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les et dans les arts mécaniques, qu'il s'est formé à Philadelphie une classe d'artisans uniquement occupés à le travailler; ses jeunes ramifications, dépouillées de leur écorce, donnent un charbon fort estimé pour la fabrication de la poudre.

Cet arbre aime les lieux humides, et ne végète parfaitement que lorsqu'il a le pied complétement dans l'eau; il couvre presque seul, au Canada et dans les États de New-Jersey, de Maryland, de Virginie, de Delaware, de Pensylvanie, etc., des marécages très-étendus, la plupart situés dans le voisinage des marais salants et sujets à être envahis, dans les hautes marées, par les eaux de la mer. Cette singulière propriété, jointe à celle de réussir en France et de résister aux hivers rigoureux du climat de Paris, et les qualités remarquables | de son bois, le recommandent à l'attention et aux soins des cultivateurs français. Nous possédons encore une étendue considérable de terrains tourbeux et marécageux, insalubres et improductifs, qu'il pourrait utiliser sans nécessiter de très-grandes avances. Il se multiplie facilement de semences et de boutures, et presque partout il pourrait s'élever aisément, sur une terre de bruyère exposée au nord et ombragée, jusqu'à l'âge de cinq à six ans, époque de la transplantation à demeure.

III. Au genre Cyprès on rapporte encore le cyprès à branches pendantes ou cèdre de Bousaco, originaire de l'Inde, et naturalisé au Portugal, croissant rapidement sur les terrains granitiques, bravant les ardeurs du soleil, mais redoutant beaucoup la gelée; le cupressus torulosa du Népaul; le cupressus thurifera du Mexique, et enfin le cupressus juniperoïdes du cap de Bonne-Espérance.

Le genre Schubertia, différant essentiellement du genre Cyprès par ses cônes arrondis et fermés, s'ouvrant par des écailles ligneuses, orbiculées et anguleuses, sous chacune desquelles on ne trouve qu'une ou deux graines d'une forme très-irrégulière, renferme deux espèces cultivées dans les parcs et les jardins d'agrément. Le cyprès chauve ou schubertia distique, schubertia disticha Mirbel, et le schubertia nucifera du Japon la première seule a de l'importance pour la grande culture.

Comme le cyprès faux thuya, le cyprès chauve croft spontanément dans les terrains marécageux et inondés de divers États de l'Amérique du Nord, où il est en possession des lieux les plus bas, végétant dans l'eau depuis trente centimètres à deux mètres de profondeur; il s'étend également davantage vers le sud, et il formait autrefois des forêts immeuses dans la Louisiane, sur les bords du Mississipi; il a bien réussi en France partout où l'on a eu le soin de le placer dans un sol tourbeux ou sableux continuellement couvert

d'eau ou du moins toujours très-humide; il supporte, du reste, les froids les plus rigoureux du climat de Paris: les gelées précoces ou tardives font seules quelquefois périr l'extrémité de ses jeunes ramifications; ses racines sont les unes pivotantes et les autres traçantes : ces dernières émettent de divers points des exos. toses coniques et creuses, qui s'élèvent souvent à plus d'un mètre au-dessus de la surface de la terre, et dont les Américains font des ruches ou des ustensiles de ménage; sa tige droite, bien filée et peu garnie de branches, peut acquérir une hauteur de trente-cinq à quarante mètres sur un mètre et demi à trois mètres de diamètre. Vers deux mètres au-dessus du sol, la partie inférieure représente un tronc de cône dont la grande base a un diamètre double ou triple du précédent ; on en fait des canots d'une seule pièce, de huit à neuf mètres de long et d'un mètre soixante-dix centimètres de large, qui peuvent porter jusqu'à quatre milliers. Son bois est doux, tendre, uni, d'un grain fin, d'une belle couleur tirant sur le rouge, d'une odeur forte, qui, dit-on, chasse les vers et les mites; il est facile à fendre et à travailler, peu exposé à se déjeter, d'une longue durée, soit à l'air, soit en terre ou dans l'eau, et par conséquent d'un emploi très-avantageux dans les constructions civiles et navales, dans la menuiserie et dans l'ébénisterie, etc. Ses fleurs paraissent en mars ou avril, et la récolte des graines a lieu en antomne. Son fruit a quelque analogie de forme, de couleur et de saveur avec la noix muscade, et laisse transsuder une substance résineuse très-odorante; ses feuilles subulées, d'un vert tendre, sortant de tous les côtés opposés de petits rameaux, tombent tous les ans, après avoir pris une teinte rougeâtre; son port est élégant et gracieux, et il produit un bel effet sur les bords des pièces d'eau et des rivières.

