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remarquera pas cette révolution qui faisait que la liberté, chassée du forum et du sénat, s'était réfugiée dans le stoïcisme; que, chassée du stoïcisme et devenant plus populaire, plus cosmopolite, elle s'était réfugiée dans l'Évangile. Il ne sera nullement touché de cette revendication que la pensée humaine fait d'elle-même. Non, les chrétiens lui paraîtront des perturbateurs; il lui semblera juste qu'on les immole; il sera sans pitié pour eux; il vous dira qu'à tout prendre les lois de l'empire étaient rigoureuses, mais sagement exécutées.

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pas

Eh bien! j'avoue que je ne connais dans l'histoire une erreur plus grave et plus offensante pour la raison. »

Cette erreur est si grave qu'elle fausse toute cette grande composition de l'historien anglais, qu'elle en détruit l'effet, que, de toute cette suite prodigieuse d'évènemens qui offraient à l'auteur tant de sujets de hautes et profondes méditations, il ne sait faire sortir aucune grande leçon pour les peuples et les rois. Il a les dons de l'esprit, mais il manque de ceux de l'âme. Toutefois terminons ce que nous avons à dire de lui en admirant l'ordre avec lequel il a reproduit cette immense série historique qui s'étend depuis Auguste jusqu'à Sixte-Quint, et reconnaissons qu'il fallait de vastes facultés pour classer ces innombrables matériaux et s'orienter dans ce labyrinthe inextricable. Quelle magnifique pro

duction Gibbon aurait pu nous donner s'il avait marché à la lumière du christianisme!

Nous avons cherché à caractériser les trois grands historiens de l'Angleterre ; il est juste de mentionner après eux Smollet, qui est resté loin de ces maîtres dans l'opinion de l'Europe. Notre contemporain, le docteur Lingard, auteur d'une Histoire d'Angleterre écrite d'après les idées catholiques, a vu sa renommée s'établir promptement dans sa patrie et sur le continent. Son ouvrage est encore trop récent pour être définitivement jugé.

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III.

De l'éloquence parlementaire en Angleterre au dix-huitième siècle. Lord Chatam. -Burke. Fox.- Sheridan. Pitt. Quelques mots sur l'éloquence judiciaire. Lord Erskine, etc.

L'éloquence politique ne s'est guère rencontrée sur notre route depuis les temps de la Grèce et de Rome. Les républiques italiennes, malgré leurs orages, en offrent très-peu d'exemples, parce que leurs gouvernemens étaient généralement trop despotiques. Les conciles sont les assemblées du moyen âge où l'éloquence a pu se développer avec le plus de liberté. Sans doute, dans ces débats sur la religion, où venait se fondre si souvent la vie civile des peuples, les hommes inspirés par la foi, les prêtres et les évêques du moyen âge ont dû prononcer des discours magnifiques; mais il n'y avait pas là de sténographes pour les recueillir.

Nos États généraux sous le roi Jean avaient offert, au milieu de nos malheurs, un spectacle plein d'enseignemens; mais la parole ne resta pas long-temps libre, et, aux siècles suivans, les États ne furent plus une arène de discussions indépendantes, mais une simple réunion où un seul orateur exposait les vœux et les besoins de chaque ordre. C'est l'Angleterre qui, par ses institutions, donna la première la liberté à la parole de l'orateur politique, et offrit des modèles dignes d'une étude sérieuse. Nous avons vu combien l'éloquence était stérile pendant cette terrible révolution anglaise du dix-septième siècle. Cromwell fut peut-être le seul orateur de cette époque orageuse, mais il faut se garder de le comparer aux grands maîtres de la tribune. L'esprit du protecteur est empreint d'une religion sombre qui révèle toute l'histoire de son temps. Il mêle toujours les sentimens religieux à sa propre défense; il cherche à identifier sa cause avec celle du christianisme, comme si tant d'actes de sa vie ne repoussaient pas énergiquement toute similitude. Voici comment il se défend des accusations de fourberie portées contre lui :

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C'était, disent quelques personnes, la fourberie du lord protecteur, c'était la ruse de cet homme et ses intrigues qui conduisaient tout; et, comme on dit encore dans les pays étrangers, il y a cinq ou six hommes en Angleterre qui ont de l'habileté; ils font toute chose. Oh! quel blasphème

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