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A l'exemple de Socrate, il fut un philosophe pratique, quoique avec des principes tout autres que ceux de son maître; mais sa conduite ne fut pas pour les autres un préservatif efficace contre ses dogmes séducteurs, qui, mal interprétés, devinrent une source de corruption. Si jamais dans une secte une doctrine alla toujours en dégénérant, si jamais les disciples enchérirent sur leurs maîtres, ce fut dans la secte cyrénaïque; quelque licencieuse qu'elle soit devenue, Aristippe n'en paraît pas respon. sable. La conduite ferme de ce philosophe, qui, comme dit Horace, savait s'asservir les choses et non s'asservir aux choses, dépose contre la mollesse apparente de ses principes.

La base de la philosophie du cyrénaïsme était : Les sensations seules contiennent la vérité pour l'homme, et c'est l'unique chose dont il ait réellement la conscience. Elles sont agréables, désagréables ou indifférentes ; et comme elles sont la source de toutes les connaissances, elles seules peuvent servir à déterminer ce qui est un bien, un mal, ou nne chose indifférente. Les sensations indifférentes n'ont pas la moindre importance. L'état dans lequel on en éprouve d'agréables est seul un bien à désirer, comme l'état où l'on éprouve des sensations désagréables est un mal qu'on doit éviter. De là ce principe d'Aristippe : Cherche le plaisir comme le vrai bien, et fuis la douleur comme le vrai mal. Mais quant à l'importance des choses dont l'homme s'occupe, tout dépend de la sensation actuelle qu'elles font éprouver. Un plaisir passé laisse de trop faibles traces dans la mémoire pour intéresser beaucoup; il en est de même des avant-coureurs du plaisir une peine passée est indifférente; il y a de la folie à se tourmenter d'un mal à venir. L'homme ne doit donc s'occuper que du plaisir et du mal actuels, et la morale consiste dans l'habileté avec laquelle nous saisissons le rapport qui existe entre les choses et notre état présent. Le vrai sage désire donc les plaisirs de toute espèce, et emploie tous les moyens pour se les procurer; mais il ne doit pas s'interdire ceux dont la douleur, soit du corps, soit de l'âme, est la compagne ou la suite inévitable, ou refuser de supporter une douleur quand elle peut être la source d'un plai

sir. Toutefois, d'après sa nature, l'homme n'est pas susceptible de goûter un plaisir parfait; mais le sage peut s'en procurer davantage, parce qu'il sait mieux apprécier l'importance des biens, qu'il règle mieux ses actions d'après cette connaissance, qu'il est moins esclave de l'imagination, de la crainte de l'avenir et de l'influence des passions.

Selon Aristippe, les actions n'ont par ellesmêmes aucune importance morale. Comme celle qu'on leur attribue dans le commerce de la vie n'est que conventionnelle, il prescrivait des pratiques à suivre pour s'y conformer et éviter la honte des punitions. Il enseignait donc les lois de l'Etat concernant les actions justes et injustes, quoiqu'il n'admit rien de semblable dans la nature.

Les plus remarquables des successeurs d'Aristippe sont Hégésias, Annicéris, Théodore, surnommé l'Athée.

Ce dernier se signala par la hardiesse de sa doctrine, détruisant tous les sentiments de la nature ainsi que toutes les vertus, et professant l'égoïsme pratique dans toute son étendue. Il regardait l'utile ou le nuisible des actions humaines comme les seuls moyens que nous ayons de juger si elles sont bonnes ou mauvaises. Le sage, selon lui, ne tient point à sa patrie et ne reconnaît aucune loi: le monde est sa patrie; il est son propre législateur. Les actions nuisibles à l'homme sont, d'après leur nature, dénuées de sagesse et de raison; mais aucune n'est honteuse, ni même injuste, et l'opinion qu'on y attache n'est que l'effet des préjugés du vulgaire ignorant. Aussi l'adultère, le vol, sont-ils permis au sage. Le plus grand de tous les fous est celui qui sacrifie ses jours pour ses semblables ou pour la patrie. La vertu n'était pour Théodore qu'un mot vide de sens. Il osa même nier l'existence de la Divinité. Son impiété le fit bannir par les Athéniens.

