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Les femmes sont moins basanées que les hommes; elles ont, comme eux, une robe longue qui est ouverte par-devant, et en mettent par-dessus une autre plus courte. Elles rassemblent leurs cheveux en une grosse touffe derrière la tête, qu'elles couvrent d'un mouchoir ou bien ornent à leur fantaisie; elles ne sont pas, comme à la Chine, condam. nées à ne pouvoir marcher, ni exclues de la société des hommes.

On dépeint les Coréens comme respectueux envers leurs parents, affables, curieux à l'excès, et sobres. Leur gouvernement leur interdit toute communication avec les étrangers; ils repoussent ceux qui veulent pénétrer dans leur pays. Ils ont emprunté des Chinois la plupart de leurs usages, et les caractères de leur écriture pour les livres et ce qui concerne les affaires publiques; ils ont une autre sorte d'écriture syllabique pour les rapports des grands entre eux; le peuple ne la sait pas lire; enfin, une troisième en usage parmi celui-ci et les femmes. La langue coréenne est un idiome particulier mêlé de mots chinois. Les lettrés subissent des examens, comme en Chine, pour pouvoir parvenir aux emplois. Ils se distinguent des autres par deux plumes dont ils décorent leur bonnet. On fait venir les almanachs de la Chine.

Les maisons des gens riches sont magnifiques; celles du peuple, au contraire, sont chétives; on ne peut sans permission les couvrir en tuiles: c'est pourquoi la plupart n'ont que des toits de paille ou de roseaux. Elles sont bâties en bois dont l'intervalle est rempli de pierres, et n'ont généralement qu'un étage et un grenier au-dessus. Les grands ont en avant de la façade un autre corps de logis, qui est séparé par une cour et quelquefois par un jardin avec des allées couvertes; c'est là qu'ils reçoivent leurs amis et se divertissent. Les femmes se tiennent dans les appartements du fond; les marchands mettent leurs marchandises dans un magasin à côté de leur logement. Les Coréens n'ont que les meubles les plus nécessaires; les fenêtres sont garnies de papier à moitié transparent.

Il y a dans le pays quantité de cabarets et de maisons publiques où l'on va se divertir et faire la débauche. Les voyageurs s'arrêtent la nuit près de la première habitation qu'ils rencontrent, et on leur apporte du riz et de la viande. Sur quelques routes, on trouve des auberges où on couche et nourrit, aux dépens du public, les personnes qui voyagent pour les affaires du gouvernement.

La religion est celle de Foé; quelques grands suivent la doctrine de Confucius. Les couvents sont nombreux; on voit dans quelques-uns jusqu'à cinq cents moines: ceux-ci peuvent quitter leur cloître, ils ne sont guère

estimés; leurs supérieurs, au contraire, jouissent d'une grande considération, surtout lorsqu'ils sont savants. Les moines ne peuvent rien manger qui ait eu vie; ils rasent leurs cheveux et leur barbe; la conversation des femmes leur est interdite; quiconque contrevient à cette règle reçoit la bastonnade, et de plus est chassé du couvent. A l'époque où on les y admet on leur imprime au bras une marque qui ne s'efface jamais. Ils travaillent pour gagner leur vie, ou font quelque commerce, et obtiennent tous quelque chose du gouvernement, ou bien vont à la quête. Ils élèvent des petits enfants qu'ils instruisent avec soin. Il y a aussi des couvents de femmes; elles peuvent en sortir pour se marier.

Un Coréen choisit la personne qui lui platt pour se marier avec elle; il peut avoir plusieurs femmes; une seule est regardée comme l'épouse légitime; d'ailleurs, il a le droit de les répudier à sa fantaisie. Celles des gens du commun partagent les travaux les plus rudes avec leurs maris.

