accasionnelle de mouvement le

il

passage du corps A par la ligne moyenne proportionnelle entre son diamètre et le diamètre du corps B, voulût simplement mouvoir les deux corps A et B, tant que rien pris hors de lui ne s'y opposeroit.

L'autre chose qu'il suppose est que Dieu, avant que d'avoir établi le choc Cause occasionnelle du mouvement, veut mouvoir les deux corps A et B, tant que rien pris hors de lui ne s'y opposera.

Dans la première supposition, il trouve que les deux corps A et B seroient mûs toute l'éternité sans nul changement, et qu'il auroit beau les concevoir passans à une distance l'un de l'autre qui seroit moyenne proportionnelle entre leurs diamètres, il ne concevroit jamais que ce passage eût une liaison naturelle et nécessaire avec le changement de leurs mouvemens.

D'où il conclut que ce passage ne peut être cause de mouvement que par institution, et comme ane occasion qui détermine Dieu à mouvoir un corps. Il a raison en tout cela.

corps

Dans la seconde supposition, il trouve que les A et B peuvent venir à se choquer, et qu'ils ne sauroient le faire sans qu'au point du choc il n'arrive un changement, quel qu'il soit.

Il a raison encore.

La nécessité de ce changement, poursuit-il, est prise, non de la volonté de Dieu, car, selon l'hypothèse, il remueroit encore. A et B de la même

« PreviousContinue »