Hégésias, qui ne voyait que mal dans le monde, regardait les plaisirs des sens comme le comble du bonheur, et l'égoïsme était la base de sa morale. Il poussa le principe de la doctrine cyrénaïque jusqu'à l'absurde, et fut conduit à un résultat contraire à celui qu'Aristippe en avait tiré de ce que la volupté est le souverain bien, il en conclut que l'homme ne peut parvenir au vrai bonheur, parce que son corps est exposé à un trop grand nombre de maux que l'âme partage; d'où il s'ensuit que la mort est préférable à la vie. Il soutint le suicide avec tant de chaleur, et avec des arguments si captieux, concernant les misères humaines, que plusieurs de ses auditeurs, voulant mettre un terme à leurs maux, se donnèrent la mort.

Annicéris, épurant la doctrine d'Aristippe, donna la préférence aux plaisirs de l'âme sur

ceux du corps. Il n'admit point le principe d'Hégésias touchant l'intérêt personnel. Il reconnaissait dans l'homme un penchant qui porte à aimer, à être bienfaisant, et qui procure un plaisir réel et pur. Il regardait l'amour des parents et celui de la patrie comme des vertus nécessaires au maintien de la société, et leur pratique comme un moyen de procurer le bonheur malgré les misères de la vie.

Avec Hégésias et Annicéris la secte cyrénaïque perdit son nom : toutefois, ses principes et sa manière de philosopher survécurent encore quelque temps; mais ils ne tardèrent pas à se confondre avec la doctrine d'Épicure : il n'y a, en effet, qu'une faible nuance entre les deux systèmes.

Mentzii Aristippus philosophus socraticus, sou de ejus vita, moribus et dogmatibus Commentarius; Halle, 1719, in-4°.

Wieland, Aristippe; Leipzig,' 1800, in-8°. Kunhards, De Aristippi philosophia morali; Helmist., 1796, in-4°.

MILLON.

CYSTICERQUE. (Histoire naturelle. ) Groupe de vers intestinaux ayant pour caractères : une partie céphalique distincte pourvue latéralement de quatre ventouses arrondies, entourant une trompe fort courte et surmontée de deux couronnes de crochets fort aigus; un corps très-court, ridé par une partie qu'on appelle le cou, et terminé en arrière par une dilatation vésiculaire beaucoup plus large que lui et remplie d'un liquide d'apparence séreuse.

Ces bélianithes, qui sont assez voisins des hydatides (Voy. ce mot), se trouvent dans l'homme et dans un assez grand nombre d'espèces de mammifères: on les rencontre dans le cerveau, dans le tissu cellulaire, le poumon, les muscles, etc. Nous citerons comme espèce type les cysticercus pisciformis, longicollis, cellulosa, etc.

:

E. DESMAREST.

CYTISE. (Arboriculture.) Genre de plantes appartenant à la famille des légumineuses ou papilionacées, et dont voici les principaux caractères calice court et campanulé, ou long et cylindrique, à deux lèvres, la supérieure bidentée, l'inférieure tridentée; corolle à étendard ovale, réfléchie, dépassant les autres pétales, à ailes simples et conniventes de manière à cacher les étamines, qui sont constamment monadelphes. Style ascendant; stigmate oblique sur la face externe du style. Légume comprimé uniloculaire, polysperme; feuilles trifoliolées, plus ou moins longuement pétiolées et accompagnées de stipules très-petites, lancéolées ou trapézoïdes. Il renferme une quarantaine d'espèces connues et la plupart cultivées sous le climat de Paris comme arbris. seaux ou arbustes d'ornements; elles se multi

plient de semence et de drageons. Quelquesunes reprennent de boutures et de marcottes, et certaines variétés se propagent par la greffe sur les espèces les plus communes. Leurs fleurs, ordinairement jaunes, rarement rouges, sont ou disposées en grappes, ou réunies en têtes à l'extrémité des rameaux, ce qui permet de faire deux divisions principales : les cytises à fleurs en grappes, et les cytises à fleurs en

têtes.