Les grands et les personnes libres prennent grand soin de l'éducation de leurs enfants, et les envoient de bonne heure aux écoles publiques, pour qu'ils deviennent propres à exercer des emplois; les esclaves, au contraire, se soucient fort peu de leurs enfants, parce qu'ils savent bien qu'on les leur enlèvera aussitôt qu'ils seront en état de travailler.

Les enfants d'un homme libre en portent le deuil pendant trois ans, et durant tout ce temps vivent avec une austérité extrême; le deuil d'un frère dure trois mois. On n'enterre un frère que trois ans après son décès, ordinairement au printemps ou en automne. On place autour du tombeau les habits, les chars, les chevaux que le défunt avait le plus aimés. Ces dépouilles sont abandonnées aux personnes qui ont assisté aux funérailles. Une statue en pierre et une inscription distinguent les sépultures des grands.

La plus grande partie de l'héritage est dévolue au fils aîné; le reste du bien se partage entre les garçons; il paraît que les filles n'ont rien; elles n'apportent en mariage que leur

trousseau.

L'industrie des Coréens a fait des progrès remarquables; ils fabriquent les tissus de chanvre, de coton et de soie, dont ils se vêtissent; leurs ustensiles d'argile, de faïence et de porcelaine; enfin, leurs armes, qui sont des fusils à mèches, des flèches, des sabres, des cuirasses et des casques. Ils façonnent, avec des roseaux ou de grosses feuilles de graminées, leurs nattes et leurs chapeaux, leurs sandales, les voiles et les cordages de leurs navires; leurs jonques sont bien construites; leurs canons ne valent pas mieux que ceux

des Chinois. Le papier de Corée est très-recherché en Chine; il est aussi fort que la toile. C'est en partie avec cette marchandise que les Coréens acquittent le tribut qu'ils doivent à l'empereur de la Chine. Ils fabriquent aussi des pinceaux de poil de queue de loup, que les Chinois estiment beaucoup.

La Chine et le Japon sont les seules contrées qui entretiennent des relations commerciales avec la Corée : les Chinois y apportent du thé, de la porcelaine, de la quincaillerie et des étoffes de soie; ils en rapportent des toiles de chanvre, des tissus de coton, notamment ceux qu'on nomme doba, du ginseng, | qui n'est que de qualité médiocre, du tabac, Au papier et des pinceaux. Les Japonais fournissent aux Coréens des poissons secs et salés, du poivre, du bois de sapan, de l'alun, des cornes et des peaux d'animaux; ils prennent en retour des dents de morse et quelques ob. jets manufacturés, du ginseng et diverses drogues. Le commerce par terre avec l'empire chinois est assez important. Les chevaux de Corée sont très-recherchés en Chine.

Il n'y a dans tout le royaume qu'un poids et qu'une mesure; on ne connaît, comme en Chino, que la petite monnaie de cuivre : mais elle n'a cours que sur les frontières de ce pays. L'argent se livre au poids par petits lingots.

L'esclavage de la glèbe existe en Corée : le seigneur de la terre a droit de vie et de mort sur ses serfs; mais la classe des gens libres, qui forme la classe moyenne, est la plus nombreuse. Les fonctionnaires publics n'occupent guère leurs emplois que pendant trois ans. Plus un homme est élevé en dignité, plus sa position est scabreuse : le pays est infesté d'une foule d'espions et de délateurs, que le gouvernement croit nécessaire d'entretenir.

Un monarque héréditaire, dont l'autorité est, absolue, règne sur la Corée; mais il est lui-même vassal et tributaire de l'empereur de la Chine. Aussitôt qu'il est décédé, son successeur reçoit à genoux l'investiture de ses États et le titre de koué-ouang (roi), de deux mandarins chinois que l'empereur lui envoie. Le roi de Corée fait distribuer à ces délégués 8,000 taels et d'autres présents réglés par l'usage. L'ambassadeur de Corée va ensuite à Peking se prosterner devant l'empereur et lui offrir le tribut. La princesse épouse du roi ne peut prendre le titre de reine qu'après l'avoir obtenu de la cour de Peking. Tous les ans des ambassadeurs coréens portent à Pèking des présents à l'empereur, en signe de vasselage. Lorsque le roi de Corée craint que sa succession ne cause des troubles après sa mort, il désigne de son vivant celui de ses fils qui lui succédera, et il prie l'empereur de confirmer ce choix. On a dit aussi que le roi de Corée était dans la même dépendance en

vers l'empereur du Japon, et que son héritier présomptif était élevé à la cour de ledo.

