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Pour ôter tout motif d'excuse à celui qui négligerait la moindre partie de ces instructions, il faudrait ajouter aux règlements existants sur les manœuvres des différentes armes des articles qui enseigneraient aux troupes la manière d'opérer les mouvements qu'on peut être obligé de faire contre les tranchées et dans les fortifications; de façon à ce que les ordres des gouverneurs soient exécutés avec précision et sans hésitation, au milieu des ouvrages, comme ceux des généraux sur les champs de bataille.

Je pense que par l'application de l'esprit des notes dont je viens de donner une idée toutes les places, telles qu'elles se trouvent actuellement, armées et munies comme elles le sont ordinairement, quels que soient leurs gouverneurs et les troupes qu'on y renferme, se défendront tant que les garnisons pourront fournir des gardes, et par conséquent plus longtemps qu'elles ne l'ont fait généralement depuis l'invention des parallèles, ce qui exige que l'on ait joint aux instructions générales existantes sur la défense des instructions spéciales pour chaque place, rédigées selon les préceptes de Vauban, dans le sens qui vient d'être indiqué, et que l'on ait ajouté aux réglements actuels sur les manœuvres des troupes les articles dont il a été question.

Voici, en quelques mots, les considérations qui m'ont guidé dans la rédaction des notes dont je viens d'exposer l'objet et l'utilité.

1° Un ouvrage n'est jamais en sûreté si son escarpe et sa gorge ne sont pas revêtues, ou s'il n'est entouré d'eau.

2° Une contrescarpe revêtue ou bien un fossé plein d'eau ne peuvent qu'être utiles autour d'un ouvrage qui doit soutenir l'assaut.

3o Une contrescarpe ou bien un fossé plein d'eau ne peuvent que gêner autour d'un ouvrage servant seulement de réduit à celui qui doit soutenir l'assaut.

4° L'objet d'un réduit n'étant jamais de soutenir l'assaut, mais d'appuyer et de favoriser les mouvements d'attaque contre les cheminements des ennemis et contre leurs logements dans l'ouvrage auquel il appartient, il doit être assez fort pour obliger l'assiégeant de l'ouvrir avant de passer outre ; mais il n'est pas absolument nécessaire, pour qu'il remplisse bien son objet, de lui donner l'importance de ceux qu'indique Cormontaigne pour les places d'armes rentrantes, et par conséquent son établissement peut fort bien n'être ni difficile ni dispendieux.

5o La position et le tracé d'un réduit ne dépendent nullement de la forme de l'ouvrage auquel ce réduit appartient, mais bien de la disposition que doivent affecter les attaques.

6° L'objet des communications en fortifica. tion est, non-seulement de conduire à couvert

dans les ouvrages sans être obligé de traverser les réduits, mais encore de fournir des lieux de rassemblement sûrs, desquels on puisse déboucher en force, de près et sans grand danger, pour se porter sur les parties de cheminements qui ne peuvent manquer d'être étranglées, et aussi d'offrir des moyens de retraite tels, qu'ils empêchent l'assiégeant de poursuivre les sorties jusque sur les défilés par lesquels elles doivent passer pour ren

trer.

7° Les communications et les réduits doivent être combinés ensemble et avec les ouvrages, d'après les principes sur lesquels est basé l'arrangement des tranchées suivant la méthode de Vauban.

8o Dans une place assiégée, l'artillerie la mieux conservée ne peut empêcher, à elle seule, des tranchées bien conduites de s'avancer chaque vingt-quatre heures, et d'arriver à leur terme dans un temps que l'on peut estimer d'avance, au moyen des journaux fictifs adoptés par Cormontaigne, Fourcroy, d'Arçon, etc.

9o Dans l'état actuel de l'art des mines, el malgré les efforts faits depuis quelques années pour le perfectionner, le succès de l'emploi des contre-mines dépend, comme celui des sorties, de la disposition des tranchées. L'on ne peut engager de guerre souterraine au delà de la crête des glacis, contre des attaques bien conduites, sans s'exposer à des pertes qui ne seraient point compensées. Mais pendant la deuxième période des attaques, c'est-à-dire dans l'enclos des ouvrages, les mines ne reçoivent plus aucune protection des tranchées, et laissent aux contre-mines toute espèce d'avantages.

Mon travail, qui se terminera par un projet d'instruction sur la défense d'une place, telle que la plupart de celles qui existent, repose sur une idée simple: c'est de donner à tout assiégé les moyens de répéter ce qu'on a fait de conforme aux bons principes dans les longues et belles défenses postérieures à 1673.