Les plus importants des cytises à fleurs en grappes sont le cytise aubours ou faux ébénier, cytisus laburnum Linné, et quelques-unes de ses variétés; le cytise des Alpes, cytisus alpinus, et le cytise à folioles sessiles, cytisus sessilifolius Linné.

Le premier se reconnaît à ses folioles ovales, oblongues, légèrement mucronnées et d'un vert foncé en dessus; au duvet court, soyeux et argenté qui revêt les jeunes rameaux, les pétioles, le dessous des folioles et des stipules, et les gousses; à son calice court et campanulé, et à ses longues grappes de fleurs jaunes. Originaire des montagnes du midi de l'Europe, il est assez sensible au froid, et il est parfois attaqué par la gelée dans les hivers rigoureux. Il croît rapidement pendant les huit à dix premières années; mais ensuite sa végétation se ralentit, et il ne dépasse guère cinq à six mètres de hauteur sur seize à vingt centimètres de diamètre; il présente quelques variétés remarquables, parmi lesquelles nous citerons : le cytise aubours à feuilles sessiles, cytisus laburnum sessilifolium, qui se distingue de l'espèce par ses feuilles subsessiles et accompagnées de deux feuilles latérales qui n'ont ordinairement qu'une ou deux folioles chacune; le cytise d'Adam, cytisus laburnum Adami, qui se reconnaît à ses folioles moins larges, à son duvet soyeux, beaucoup moins abondant, et surtout à ses longues grappes de fleurs d'un beau rose chamois; enfin le cytise aubours à feuilles découpées, cytisus laburnum incisum, variété fort curieuse, dont les folioles, presque toujours au nombre de cinq sur chaque pétiole, sont constamment sinuées ou échancrées comme les feuilles de chêne.

Le cytise des Alpes diffère du cytise aubours par son écorce d'un vert plus jaune, ses feuilles plus larges et plus longues, et ses pétioles relativement plus courts; par l'absence complète de tout duvet soyeux, et la présence de quelques poils sur la nervure médiane et autour du limbe des folioles, et enfin par ses gousses glabres et dont le dos est muni d'un rebord particulier : il croit spontanément sur les montagnes du Dauphiné, de la Savoie de la Hongrie, etc. Il est plus rustique que le cytise aubours, et il ne craint pas comme lui les gelées des hivers les plus rudes; il croft aussi plus rapidement, et peut acquérir des

dimensions plus considérables, au moins dix mètres de hauteur sur trente-cinq centimètres de diamètre.

Ces deux cytises s'accommodent des terrains les plus maigres, quelle que soit leur nature nous les avons vus prospérer sur des terres calcaires, arides et rocailleuses, et M. Mauny de Mornay les a vus croître à merveille dans des sols d'argile ocracée, où tous les autres arbres souffraient; cependant les lieux marécageux ne leur conviennent point, et sur la craie pure ils ne produisent guère que des buissons que l'on peut couper fréquemment pour la nourriture des bestiaux ou faire pâturer sur place. Leur bois dur, souple, élastique, d'un grain fin, d'un vert plus ou moins foncé, presque noir au cœur, suscepti ble d'un beau poli et d'un assez beau veiné, est recherché des ébénistes et des tourneurs, et, exploités en taillis à courtes révolutions, ils peuvent suppléer au châtaignier pour faire des cercles, des échalas et du treillage. Leur feuille est d'abord rejetée par nos animaux domestiques, excepté pourtant la chèvre et le mouton; mais, en la mélangeant avec d'autres fourrages, on les y habitue bientôt, et ils finissent même par l'aimer beaucoup. Comme ils produisent de la graine en abondance et qu'ils se multiplient très-facilement par la voie du semis sur place, on peut en former des espèces de prairies aériennes que l'on coupe tous les ans, qui durent longtemps, et qui peuvent braver la sécheresse dans les sols les plus ari. des l'on se procurera ainsi, à peu de frais et dans les situations les plus difficiles, quelques ressources fourragères, principe de toute augmentation de fertilité.