:

Toutes les terres sont censées appartenir au roi cependant il ne dispose, après la mort de l'usufruitier, que de celles qui font partie du domaine royal. Le monarque a son conseil d'État, composé des ministres et des principaux officiers de terre et de mer. Les lois sont sévères et les supplices cruels; les moin. dres délits sont, comme à la Chine, punis par la bastonnade. Les revenus du roi proviennent du produit de ses domaines et des impôts, dont une partie s'acquitte en nature. Quiconque n'est pas soldat doit trois mois de corvée au roi.

Chaque province a un commandant militaire en chef, qui a sous lui plusieurs colonels, et ceux-là, des officiers subordonnés les uns aux autres, qui sont répartis dans les villes et les forts enfin, dans chaque village il y a un caporal. Tous les ans, le subalterne envoie à son supérieur un rôle des gens qui sont sous sa dépendance, et de cette manière, le roi connaît le nombre des troupes dont il peut disposer. Les soldats s'équipent à leurs dépens. Hamel dit aussi que chaque ville fournit un certain nombre de religieux de son ressort, pour faire partie de la garnison des forteresses bâties dans les défilés des montagnes. Ils obéissent à des officiers de leurs corps, et sont de très-bons soldats.

La Corée étant presque entièrement bordée par la mer, chaque ville maritime entretient un navire équipé et muni de canons. Ces bâtiments sont réunis en petites escadres qui veillent à la sûreté des côtes, et surtout sont destinées à empêcher qu'aucun étranger ne se glisse dans le pays, et que les bâtiments d'une nation inconnue s'éloignent au plus tôt.

Le royaume est divisé en huit tao ou provinces, qui renferment ensemble quarante arrondissements. La capitale est Han-Yang ou Han-Tchhing; elle est située au milieu du pays, dans la province de King-Ki tao, dont le nom, par une méprise du traducteur ou de l'éditeur des cartes chinoises copiées pour l'ouvrage de du Halde, a été pris pour celui de la ville. On ne sait rien de Han-Yang, sinon qu'elle est entre deux rivières el a une belle bibliothèque.

Le mot tao signifie proprement route; il termine le nom de chaque province; celui de quelques-unes est composé des noms de leurs villes principales.

En 1816, le capitaine Hall, commandant le vaisseau anglais la Lyre, reconnut l'archipel de la côte occidentale de la Corée, et imposa des noms à plusieurs groupes.

L'ile de Quelpaert, au sud-ouest du royaume, est située par 33° 14' de latitude nord. Ce fut sur ses côtes que le navire qui portait Hamel

fit naufrage en 1653. Les Coréens la nomment Mou-Sé; elle renferme la ville de Mog-Gan. La Pérouse détermina sa position en 1787.

Sur la côte orientale, on remarque la baie de Tchou-San, où Broughton, navigateur anglais, mouilla en 1797; il fut bientôt entouré de canots remplis d'hommes, de femmes et d'enfants, que la curiosité avait attirés. Il descendit à terre pour faire de l'eau et du bois; on ne s'y opposa pas, mais on lui intima la défense d'aller au delà d'une certaine distance. Il fut pendant la nuit gardé à vue par des bâtiments coréens. Un grand nombre de jonques entraient constamment dans la baie et en sortaient; tout annonçait que le commerce y était très-actif.