Aussi, j'espère atteindre le but que je me suis proposé. Dans tous les cas, j'aurai certainement rendu un grand service à la défense, en contribuant à répandre cette vérité : que Vauban n'a point fait faire à l'attaque des places un pas aussi grand qu'on le pense généralement, parce que, dans toute espèce de siéges, il n'y a qu'une partie des attaques qui puisse marcher suivant sa méthode, et que pendant la deuxième partie l'attaque et la défense sont restées, l'une par rapport à l'autre, ce qu'elles étaient avant l'invention des parallèles, dans le temps où les places de guerre se défendaient si longtemps.

Voyez, pour la bibliographie, outre les ouvrages

cités dans cet article, ceux qui sont indiqués aux articles ATTAQUE DES PLACES et FORTIFICATIONS. Le général VALAZÉ.

DÉFINITION. (Logique.) Définir c'est déterminer soit la nature d'une chose, soit le sens d'un mot. La définition est donc une proposition par laquelle s'effectue cette détermination.

Un être, une chose quelconque, ne se distingue de tout ce qui n'est pas elle que par son essence. Il faut bien qu'elle ait un ou plusieurs caractères propres, quelque point fondamental qui fasse qu'elle soit elle-même et non pas autre chose ce point, c'est sa nature intime. Deux êtres, deux choses, deux individualités qui auraient la même et unique essence, ne seraient plus deux, mais un. C'est donc l'essence qui constitue l'individualité et qui est le véritable objet de la définition. Tout ce qui dans la chose peut varier sans altérer le fond ou l'essence, c'està-dire tout ce qui n'est qu'accident ou pure forme, est superflu, étranger à sa vraie définition; car sans cela la définition serait solidaire des modifications superficielles des choses, tandis que les choses elles-mêmes ne le seraient point. Toutefois la définition, après avoir ainsi caractérisé l'être ou la chose par ses propriétés essentielles ou élémentaires, n'a point encore atteint son but; il faut encore qu'elle indique la particularité qui distingue cette chose de toutes celles qui lui ressemblent. Tout être, toute chose, a un certain nombre d'attributs essentiels qui lui sont communs avec une multitude d'autres individus, et c'est le degré de cette communauté qui constitue leur degré de similitude; mais elle a nécessairement au moins un accident, par lequel elle se différencie et s'individualise en quelque sorte au milieu de ses semblables: voilà le fondement des classifications naturelles, ou des genres et des espèces, et ce qui fait leur possibilité et leur grande utilité. Or, précisément, une chose est définie lorsqu'elle est ainsi classée parmi ses semblables les plus proches, et différenciée, particularisée au milieu d'eux par un caractère tout individuel et propre à elle seule. Toute chose à définir appartient ainsi à priori une classe, à un genre dans lequel elle se distingue par quelque particularité : on l'a définie dès qu'on a pu lui trouver sa classe et sa particularité dans cette classe.

Les définitions de l'ancienne logique s'arrê tant à la superficie des choses, n'atteignant point ce qu'elles ont de constitutif, n'apprenaient rien: les notions les plus abstraites, les plus sûres, remplissaient les esprits et y tenaient lieu de réalités. Aujourd'hui toute définition, toute classification qui ne formule point les caractères fondamentaux, le type, l'essence,

l'idée, comme dirait Platon, que représente l'individu, le genre, ou la classe etc., n'a aucune valeur scientifique.

Ainsi, pour qu'un objet soit défini, pour qu'on en ait le signalement scientifique, deux données sont requises sa classe, et son caractère propre dans cette classe.

De là ce principe d'Aristote, adopté par tous les logiciens, que la définition par excellence est celle qui se fait par le genre prochain et par la différence. Mais cette définition n'est pas toujours possible, ou bien elle n'est ni facile ni nécessaire : elle suppose que le genre et la différence sont toujours suffisamment connus; or ils le sont souvent moins que le mot à définir; elle est d'ailleurs souvent insuffisante ou inconciliable avec la clarté, Dans ce cas, on procède par description et analyse. Mais alors la définition a l'inconvénient d'être verbeuse, étendue, moins rigoureuse et moins précise. Malgré tout, elle a son avantage, principalement dans les sciences naturelles, psychologiques et morales.

Il résulte de la nature d'une définition 1o qu'elle doit convenir à tout le défini et rien qu'au défini: sinon son but serait manqué, puisque deux définitions pourraient être prises l'une pour l'autre; 2o que les deux termes, c'est-à-dire le sujet et l'attribut, le mot expliqué et l'explication du mot, doivent pouvoir se mettre l'un pour l'autre et être pris de même c'est par là que la définition se distingue d'une simple proposition, dans laquelle les deux termes ne sont point convertibles.