Nos deux cytises ont encore un autre genre d'utilité leur feuillage épais, d'un vert foncé, sur lequel se détachent agréablement de longues et nombreuses grappes de fleurs, qui durent longtemps, les rend très propres à la décoration des jardins d'agrément; ils produisent un bel effet au troisième rang des massifs ou en petits bouquets au milieu des gazons; on ne les soumet, du reste, à aucune espèce de taille; leur principale beauté se tire de leurs branches pendantes.

Le cytise à folioles sessiles n'est autre chose que le trifolium des jardiniers. C'est un arbuste de un mètre cinquante à deux mètres de haut, formant touffe, et remarquable par son joli feuillage et ses nombreuses petites grappes de fleurs d'un très-beau jaune, qui le couvrent complétement dans le courant de juin. On le tond lorsqu'elles sont passées : il souffre parfaitement le ciseau, et on peut lui donner diverses formes; il aime les terres légères, et il se multiplie de semence, de boutures et de

marcottes.

Les cytises à fleurs en têtes sont des arbustes qui forment naturellement de petites touffes ou buissons, et qui n'ont quelque importance que pour l'ornement des jardins. Nous nous contenterons de citer ici le cytise capité, cytisus capitatus, qui se distingue par son calice ventru, ses rameaux, ses feuilles, ses gousses velues, et ses fleurs d'une couleur jaune aurore; le cytise velu, cytisus hirsutus, plus velu que le précédent, prenant un accroissement un peu plus considérable, et portant un plus grand nombre de fleurs réunies en têtes; enfin le cytise étalé, cytisus divaricatus, que l'on reconnaît à son faible développement, à ses tiges étalées, presque couchées, à ses folioles ovales, lancéolées, à ses gousses couvertes d'un duvet soyeux, long et tassé.

Parmi les nombreuses espèces de cytises connues, il n'en est aucune qui, comme plante fourragère, ait le mérite d'une plante de ce nom, si vantée autrefois par Columelle, Virgile, etc.; mais M. Amoureux a démontré que le véritable cytise des anciens est la luzerne arborescente, medicago arborescens, originaire du midi de l'Europe, dont tous les animaux sont en effet très-friands, et qu'il est bien désirable de voir propager dans le midi de la France.

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ENCYCL. MOD.

T. XI,

19

D. (Grammaire, etc.) Ee caractère, auquel nous conserverons le nom usuel de dé, est la quatrième lettre et la troisième consonne de notre alphabet. C'est également à la quatrième place que l'on trouve la lettre qui lui correspond dans les alphabets hébreu, samaritain, syriaque, ainsi que dans ceux de toutes les langues gréco-latines et germaniques. Il n'occupe que la cinquième dans l'alphabet des langues slaves et la dix-neuvième dans le syllabaire éthiopien. Dans la classification méthodique des lettres, les grammairiens donnent à celle-ci différentes places. Quelques-uns la comptent parmi les linguales; l'abbé de Dangeau, dans son Discours sur les consonnes, et l'Anglais John Wallis, dans sa Grammatica linguæ anglicanæ, la placent parmi les palatales; le président de Brosses, dans son Traité de la formation mécanique des langues, et le baron de Kempelen, dans son Mécanisme de la parole, la nomment lettre dentale. Ce dernier, toutefois, est forcé de reconnaître que les dents ne jouent réellement ici qu'un rôle secondaire. La disposition des organes pour préparer cette articulation est en effet celle-ci : l'extrémité de la langue s'ap. plique, en arrière des dents incisives supérieures, contre la gencive dans laquelle elles sont implantées; ses côtés adhèrent non moins exactement, mais plus bas, contre le reste des dents et des gencives supérieures, de manière à présenter de toutes parts un obstacle à la sortie du souffle. Le son particulier à cette lettre est celui que produit ce même souffle quand, au moment où cesse la résistance que lui opposait la langue disposée ainsi que nous venons de le dire, il fait explosion au dehors, après avoir fait raisonner le larynx à son passage à travers la glotte. Cette dernière partie du phénomène est celle qui distingue le d du t, pour lequel elle n'existe pas.