Les Coréens donnent à leur pays le nom de Tio san Koak, que les Chinois prononcent Tchao sian; ces derniers appellent aussi ce pays Kao li; les Japonais disent Korey, et de là vint le nom de Corée usité en Europe; les Mandchoux l'appellent Solhhol.

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CORFOU. (Géographie.) L'île de Corfou (Corfi, en grec moderne) est située au nord de la mer Ionienne, près de la côte d'Albanie; elle fait partie de l'archipel des îles Ioniennes, dont elle est la plus septentrionale et la plus importante. Par sa situation près du canal d'Otrante, Corfou commande ce détroit ainsi que la mer Adriatique; aussi l'appelle-t-on avec raison la clef de l'Adriatique. Venise et l'Angleterre n'ont pas manqué d'occupér cette importante position, afin d'assurer leur empire sur cette mer.

Corfou a quatorze lieues de long sur quatre ou cinq de large. La surface de cette île est généralement accidentée; mais les collines qui la sillonnent ne dépassent pas 450 m. Le climat de Corfou est doux, mais très-variable. Le nord de l'île est fertile; il produit en abondance de l'huile, des fruits et du miel: la partie méridionale, au contraire, est généralement sablonneuse et stérile. Corfou est peu boisée; ajoutons encore que la houille et le sel figurent parmi ses productions. Le charbon de terre, pour la marine anglaise, est surtout important. La population de l'île est d'environ 60,000 habitants d'origine grecque, parlant

le grec moderne altéré par l'italien, et professant la religion grecque.

La ville de Corfou, capitale de la république des îles Ioniennes, est bâtie près des ruines de l'ancienne Corcyre ( Palæopolis, la Vieille-Ville), sur la côte orientale de l'île. C'est une ville extrêmement forte, dont les fortifications ont été très-étendues par les Français en 1810. Une enceinte bastionnée et deux citadelles font de Corfou une place de guerre de premier ordre qui « tient en bride toute la mer Adriatique, » et qui fut longtemps regardée comme le boulevard principal de l'Italie contre les Turcs. Corfou ne possède qu'un petit port, très-commerçant depuis qu'on a établi sa franchise. En revanche, on y trouve une rade magnifique, vaste et sûre, l'une des plus belles stations de la marine anglaise. La population de la ville est de 15,000 habitants. Corfou renferme un archevêché et une université.

Histoire. Dans l'antiquité, Corfou porta les différents noms de Drepanum, Macris, Scheria, d'ile des Phéaciens, et de Corcyre (Kepxúpa, Corcyra). Corcyre appartint longtemps aux Phéaciens; un de leurs rois fut Alcinous, dont Homère, dans l'Odyssée, a décrit les jardins (1300).

Au huitième siècle avant J. C., une colonie de Corinthiens, conduite par les Bacchides, chassée de Corinthe, s'établit dans l'tle des Phéaciens, et lui donna le nom de Corcyre. Jusqu'à la guerre Médique, Corcyre fut gouvernée par les rois de la race des Bacchides : à cette époque, comme dans tout le reste de la Grèce, l'oligarchie remplaça à Corcyre la monarchie.

Corcyre avait une marine puissante; son commerce était considérable, et à plusieurs reprises il occasionna des guerres entre Corinthe et sa colonie.

Pendant la guerre Médique, Corcyre n'envoya pas ses vaisseaux à Salamine, et ne combattit pas contre les Perses.

En 432, Corcyre et Corinthe se brouillèrent à propos de la ville d'Epidaure. Les Corcyréens, pour faire la guerre à Corinthe, implorèrent l'appui des Athéniens, qui, malgré le droit des Grecs, accordèrent du secours à cette colonie révoltée contre sa métropole. On sait que cette guerre de Corcyre fut le signal de la guerre du Péloponnèse. Malgré sa flotte de cent vingt vaisseaux de guerre, Corcyre fut battue par Corinthe.