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La définition diffère de la démonstration en ce que la première considère exclusivement l'essence des choses tant possibles que réelles, sans impliquer leur existence, sauf en ce qui regarde Dieu, dont la définition implique nécessairement l'existence; tandis que la seconde néglige la question d'essence ou de nature pour montrer le rapport d'attribut à sujet, n'envisageant ainsi que l'existence des choses et supposant déjà connu ce qu'elles sont en elles-mêmes, par conséquent étant subordonnée et postérieure à leur définition. Si nous possédions la définition exacte de toutes les choses réelles, de tous les ètres, nous n'aurions encore parcouru que la moitié du chemin qui conduit à la vraie science; car il nous manquerait encore de connaître l'origine, les rapports et la fin de toutes ces choses, de tous ces êtres et nous pouvons prendre dans cette considération une juste idée de la grande valeur et tout à la fois de l'insuffisance des définitions.

Nous ne pouvons déterminer la nature des choses qu'avec des mots, dont le sens luimême doit être déterminé préalablement. Ainsi, les définitions de choses ou définitions

réelles ne vont point sans les définitions de mots ou définitions nominales. Celles-ci sont arbitraires : il suffit, en effet, d'avertir qu'on attribue à tel mot tel sens, ou signification, pour être irréprochable : il n'y a point là une nature, des propriétés réelles à constater. Au contraire, les choses veulent être données pour ce qu'elles sont au fond, et non pour ce qu'il nous plairait de les faire; il faut donc que nos définitions les représentent fidèlement et de manière à ne laisser aucune place à l'arbitraire. Je puis appeler cercle un carré, pourvu que j'en prévienne; mais je ne puis attribuer au carré l'essence du cercle, et vice versa, sans bouleverser la connaissance, sans introduire l'erreur, le sophisme ou le mensonge.

Ainsi, il n'y a jamais lieu à contester les définitions de nom : souvent, au contraire, la contestation est nécessaire pour les définitions de choses, à cause de la fausseté qui s'y trouve. Les définitions de nom, étant arbitraires, peuvent s'appliquer aussi bien à des termes qui désignent des êtres imaginaires ou des choses contradictoires qu'à ceux qui désignent des êtres réels. Ainsi, ces définitions ne supposent ni l'existence de leurs objets ni la possibilité de cette existence. Il n'en est pas de même des définitions réelles : ici l'existence est souvent de fait, et toujours elle est possible : ou bien c'est qu'il y a plutôt définition de mot que de chose.

D'après ce qu'on vient de dire des deux sortes de définitions, il est évident qu'elles sont irréductibles l'une dans l'autre, autant que la pensée et le langage le sont entre eux. Il y a une différence fondamentale entre désigner les choses et en montrer la nature. Or, nous l'avons vu, le premier objet est l'office spécial des définitions nominales, et le second celui des définitions réelles. Il est bien vrai que lorsque le nom et la nature de la chose définie nous sont totalement inconnus, la définition de la chose et la détermination du mot sont inséparables, en ce que celui-ci se trouve alors défini ou déterminé en même temps que celle-là, et par la même opération; mais c'est le seul cas où la définition réelle puisse être considérée comme nominale; car dans tous les autres cas il est facile de faire connaître de quelle chose un mot est le signe sans faire connaître quelle est la nature de cette chose, c'est-à-dire de définir le nom sans définir la chose, bien que la chose ne puisse sans doute se passer d'être définie elle-même. mais elle peut l'être, et elle l'est en effet à part; et c'est ce qu'il fallait démontrer.

On comprend alors le rôle, l'utilité et le but des définitions nominales: 1° elles abrègent singulièrement le discours, et soulagent notablement la mémoire, en substituant un mot à une proposition, c'est-à-dire à un grand nom

bre d'autres mots, qu'il faudrait sans elle répéter chaque fois qu'on aurait à parler de la chose; 2o elles préviennent, en chassant l'ambiguïté, les disputes de mots ou les malentendus, qui figurent pour une si grande part parmi les obstacles aux progrès de la science et à l'harmonie des esprits.