Quelques auteurs se sont imaginé voir, dans l'espèce de demi-cercle fermé dont se compose la figure du D majuscule, la représentation de la langue étendue et disposée comme elle doit l'être pour faire entendre cette lettre. Ils semblent avoir oublié que notre D, qui n'est que celui des Latins, a emprunté,

avec quelque altération seulement, sa forme de celle du delta des Grecs, lequel, à son tour, paraît, ainsi que le montre le jésuite Souciet dans une Dissertation sur les médailles samaritaines, avoir reproduit le type commun du daleth samaritain, hébreu ou phénicien. Sous cette dernière forme, d'autres auteurs ont voulu retrouver le dessin d'une porte ou d'un couvercle, justifiés en cela par l'étymologie du nom de la lettre sémitique. Court de Gebelin, dans son Histoire naturelle de la parole, donne au delta primitif la figure d'un triangle avec une porte dans le milieu, ce qui signifie, selon lui, « l'entrée d'une tente, le dehors de la maison. » Le fait est que la figure qu'il décrit se retrouve dans les hiéroglyphes égyptiens, et que Champollion lui a attribué, sinon la valeur du D, du moins celle de la muette correspondante, le T. L'heureux investigateur des secrets de l'archéologie égyptienne a reconnu comme représentant la lettre qui nous occupe la figure d'un segment de sphère, celle d'une main ouverte et celle d'un scara. bée; il est vrai qu'il a mis également ces figures parmi celles auxquelles il a attribué la valeur du T. Peut-être est-ce ici le lieu de faire remarquer que c'est cette dernière lettre qui remplace presque toujours sur les monuments le D des Étrusques.

Le delta (A) fut une des seize lettres qui com. posèrent l'alphabet primitif des Grecs, et dont Tacite attribuait l'invention à Palamède. Le triangle que forme cette lettre est dans les anciennes inscriptions plus ou moins régulier, selon l'âge des monuments. On a recueilli des inscriptions doriques, ioniennes et attiques, sur lesquelles sa forme est même presque, celle de notre D.

Les Arabes ont quatre lettres qui reproduisent autant de fois, mais avec des nuances d'aspiration et d'emphase, le D latin: ce sont dal, dzal, dhal et dha. La première de ces lettres, qui n'occupe que le huitième rang dans l'ordre suivi actuellement dans le classement de l'alphabet arabe, y occupait primitivement, comme dans les autres alphabets sémitiques, le quatrième, ainsi que l'indique suffisamment du reste la valeur numérique

qu'elle a conservée. On retrouve aussi cette valeur dans l'articulation composée qui occupait le rang précédent, le djim.

Dans l'alphabet dêvanâgari ou sanscrit le D répond également à quatre lettres différentes, dont deux (l'une tenue, l'autre aspirée), dans la classe des linguales ou cérébrales, et deux dans celle des dentales. Il se combine en outre avec le J dans deux lettres de la classe des palatales. La figure qu'il affecte dans l'al· phabet persan-sassanide, et que l'on a comparée à celle du chiffre 3, semblerait être l'imitation d'une des formes du D sanscrit.

Cette lettre ne paraît pas avoir eu d'équivalent spécial dans l'écriture runique des anciens Scandinaves, où elle s'est probablement confondue avec le T. Elle manque à certains peuples du Nord, comme les Finnois et les Lapons, qui ont peine à distinguer les douces des fortes, ou, pour mieux dire, les sonnantes des muettes; mais elle domine, au contraire, dans d'autres langues telles que celles des indigènes du plateau de Mexico et le quichua de l'Amérique méridionale. C'est la seule lettre de l'ordre des sonnantes qui existe chez les Hurons. En Europe, nous avons des populations, une partie des Allemands par exemple, qui substituent constamment à l'articulation du d celle du t.

