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IX.

Historiens français. — Mably. — Hénault. —

Velly. Garnier.. Villaret. Crévier.-Lebeau. De Brosses. — Baynal, — Critique, érudition. Lamothe, - Fontenelle. Marmontel. Diderot.-Mercier. La Harpe. -Thomas, -Barthélemy, etc. Poésie, Bernardin de Saint-Pierre. — Delille, etc., etc.

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Nous avons parlé des travaux historiques de Voltaire, de Montesquieu et de l'Histoire de Louis XI de Duclos; quelques autres ouvrages d'histoire, appartenant au dix-huitième siècle, ont exercé une certaine influence sur la nation. Le président Hénault, né à Paris en 1685 et mort en 1770, est le plus célèbre des historiens qui soutinrent systématiquement la cause de l'ancienne monarchie française. Son Abrégé chronologique de l'histoire de France, tant de fois réim

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primé au dix-huitième siècle, passa long-temps pour un ouvrage d'une rare profondeur. C'est au moins un livre remarquable par l'exactitude et par des réflexions d'une grande sagacité. Le président Hénault, « fameux, dit Voltaire, par ses soupers et sa chronologie, vécut assez bien avec tous les partis, avec la cour, les parlementaires et les philosophes. Son livre fut écrit franchement dans le sens du pouvoir absolu; le règne de Louis XIV éblouissait encore l'auteur. Aussi il ne faut rien lui demander sur l'histoire de l'affranchissement de nos communes, sur nos états généraux, sur tous les faits par lesquels se révéla d'abord la tendance de la nation à se mêler elle-même de ses affaires.

tes,

Mably, né à Grenoble en 1707, débuta en 1740 par un ouvrage empreint aussi des idées absolutisle Parallèle des Français et des Romains. Les premières relations de l'auteur semblaient le porter cependant vers les idées nouvelles. Élevé chez les jésuites de Lyon, il vint de bonne heure à Paris, et connut chez madame de Tencin, alliée à la famille de Mably, Fontenelle et Montesquieu.

Mais la mobilité de son esprit se révéla bientôt; après avoir travaillé quelque temps avec le cardinal de Tencin et avoir puisé dans ce contact beaucoup de notions diplomatiques, il publia son ouvrage du Droit public de l'Europe fondé sur les traités, dans lequel il se passionnait pour les institutions des républiques anciennes. Il émit les mêmes idées dans ses

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Entretiens de Phocion. Mais toute cette admiration pour les démocraties grecques et romaines aurait eu peu d'influence sur la société française si Rousseau n'était pas venu reproduire les mêmes pensées dans son style brûlant et original. Mably a été, sous ce rapport, le précurseur de Jean-Jacques; sa puissance ne saurait toutefois se comparer à celle de l'auteur d'Émile. Les Observations sur l'histoire de France sont remarquables sous plus d'un rapport; l'auteur est frappé de l'idée que nos historiens ne se sont pas appliqués à reproduire la physionomie des diverses époques de notre histoire. Mais, malgré cet aperçu et des études consciencieuses sur nos monumens législatifs, Mably n'a pas su éviter le défaut qu'il reproche aux autres. Il professe dans tout ce livre une véritable haine du despotisme; les idées de gouvernement absolu qu'il défendit dans sa jeunesse sont bien loin de lui; cependant il blâme sévèrement la frivolité des histoires de Voltaire, et proclame son admiration pour les historiens de la Grèce et de Rome, qu'il trouve très-supérieurs aux modernes. Cette franchise ne pouvait être du goût de nos philosophes qui ne la lui ont guère pardonnée. Le style de Mably est faible et sans caractère; mais, quand il en serait autrement, les travaux historiques du dixneuvième siècle empêcheraient d'étudier ses livres aujourd'hui.

Les premiers volumes de l'Histoire de France de l'abbé Velly parurent en 1755 et obtinrent un véri

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table triomphe. « L'on a peine à s'expliquer, au milieu de la France du dix-huitième siècle, le succès de l'ouvrage de Velly, dit M. Augustin Thierry dans sa quatrième Lettre sur l'histoire de France. Il fallait qu'à cette époque la partie la plus frivole du public eût le pouvoir de donner à ses jugemens le caractère et l'autorité d'une opinion nationale; car tout se tut et fut obligé de se taire devant la renommée du nouvel historien. Les savans mêmes n'osaient le reprendre qu'avec respect de ses méprises géographiques, de ses erreurs de faits et de la manière dont il travestit les noms propres. Velly n'a ni la science qui manquait à Mézeray, ni cette haute moralité qui manquait à Daniel. Il se mit à composer son histoire (Garnier, son continuateur, en fait l'aveu) sans préparation et sans études, sans autre talent qu'une déplorable facilité à faire des phrases vagues et sonores. Lui-même eut des scrupules de conscience sur le succès de ses premiers volumes; il lut, pour s'aider à rédiger les suivans, les mémoires de l'Académie des inscriptions, et transcrivit au hasard, pour rendre son ouvrage plus substantiel, de longs passages de dissertations inexactes sur les usages et les mœurs antiques. »>

Le jugement de notre célèbre contemporain sur l'Histoire de France de Velly et de ses continuateurs, Garnier et Villaret, qu'il trouve supérieurs à l'abbé, est adopté aujourd'hui par tout le monde. Le succès, au dix-huitième siècle, fut basé sur ce style

facile et assez élégant dont parle M. Augustin Thierry; c'était plus commode à lire que Mézeray : voilà pourquoi chacun adoptait le livre.

Une des gloires du dix-neuvième siècle sera d'avoir étudié consciencieusement nos chroniqueurs originaux, d'avoir saisi les physionomies des diverses époques de notre grande histoire nationale, d'avoir étudié avec succès le progrès de nos institutions politiques. De notables efforts se tentent encore au moment où nous écrivons; notre temps a été justement appelé le siècle de l'histoire.

En dehors de nos annales nationales, il se fit, au siècle dernier, des travaux dignes d'intérêt. JeanBaptiste Crévier, élève de Rollin, continua l'histoire romaine de son maître, et publia ensuite une Histoire des empereurs et quelques autres travaux qui se recommandent par d'immenses recherches; mais le style de Crévier est froid, quoique naturel. Il n'a pas les hautes qualités des historiens antiques qu'il admire avec tant de raison. Lebeau, qui écrivit avant Gibbon l'Histoire du Bas-Empire, était un érudit dont les travaux immenses ne doivent pas être oubliés. Malheurement il n'eut pas le génie de l'histoire; ses croyances chrétiennes auraient dû lui faire apprécier la mission de la grande religion du Christ, lui inspirer de magnifiques peintures de l'œuvre des premiers siècles que les préjugés de Gibbon ne lui ont pas permis d'apercevoir. Lebeau fut moins lu qu'un autre écrivain religieux, traduc

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