A partir de ce temps, des dissensions et des luttes violentes, soulevées par le parti démocratique, amenèrent la ruine entière de Corcyre elle tomba successivement au pouvoir des rois de Macédoine, d'Agathocle, tyran de Syracuse, des rois d'Épire. Enfin, après la mort de Pyrrhus (272); Corcyre se plaça

sous la domination des Romains, afin de se mettre à l'abri des attaques des pirates de l'Illyrie.

Dès lors l'histoire de Corcyre ne présente plus d'intérêt. Réduite en province romaine par Octave, en punition de son alliance avec Antoine, elle fut rendue à la liberté par Caligula. La nouvelle république de Corcyre devint plus tard tributaire des empereurs d'Orient, résista à Genseric et à Totila, et fut réunie à l'empire d'Orient par Nicéphore; elle y demeura annexée jusqu'au douzième siècle.

Robert Guiscard, roi normand de Naples, avait commencé la conquête des provinces illyriennes de l'empire grec. Roger II, l'un de ses successeurs, s'empara de Corcyre (1147), qui, vers cette époque, prit son nom moderne de Corfou. L'empereur Manuel Comnène appela à son secours les Vénitiens, aux vaisseaux desquels les ports de Corfou avaient été jusqu'alors fermés. Manuel les ouvrit à leur commerce, et moyennant ce privilége obtint le secours d'une flotte vénitienne qui enleva Corfou aux Normands et la rendit à F'empire (1148).

Dans le partage des provinces de l'empire grec, après la prise de Constantinople (1204) par les croisés, Venise se réserva les îles et les ports de l'empire qui pouvaient être utiles à son commerce et à sa marine. Corfou fut occupée par les Vénitiens en 1205.

Charles d'Anjou, devenu maître du royaume des Deux-Siciles (1268), voulut profiter de la situation de ses États (Naples, Sicile, Florence) pour se rendre maître de la Méditerranée. Il chercha à conquérir Tunis, et reprit Corfou aux Vénitiens. L'établissement maritime de Charles d'Anjou fut détruit après les Vêpres Siciliennes, et un siècle après lui (1386) Corfou se livra aux Vénitiens.

Depuis lors Venise a possédé Corfou, qui facilita les conquêtes de la république en Italie et établit sa prépondérance dans l'Adriatique.

Depuis le seizième siècle, les Turcs, en guerre avec Venise, cherchèrent à prendre Corfou, vrai boulevard de l'Italie. Ils l'assiégè rent inutilement en 1537, 1553, 1570, 1578. Découragés par tant d'efforts infructueux, les Turcs ne revinrent à la charge qu'en 1716. En 1713, la Porte, ayant déclaré la guerre à Venise, s'empara de la Morée, de Cérigo, de Candie, et vint mettre le siége devant Corfou. La ville était défendue par le célèbre général Sanon, comte de Schullenbourg; les Turcs furent repoussés après plusieurs assauts furieux : Venise éleva une statue à l'hé roïque général.

En 1797, les îles vénitiennes du Levant, appelées encore iles Ioniennes, furent acquises à la France en vertu du traité de Campo-For

mio (1), qui mit fin à l'existence de la république de Venise. « Cette occupation des îles Ioniennes, dit M. Daru, donnait à la France un poste important, lui fournissait des huiles pour ses savonneries de Marseille, qui tous les ans en achetaient pour 12 millions à l'étranger, et lui assurait la jouissance des bois précieux que la côte d'Albanie offrait aux chantiers de Toulon. La république française devenait la protectrice ou la maîtresse de la navigation de l'Adriatique. » Les fles Ioniennes formèrent alors les trois départements français d'Ithaque, de Corcyre et de la mer Égée.