Il faut être sobre de définitions. Ce que l'on cherche dans une définition, c'est de substi,tuer la clarté à l'obscurité; partout donc où la clarté se trouve déjà suffisamment, une définition est inutile et même nuisible. On ne doit définir aucune des choses tellement connues par elles-mêmes qu'on n'ait point de termes plus clairs pour les expliquer; mais tout terme un peu obscur ou équivoque doit être défini. Pour être bonne, toute définition, quelle qu'elle soit, doit être non-seulement exacte, mais, 1o claire, et, à cette fin, ne renfermer que des termes bien connus, ou déjà définis euxmêmes; 2o courte et précise, c'est-à-dire réduite au moins de mots possible, car les mots superflus engendrent l'obscurité. On évitera donc les métaphores, qui sont comme des voiles jetés sur la pensée, et qui occasionnent des méprises très-fâcheuses.

Lorsque nous voulons communiquer nos pensées à autrui, si la personne ne parle pas notre langue nous n'avons d'autre expédient que celui que les nourrices emploient pour se faire comprendre aux enfants : c'est de les conduire des choses aux mots, en appelant maintes et maintes fois leur attention sur les choses, et en prononçant chaque fois le mot corrélatif qui en est le signe. S'ils possèdent notre langue, et qu'il s'agisse d'une notion composée, nous recourons au nom du genre et de l'espèce dont fait partie l'objet de cette notion; ou bien nous articulons les noms des différentes idées simples et connues qui la composent. Si nous nous trouvons devant une idée simple, nous reconnaîtrons l'impossibilité de la définir, attendu que le simple se refuse à l'analyse.

De même que nous ne pouvons tout prouver et qu'il est bon qu'il en soit ainsi, de même nous ne pouvons tout définir, et c'est un bien. Lorsque nous définissons un terme, que faisons-nous? Nous ramenons son essence à des essences communes, c'est-à-dire nous définissons un mot ou une chose par d'autres mots et d'autres choses, et celles-ci par d'autres encore, et ainsi de suite jusqu'à ce que nous arrivions infailliblement à des mots primitifs, lesquels expriment des choses auxquelles des attributs essentiels communs avec d'autres choses font défaut, c'est-à-dire qu'étant simples on ne peut plus les définir; à des termes qui définissent directement non plus tel autre mot, mais la chose même dont la notion était indirectement comprise sous tous les mots précédemment

définis; par exemple, l'être ne se définit point, parce que toute définition suppose le verbe étre, et implique ceci : tel mot EST. Donc, pour définir l'étre il faudrait dire c'est, et ainsi employer dans la définition le mot à définir. Mais les idées identiques, que la nature a données à tous les hommes, suppléent ici aux définitions, en se suggérant d'esprits à esprits, à l'aide des synonymes ou des analogues.

A l'inverse, les individus d'un même genre, comme les hommes, ont des attributs tellement semblables, tellement composés, les différences caractéristiques individuelles sont si difficiles à exprimer, que tel homme individuellement finit par échapper à la définition: alors il faut recourir à la description minutieuse, signaler les traits ou la physionomie, l'attitude corporelle, le caractère moral ou intellectuel de la personne, etc. On supplée également à la définition en indiquant l'origine, l'usage ou le but de la chose à définir. Cet expédient est souvent très-utile et très-satisfaisant.

Les classifications de tout ordre offrant de grandes difficultés, impliquant une connaissance parfaite des faits, étant souvent fautives et présupposant des essais répétés avant d'arriver à se consolider, il s'ensuit que les définitions sont sujettes aux mêmes inconvénients, aux mêmes imperfections et aux mêmes erreurs. Des attributs essentiels peuvent être omis; des attributs hétérogènes peuvent être confondus : de là beaucoup de définitions qu'on croit bonnes et qui ne sont que des hypothè

ses. C'est surtout dans la métaphysique que ces définitions se rencontrent; que de défini tions diverses n'a-t-on pas données du temps, de l'espace, de l'âme et de la matière, de la substance, du vrai, du beau et du bien, etc.!

La géométrie seule a le privilége de se donner toujours des définitions claires, rigoureuses et certaines; et il a été facile à Pascal de faire voir la supériorité des sciences mathématiques à cet égard: elles la doivent à l'avantage, que seules elles possèdent, de créer elles-mêmes la chose à définir; à la faculté qui en résulte pour l'intelligence, de mettre ce qu'elle veut dans ses produits, et de savoir exactement et toujours ce qu'elle y a mis. Au contraire, dans toutes les autres sciences, il s'agit de reconnaître et de constater ce que la nature a mis dans les êtres et les choses; de là, les chances inévitables d'erreur ou d'imperfection pour celles-ci, et la certitude de toujours bien définir pour celle-là.

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