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et ce désavéû, qui ne trompa personne, mit le comble à ses fausses démarches, que les esprits les moins critiques excusèrent dans un homme de quatre-vingt-sept ans, fatigué des mauvais succès. Enfin l'empereur bavarois fit proposer à Londres des projets de paix, et surtout des sécularisations d'évêchés en faveur d'Hanovre. Le ministère anglais ne croyait pas avoir besoin de l'empereur pour les obtenir. On insulta à ses offres en les rendant publiques; et l'empereur fut rẻduit à désavouer ses offres de paix, comme le cardinal de Fleuri avait désavoué la guerre.

La querelle s'échauffa plus que jamais. La France d'un côté, l'Angleterre de l'autre, parties principales en effet sous le nom d'auxiliaire, s'efforcerent de tenir la balance à main armée. La maison de Bourbon fut obligée, pour la se- 1 conde fois, de tenir tête à presque toute l'Europe.

Le cardinal de Fleuri, trop âgé pour soutenir un si pesant fardeau, prodigua à regret les trésors de la France dans cette guerre entreprise malgré lui, et ne vit que des malheurs causés par des fautes. Il n'avait jamais cru avoir besoin d'une marine; ce qui restait à la * France de forces maritimes, fut absolument ! détruit par les Anglais; et les provinces de France furent exposées. L'empereur que la France avait fait, fut chassé trois fois de ses propres états.

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Les armées françaises furent détruites en Bavière et en Bohême, sans qu'il se donnât une seule grande bataille; et le désastre fut

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au point, qu'une retraite dont on avait besoin, et qui paraissait impraticable, fut regardée, comme un bonheur signalé. (Déc. 1746) Le maréchal de Belle-Isle sauva le reste de l'armée française assiégée dans Prague, et ramena environ treize mille hommes de Prague à Egra, par une route détournée de trente-huit lieues, au milieu des glaces, et à la vue des ennemis. Enfin la guerre fut reportée du fond de l'Autriche au Rhin..

(29 janv. 1743) Le cardinal de Fleuri mourut au village d'Issi, au milieu de tous ces désastres, et laissa les affaires de la guerre, de la marine, de la finance et de la politique dans une crise qui altéra la gloire de son ministère: et non la tranquillité de son âme. Louis XV prit dès lors la résolution de gouverner par lui-même, et de se mettre à La tête d'une armée. Il se trouvait dans la même situation où fut son bisaïeul dans une guerre nommée, comme celli-ci, la guerre de la succession.

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Il avait à soutenir la France et l'Espagne contre les mêmes ennemis, c'est-à-dire, con-tre l'Autriche, l'Angleterre, la Hollande et la Savoie. Pour se faire une idée juste de l'embarras qu'éprouvait le roi, des périls où l'on était exposé, et des ressources qu'il eut, il faut voir comment l'Angleterre donnait le mouvement à toutes ces secousses de l'Europe.

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CHAPITRE VIII.

Conduite de l'Angleterre. Ce que fit le prince du Conti en Itálie.

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On sait qu'après l'heureux temps de la paix d'Utrecht, les Anglais, qui jouissaient de Mi norque, et de Gibraltar en Espagne, avaient encore obtenu de la cour de Madrid des privilèges que les Français, ses défenseurs, n'avaient pas. Les commerçants anglais allaient vendre aux colonies espagnoles les Nègres qu'ils achetaient en Afrique pour être esclaves dans le Nouveau-Monde. hommes vendus par d'autres hommes, moy ennant trente-trois piastres par tête qu'on payait au gouvernement espagnol, étaient un objet de gain considérable; car la compat gnie anglaise, en fournissant quatre mille huit cents Negrès, avait obtenu de vendre les huit cents sans payer de droits; mais le plus grand avantage des Anglais, à l'exclusion des autres nations, était la permission dont cette compagnie jouit, dès 1716, d'envoyer un vaisscau à Porto-Bello..

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Ce vaisseau, qui d'abord ne devait être que de cinq cents tonneaux, fut, en 1717, de huit cent cinquante par convention, mais en effet de mille par abus; ce qui faisait deux millions pesant de marchandises. Ces mille tonneaux étaient encore le moindre objet de ce commerce de la compagnie anglaise; une

patache qui suivait toujours le vaisseau, sous prétexte de lui porter des vivres, allait et venait continuellement; elle se chargeait dans les colonies anglaises des effets qu'elle apportait à ce vaisseau, lequel ne se désemplissant jamais par cette manœuvre, tenait lieu d'une flotte entière. Souvent même d'au tres navires venaient remplir ce vaisseau de permission, et leurs barques allaient encore sur les côtes de l'Amérique porter des marchandises dont les peuples avaient besoin, mais qui faisaient tort au gouvernement espagnol, et même à toutes les nations intéressées au commerce qui se fait des ports d'Espagne au golfe du Mexique. Les gouverneurs espagnols traitèrent avec rigueur les mar-, chands anglais, et la rigueur se pousse toujours trop loin.

ren

Un patron de vaisseau, nommé Jenkins, vint, en 1739, se présenter à la chambre des communes. C'était un homme franc et simple, qui n'avait point fait de commerce illicite, mais dont le vaisseau avait été contré par un garde-côte espagnol dans un parage de l'Amérique où les Espagnols ne voulaient pas souffrir de navires anglais. Le capitaine espagnol avait saisi le vaisseau de Jenkins, mis l'équipage aux fers, fendu le nez et coupé les oreilles au patron. En cet état Jenkins se présenta au parlement; il raconta son aventure avec la naïveté de sa profession et de son caractère. »Messieurs,«< dit-il, quand on m'eut ainsi mutilé on me.

menaça de la mort; je l'attendis, je recom»mandai mon âme à Dieu, et ma vengeance vá ma patrie.<< Ces paroles prononcées naturellement excitèrent un cri de pitié et d'indignation dans l'assemblée. Le peuple de Londres criait à la porte du parlement, >la mer libre ou la guerre!« On n'a peut-être jamais parlé avec plus de véritable éloquence qu'on parla sur ce sujet dans le parlement d'Angleterre; et je ne sais si les harangues méditées qu'on prononça autrefois dans Athènes et dans Rome, en des occasions à peu près semblables, l'emportent sur les discours non préparés du chevalier Windham, du Ford Carteret, du ministre Robert Walpole, du comte de Chesterfield, de M. Pultney, depuis comte de Bath. Ces discours, qui sont feffet naturel du gouvernement et de l'esprit anglais, étonnent quelquefois les étrangers, comme les productions d'un pays qui sont à vil prix sur leur terrain, sont recherchées précieusement ailleurs. Mais il faut lire avec précaution toutes ces harangues où l'esprit de parti domine. Le véritable état de la nation y est presque toujours déguisé. Le parti du ministère y peint le gouvernement florissant; la faction contraire assure que tout est en décadence: l'exagération règne partout. »Où est le temps,« s'écriait alors un membre du parlement, »où est le temps »où un ministre de la guerre disait qu'il ne fallait pas qu'on osât tirer un coup de ca

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