En 1799, lors de la seconde coalition, une flotte turco-russe enleva les îles Ioniennes à la France; en 1800, elles furent constituées en république vassale et tributaire de la Turquie, par suite d'un traité conclu entre la Turquie et la Russie. Mais, en 1802, le traité d'Amiens proclama l'indépendance de la nouvelle république, et la plaça sous la protection de la Russie. En 1804 l'empereur de Russie, Alexandre, violant ce traité, envoya une flotte qui établit une forte garnison à Corfou, et s'empara des îles Ioniennes ; mais il fut obligé en 1807, après les batailles d'Eylau et de Friedland, de les céder à la France, qui en prit aussitôt possession.

En 1809, les Anglais s'emparèrent de lá plupart de ces îles, à l'exception de Corfou et de Sainte-Maure, qui restèrent au pouvoir de la France jusqu'en 1814. Les traités du 4 juillet et du 5 novembre 1815 enlevèrent définitivement Corfou et les autres îles Ioniennes à la France, et les donnèrent à l'Angleterre. C'est à l'article ILES IONIENNES qu'il faut chercher la suite de cette histoire.

Nous terminerons en disant que, maîtresse de Corfou, l'Angleterre domine l'Adriatique, maîtrise l'essor de la marine militaire de l'Autriche, menace le commerce de Trieste, le grand centre commercial de l'Allemagne du sud, de même que par la possession, d'Héligoland elle maîtrise le commerce de Hambourg, le principal débouché de l'Allemagne du nord. Or, on sait que la grande artère commerciale de l'Allemagne est la grande route, et, d'ici à peu de temps, sera le chemin de fer de Trieste à Hambourg. La possession de Corfou donne à l'Angleterre le moyen de dominer entièrement l'extrémité méridionale de cette artère

Histoire et description des îles Ioniennes, par un officier supérieur; ouvrage revu et précédé d'un Discours préliminaire par M. Bory de Saint Vincent; Paris, 1823, in-8°.

W. Goodisson, A historical and topographical essay upon the islands of Corfu, etc.; Londres, 1822, in-8°.

Ang. Mar. Quirino, Primordia Corcyræ; Brescia, 1778, in-4°.

(1) Ces iles sont : Corfou, Cérigo, Zante, acquises par les Vénitiens en 1483; Céphalonie, en 1801, SainteMaure, en 1684; Paxo, Théaki ou Ithaque.

Mustoxidi, Notizie per servire alla storia Corcirese; Corfu, 1804, in-8°. — Illustrazioni Corciresi; Milan, 1811-14, 2 vol. in-8°.

L. DUSSIEUX.

CORINDON. (Minéralogie.) On a réuni sous le nom de corindon plusieurs minéraux connus depuis longtemps, et qui, regardés comme très-différents les uns des autres, avaient été désignés sous les noms de gemmes orientales, de saphir, d'astérie, de spath adamantin et d'émeril. M. Haüy en fit ensuite trois groupes, dont deux, considérés comme espèces propres, reçurent les noms de corindon et de télésie, et le troisième, sous celui d'émeril, fut placé à la suite des minerais de fer.

Des travaux minéralogiques et des analyses chimiques, postérieurs à ceux d'Haüy, amenèrent la réunion de toutes ces pierres en une seule espèce, désignée sous le nom de corindon, et comprenant trois variétés.

Dans les plus récentes classifications, dans celle de M. Beudant, par exemple, le corindon fait partie du groupe des aluminides, et il prend, selon la couleur qu'il présente, les noms de saphir, de topaze, de rubis, d'émeraude. ( Voyez ces différents mots.)

Le corindon est infusible au chalumeau; sa dureté ne le cède qu'à celle du diamant, et il est capable de rayer tous les autres corps. Essentiellement formé d'alumine, il est sou. vent mélangé de diverses matières étrangères; il se clive en rhomboïdes de 86°,4, et de 93o,56.

Cette pierre appartient aux terrains de cristallisation; elle s'y trouve disséminée, surtout dans le granit; on la trouve aussi dans les basaltes, et quelquefois dans le carbonate double de chaux et de magnésie; on la rencontre aussi, hors de place, en cristaux isolés, dans les sables qui viennent de la destruction de ces roches, et qui sont entraînés par les ruisseaux.

