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Le parti qu'on prit fut de se défendre en Italie et en Allemagne, et d'agir toujours offensivement en Flandre; c'était l'ancien théâtre de la guerre, et il n'y a pas un seul champ dans cette province qui n'ait été arrosé de sang. Une armée vers le Mein empêchait les Autrichiens de se porter contrę le roi de Prusse, alors allié de la France, avec des forces trop supérieures. Le maré chal de Maillebois était parti de l'Allemagne pour l'Italie; et le prince de Conti fut charge de la guerre vers le Mein, qui devenait d'une espèce toute contraire à celle qu'il avait faite dans les Alpes.

(Févr. 1745) Le roi voulut aller lui-même achever en Flandre les conquêtes qu'il avait interrompues l'année précédente. Il venait de marier le dauphin avec la seconde infante d'Espagne, au mois de février; et ce jeune prince, qui n'avait pas seize ans accomplis, se prépara à partir, au commencement de mai, avec son père.

Le roi, abandonné de ceux pour qui seuls il avait commencé la guerre, fut obligé de la continuer sans avoir d'autre objet que de la faire cesser; situation triste qui expose les peuples, et qui ne leur promet nul dé, dommagement.

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Siège de Tournai. Bataille de Fontenoi.

LE maréchal de Saxe était déjà en Flandre, à la tête de l'armée composée de cent six bataillons complets, et de cent soixante et douze escadrons. Déjà Tournai, cette ancienne capitale de la domination française, était investi. C'était la plus forte place de la barrière. La ville et la citadelle était encore un des chefs-d'œuvres du maréchal de Vauban; car il n'y avait guère de place en Flandre dont Louis XIV n'eût fait construire les fortifications.

Dès que les états-généraux des sept Provinces apprirent que Tournai était en danger, ils mandèrent qu'il fallait hasarder une bataille pour secourir la ville. Ces républicains, malgré leur circonspection, furent alors les premiers à prendre des résolutions hardies. Au 5 mai 1745, les alliés avancérent à Cambron, à sept lieues de Tournai. Le roi partit, le 6, de Paris avec le dauphin. Les aides-de-camp du roi, les menins du dauphin les accompagnaient.

La principale force de l'armée ennemie consistait en vingt bataillons et vingt-six escadrons anglais, sous le jeune duc de Cumberland, qui avait gagné, avec le roi son père, la bataille de Dettingue: cinq bataillons et seize escadrons hanovriens étaient

joints aux Anglais. Le prince de Waldeck, à peu près de l'âge du duc de Cumberland, impatient de se signaler, était à la tête de quarante escadrons hollandais et de vingtsix bataillons. Les Autrichiens n'avaient, dans cette armée, que huit escadrons. On faisait la guerre pour eux dans la Flandre, qui a été si long-temps défendue par les armes et par l'argent de l'Angleterre et de la Hollande; mais à la tête de ce petit nombre d'Autrichiens était le vieux général Koenigseck, qui avait commandé contre les Turcs

en

Hongrie, et contre les Français en Italie et en Allemagne. Ses conseils devaient aider l'ardeur du duc de Cumberland et du prince de Waldeck. On comptait dans leur armée au-delà de cinquante-cinq mille combattants. Le roi laissa devant Tournai environ dix-huit mille hommes, qui étaient postés en échelle jusqu'au champ de bataille; six mille pour garder les ponts sur l'Escaut et les commu

nications.

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L'armée était sous les ordres d'un général en qui on avait la plus juste confiance. Le comte de Saxe avait déjà mérité sa grande réputation par de savantes retraites en Allemagne et par sa campagne de 1744; il joignait une théorie profonde à la pratique. La vigilance, le secret, l'art de savoir différer à propos un projet, et celui de l'exécuter rapidement, le coup d'œil, les ressources, la prévoyance étaient ses talents, de l'aveu de tous les officiers: mais alors ce général, con

sumé d'une maladie de langueur, était presque mourant. Il était parti de Paris trèsmalade pour l'armée; l'auteur de cette histoire l'ayant même rencontré avant son départ, et n'ayant pu s'empêcher de lui demander comment il pourrait faire dans cet état de faiblesse, le maréchal lui répondit: »Il ne s'agit »pas de vivre, mais de partir.<<

Le roi étant arrivé le 6 mai à Douai, se rendit le lendemain à Pontachin près de l'Escaut, à portée des tranchées de Tournai. Delà il alla reconnaître le terrain qui devait servir de champ de bataille. Toute l'armée, en voyant le roi et le dauphin, fit entendre des acclamations de joie. Les alliés passèrent le 10 et la nuit du 11 à faire leurs dernières dispositions. Jamais le roi ne marqua plus de gaîté que la veille du combat. La conversation roula sur les batailles où les rois s'étaient trouvés en personne. Le roi dit que, depuis la bataille de Poitiers, aucun roi de France n'avait combattu avec son fils, et qu'aucun depuis Saint-Louis n'avait gagné de victoire signalée contre les Anglais; qu'il espérait être le premier. Il fut éveillé le premier, le jour de l'action; il éveilla lui-même à quatre heures le comte d'Argenson, ministre de la guerre, qui dans l'instant envoya demander au maréchal de Saxe ses derniers ordres. On trouva le maréchal dans une voiture d'osier qui lui servait de lit, et dans laquelle il se faisait traîner quand ses forces épuisées ne lui per

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mettaient plus d'être à cheval. Le roi et son fils avaient déjà passé un pont sur l'Escaut à Calonne; ils allèrent prendre leur poste par-delà la justice de Notre-Dameaux-Bois, à mille toises de ce pont, et précisément à l'entrée du champ de bataille.

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La suite du roi et du dauphin, qui composait une troupe nombreuse, était suivie d'une foule de personnes de toute espèce qu'attirait cette journée, et dont quelquesuns même étaient montés sur des arbres pour voir le spectacle d'une bataille.

En jetant les yeux sur les cartes qui sont fort communes, on voit d'un coup d'œil la disposition des deux armées. On remarque Antoin assez près de l'Escaut, à la droite de l'armée française à neuf cents toises de ce pont de Calonne par où le roi et le dauphin s'étaient avancés; le village de Fontenoi par-delà Antoin presque sur la même ligne; un espace étroit de quatre cent cinquante toises de large, entre Fontenoi et un petit bois qu'on appelle le bois de Barri. Ce bois, ces villages étaient garnis de canons comme un camp retranché. Le maréchal de Saxe avait établi des redoutes entre Antoin et Fontenoi; d'autres redoutes aux extrémités du bois de Barri fortifiaient cette enceinte. Le champ de bataille n'avait pas plus de cinq cents toises de longueur, depuis l'endroit où était le roi, auprès de Fontenoi, jusqu'à ce bois de Barri, et n'avait guère plus de neuf cents toises de large; de sorte

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