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publiques, portèrent dans Amsterdam, dans Roterdam, dans Londres, le même artifice et la même folie. On parle encore avec étonnement de ces temps de démence et de ce fléau politique; mais qu'il est peù considérable en comparaison des guerres civiles et de celles de religion qui ont si long-temps ensanglanté l'Europe, et des guerres de peuple à peuple, ou plutôt de prince à prince, qui dévastent tant de contrées! Il se trouva dans Londres et dans Rotterdam des charlatans qui firent des dupes. On créa des compagnies et des imaginaires. Amsterdam fut bientôt désabusé. Rotterdam fut ruiné pour quelque temps. Londres fut bouleversé pendant Tannée 1720. Il résulta de cette manie, en France et en Angleterre, un nombre prodigieux de banqueroutes, de fraudes, de vols publics et particuliers, et toute dépravation de mœurs que produit une cupidité effrénée.

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CHAPITRE III.

De l'abbé Dubois, archevêque de Cambrai, cardinal, premier ministre. Mort du duc d'Orléans.

Il ne faut pas passer sous silence le ministère du cardinal Dubois. C'était le fils d'un apothicaire de Brive-la-Gaillarde, dans le fond du Limousin. Il avait commencé par

Le

être instituteur du duc d'Orléans, et ensuite, en servant son élève dans ses plaisirs, il en acquit la confiance: un peu d'esprit, beaucoup de débauche, de la souplesse, et surtout le goût de son maître pour la singularité, firent sa prodigieuse fortune. Si ce cardinal premier ministre avait été un homme grave, cette fortune aurait excité l'indignation, mais elle ne fut qu'un ridicule. duc d'Orléans se jouait de son premier ministre, et ressemblait à ce pape qui fit son porte-singe cardinal. Tout se tournait en gaîté et en plaisanterie dans la régence du duc d'Orléans: c'était le même esprit que du temps de la Fronde, à la guerre civile près; ce caractère de la nation, le régent T'avait fait renaître après la sévère tristesse des dernières années de Louis XIV.

Le cardinal Dubois archevêque de Cambrai, mourut d'un ulcère dans l'urètre, suite de ses débauches. Il trouva un expédient pour n'être pas fatigué dans ses derniers moments par les pratiques de la religion catholique, dont jamais ministre ne fit moins de cas que lui. . Il prétexta qu'il y avait pour les cardinaux un cérémonial particulier, et qu'un cardinal ne recevait pas l'extrême, onction et le viatique comme un autre homme. Le curé de Versailles, alla aux informations, et pendant ce temps Dubois mourut, le 19 auguste 1728. Nous rimes de sa mort comme

de son ministère: tel était le goût des Fran çais, accoutumés à rire de tout *).

Le duc d'Orléans prit alors le titre de premier ministre, parce que le roi étant ma jeur, il n'y avait plus de régence; mais il suivit bientôt son cardinal. C'était un prince à qui on ne pouvait reprocher que son goût ardent pour les plaisirs et pour les nouveautés.

De toute la race de Henri IV, Philippe d'Orléans fut celui qui lui ressembla le plus; 'il en avait la valeur, la bonté, l'indulgence, la gaîté, la facilité, la franchise, avec un esprit plus cultivé. Sa physionomie, incom parablement plus grâcieuse, était cependant celle de Henri IV. Il se plaisait quelquefois à mettre une fraise, et c'était alors Henri IV embelli.

Il avait alors un singulier projet, dont sa mort subite sauva la France. C'était de rap

Le régent, en 1722, avait fait le cardinal Dabois premier ministre. Où le compilateur des Mémoires de Maintenon a-t-il pris que Louis XIV, ayant donné un petit bénéfice, en 1692, à cet abbé Dubois, alors obscur, avait dit de lui:,, ne s'attache point aux femmes qu'il „aime; s'il boit il ne s'enivre pas; et s'il joue il ne perd jamais ?" Voilà de singulières rai sons pour donner un bénéfice. Peut-on faire

parler ainsi Louis XIV? et ce monarque jetait il la vue sur l'abbé Dubois? D'ailleurs l'abbé Dubois n'etait ni joueur ni buveur,

peler Lass, réfugié et oublié dans Venise, et de faire revivre son système, dont il comptait rectifier les abus et augmenter les avantages. Rien ne put jamais le détacher de l'idée d'une banque générale chargée de payer toutes les dettes de l'état. L'exemple de Venise, de la Hollande, de l'Angleterre lui faisait illusion. Son secrétaire Melon, esprit systématique, très-éclairé, mais chimėrique, lui avait inspiré ce dessein, et l'y confirmait de jour en jour. Il oubliait la différence établie par la nature entre le génie des Français et des peuples qu'on voulait imiter; combien de temps il faut pour faire réussir de tels établissements; que la nation était alors plus révoltée contre le système de Lass qu'elle n'en avait été d'abord eni'vrée; et que Lass, revenant une seconde fois bouleverser la France avec des billets, trouverait des ennemis plus en garde, plus acharnés et plus puissants qu'il n'en avait eus à combattre dans ses premiers prestiges.

La contemplation continuelle de cette grande entreprise qui séduisait le duc d'Orléans, et celle des orages qu'il allait exciter allumèrent son sang. Les plaisirs de la table et de l'amour dérangèrent sa santé davantage. Il fut averti par une légère attaque d'apoplexie qu'il négligea, et qui lui en attira une seconde, le 2 décembre 1723 à Versailles. Il mourut au moment qu'il en fut frappé.

Son fils, le duc de Chartres, d'un caractère faible et bizarre, plus fait pour une cellule à Sainte-Geneviève, où il a fini ses jours, que pour le ministère, ne demanda pas la place de son père. Le duc de Bourbon, arrière-petit-fils du grand Condé, la demanda sur-le-champ au jeune roi majeur, Le roi était avec Fleuri, ancien évêque de Fréjus, son précepteur. Il consulta, par un regard, ce vieillard ambitieux et circonspect, qui n'osa pas s'opposer par un signe de tête à la demande du prince.

La patente de premier ministre était déjà dressée par le secrétaire d'état La Vrillière, et le duc de Bourbon fut le maître du royaume en deux minutes.

Le sort des princes de Condé a toujours été d'être opprimés par des prêtres. Le pre mier prince de Condé, Louis, oncle de llen ri IV, fut toute sa vie persécuté par les prêtres de Rome et de la France, assassiné sur le champ de bataille immédiatement après la perte de la journée de Jarnac.

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Le second, Henri, cousin germain, de Henri IV, plus poursuivi encore par les prêtres de la Ligue, empoisonné dans Saint-Jeand'Angely.

Le troisième, Henri II, mis en prison sous le gouvernement du Florentin Concini, et depuis toujours tourmenté par le cardinal de Richelieu, quoiqu'il eût marié son fils à la nièce de ce cardinal.

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Le quatrième, qui est le grand Condé,

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