C'est surtout de l'Asie orientale que nous arrive le corindon, en pierres toutes taillées. On le rencontre cependant aussi dans les Alpes et dans les montagnes d'Auvergne.

G.V.

CORINTHE. (Géographie et Histoire.) Corinthus, Kordos. L'isthme de Corinthe est cette bande étroite de terre qui lie la péninsule appelée autrefois le Péloponnèse, aujourd'hui la Morée, au reste de la Grèce. Cet isthme a deux lieues et demie dans sa plus grande largeur; il sé. pare le golfe d'Égine du golfe de Corinthe. Sa situation entre les deux parties de la Grèce, auxquelles il servait seul de communication, entre deux mers semées d'îles populeuses et bordées de ports commerçants, appelait l'établissement d'une ville, à laquelle elle promettait de hautes destinées. 1376 ans avant l'ère chré

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tienne, la ville fut fondée. Sisyphe, fils d'Éole et petit-fils d'Hellen, en choisit l'emplacement, en båtit les murailles, et en fut le premier roi. Corinthus, fils de Marathon, et frère de Sicyon, lui donna son nom; jusque-là, elle s'était appelée Éphyre. La ville aux deux mers ('Aupt0xλáσotos) ne tarda pas à s'enrichir par le commerce, et Homère n'en parle pas sans lui donner l'épithète d'opulente.

Comme toutes les cités grecques, Corinthe fut d'abord une monarchie, et, comme presque toutes, elle remplaça cette forme de gouvernement par un pouvoir aristocratique. Cette révolution arriva en 777 avant J. C. La famille des Bacchides se mit à la tête de cette oligarchie, après la mort de Télessus, le dernier des rois Héraclides, qui occupaient le trône depuis 1089. De 657 à 584, la forme monarchique reparut de nouveau. Corinthe resta soumise pendant ce temps à la longue tyrannie de Cypselus et de son fils Périandre; après quoi, le sénat rentra en possession de ses prérogatives, et partagea de nouveau avec les assemblées du peuple le droit de diriger les choses de l'État.

Corinthe joua un grand rôle dans les longues dissensions qui divisèrent la Grèce. Au cinquième siècle avant notre ère, elle fit, à deux reprises, la guerre aux Athéniens, et eut le dessous les deux fois. En 432, elle prit part à la guerre du Péloponnèse, qui eut pour cause la rébellion des colonies de Corinthe contre leur mère patrie. Au quatrième siècle avant J.-C., ce fut Sparte à son tour que Corinthe eut pour ennemie, et ce fut elle encore qui commença cette guerre dont le dénoûment fut le honteux traité d'Antalcidas (387). Soumise par Philippe, Corinthe reçut une garnison macédonienne, et n'en fut délivrée que par Aratus de Sicyone (243), qui rallia la ville, redevenue indépendante, à la ligue achéenne, et en fit le lieu où s'assemblaient les députés de la confédération. Tout alla bien d'abord, et l'existence de cette ligue jeta quelque éclat sur la Grèce vieillie, et ralluma sa gloire qui allait s'éteignant: mais cette lumière fut la clarté plus vive que fait jaillir une lampe où l'huile se tarit, et cette grandeur même appela la ruine. Rome s'inquiéta de cette puissance qui voulait s'élever à côté de la sienne : elle saisit le prétexte d'une querelle entre Corinthe et Sparte pour interposer sa médiation, et bientôt la Grèce était déclarée province romaine, tandis que Corinthe, destinée sans doute à servir d'exemple, était saccagée, renversée, et illuminant au loin de son incendie les deux mers qu'elle avait si longtemps chargées de ses vaisseaux, leur envoyait sa dernière richesse, et laissait couler dans leurs flots les vagues ruisselantes de son airain, de son argent, de son or fondus et amalgamés

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