Quintilien (liv. Ier, ch. IV) reconnaissait l'affinité qui existe entre ces deux lettres. On trouvait en effet autrefois en latin Alexanter pour Alexander, et quodannis pour quotannis. Par un échange analogue, les Français prononcent le d final des mots comme t, quand le mot suivant commence par une voyelle; ailleurs, ils ne le prononcent pas du tout. Quelquefois ils ont introduit le dà titre de lettre euphonique dans des dérivés du latin, comme dans gendre, qui est formé de gener; ils l'ont supprimé dans d'autres mots comme dans avocat, aversion, qui s'écrivaient autrefois, conformément à leur étymologie, advocat, adversion.

Employant le D pour transcrire l'aspirée grecque théta, les Latins ont fait de 0ɛóc Deus; échangeant la muette contre la sonnante, les Italiens et les Espagnols ont fait de pater et de mater padre et madre; d'après un chan. gement inverse, nous faisons du latin viridis l'adjectif vert, verte,

Comme abréviation, la lettre D dans les inscriptions latines indique tantôt un prénom comme Decius, tantôt une qualification comme dominus, divus, etc. Deux DD sur les médailles se traduisent par decurionum de creto, et sur les monuments votifs par dono dedit; trois DDD par dat, donat, dedicat.

Le delta des Grecs ent comme lettre numérale deux valeurs différentes : il signifia d'abord quatre, en raison de la place qu'il

occupait dans l'alphabet, ensuite une dizaine parce qu'il était l'initiale de déca (déxa), dix. Dans les chiffres que nous appelons romains le D vaut cinq cents; mais ce n'est que vers l'an 1500 de notre ère que cette valeur lui a été donnée. Les Romains avaient exprimé mille par cette figure CIO; dans les premiers temps de l'imprimerie on imagina d'exprimer cinq cents par une autre figure qui pût être considérée comme représentant la moitié de la première. Ce fut d'abord un I suivi d'un tourné, lettres dont le rapprochement donna un diagramme de la forme d'un D majuscule. Dans le calendrier chrétien le D est la lettre dominicale des années dont le premier dimanche tombe le 4 janvier.

re

Dans le système de notation musicale en usage chez les Allemands et les Anglais le D représente la quatrième note de l'ancienne échelle diatonique ou la seconde de la gamme de Guido d'Arezzo, le ré. LÉON VAÏSSE.

DACIE. (Géographie et Histoire.) Cette contrée, située au sud-est de la Sarmatie d'Europe, était bornée au sud par le Danube, à l'est par le Pont-Euxin, au nord-est par les Alpes Bastarnica (les monts Krapacks), au nord-ouest par le Tyras ou Danaster (le Dniester). Outre les deux fleuves que nous venons de nommer, elle était encore arrosée par le Tibiscus (la Theiss), l'Aluta, l'Ordessus, l'Ararus, le Porata ou Pretus, que Ptolémée appelle encore Hierassus (le Pruth). Au centre du pays s'élevait le mont Comajon, regardé comme sacré par les Gètes. Les principales villes étaient Zarmigethusa, Napoca, Prætoria Augusta, Apulum, Tibiscus, Lederata, etc.

La Dacie était habitée par un peuple belliqueux et avide de pillage. Le nom de ces rudes guerriers apparaît pour la première fois dans l'histoire vers l'an 508 avant J. C., et tout d'abord il y est glorifié par une victoire. Darius essaya en vain de les soumettre, et son armée faillit rester tout entière dans cette contrée rebelle à la servitude. Plus tard, Lysimaque, qui à la mort d'Alexandre avait eu la Thrace en partage, renouvela la tentative de Darius, et n'obtint pas un meilleur succès: il fut fait prisonnier par les Gètes, que commandait alors Domicaïtes.

Au temps de César et d'Auguste les Daces et les Gètes, devenus limitrophes de l'empire agrandi, commencèrent à guerroyer contre les Romains. Contenus d'abord et repoussés, ils devinrent néanmoins plus hardis sous les empereurs suivants. Pendant le règne de Do. mitien, Décébal, roi des Daces, entra dans la Mosie, et défit Oppius Sabinus. Domitien marcha contre lui, fut vaincu, et rentra en triomphe dans Rome, Enfin, Trajan résolut de venger le nom romain. Il vainquit Décébal,

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