Le cyprès chauve, comme le faux thuya, peut rendre de grands services, principalement dans le midi de la France et le nord de l'Afrique, pour mettre en valeur les terrains tourbeux et marécageux et fixer les rives des fleuves et des rivières ; il se multiplie d'ailleurs très facilement de semence, de marcottes ou de boutures. La graine doit être semée au printemps sur une terre de bruyère exposée au nord et maintenue fraîche par de fréquents et abondants arrosages; et le plant, élevé en pépinière sur une terre analogue, garanti soigneusement du froid pendant l'hiver au moyen d'une couche de feuilles, est bon à transplanter à demeure dès l'âge de sept à huit ans. Les boutures se font à la fin de l'automne sur une terre de bruyère ombragée et aussi humide que possible on les traite ensuite comme le plan de semence.

Il existe une variété de cette espèce connue sous le nom de cyprès chauve noir, qui

demande un sol moins humide, dont le bois est plus solide et plus résineux, et que M. Michaux a surtout recommandée pour faire des tuyaux de conduites souterraines. Introduite d'abord au jardin de Fromont, elle commence à se propager en France, et mérite toute l'attention des cultivateurs.

Varenne de Fenille, Mémoires sur l'administration forestière, Paris, 1807, 2 vol in-8°.

Michaux, Histoire des arbres forestiers de l'Amérique septentrionale, Paris, 1810, 3 vol. in-8°.

Dictionnaire d'agriculture, éd. Déterville, art. CYPRÈS.

Maury de Mornay, Le livre du forestier; Paris, 1838, in-12.

J. AUREILLE.

CYPRIN. (Histoire naturelle.) Cyprinus. Ce nom désigne, dans les ouvrages des ichthyologistes modernes, un genre de poisson, type d'une famille des cyprins assez nombreuse, et composée d'espèces dont le plus grand nombre se ressemble au point qu'il est fort difficile de les distinguer les unes des autres, et encore plus difficile de les répartir dans des genres suffisamment tranchés. Aussi leur his toire est fort obscure, encore que les cyprins, habitant toutes nos eaux douces, y soient en profusion, et que l'homme se nourrisse habituellement de leur chair Leur forme est celle que l'on regarde généralement comme la plus propre aux poissons; leurs écailles sont généralement larges, et, sans être variées de teintes fort riches, ne sont pas toujours sans éclat; la bouche est petite et dépourvue de dents; aussi les cyprins, herbivores et sans moyens de défense, deviennent-ils fréquemment la proie des brochets et même des anguilles. Il n'y existe naturellement qu'une nageoire dorsale, et une à la queue; mais dans quelques individus dégradés ou embellis par la domesticité, ces nageoires se multiplient et deviennent doubles ou même triples; effet étrange du pouvoir de l'homme, qui s'étend sur les cyprins, jusqu'au point d'altérer en eux ces ca. ractères génériques, regardés par certains auteurs comme des distinctions infaillibles.

Cuvier, restaurateur de l'ichthyologie, a, pour débrouiller le chaos qu'y formaient les espèces nombreuses de cyprins, divisé le genre en sections qui en facilitent l'étude; ce sont:

Les CARPES, qui ont des barbillons seulement aux angles de la mâchoire supérieure. Tout le monde connaît le poisson qui sert de type à ce sous-genre; les naturalistes le nomment Cyprinus carpio; il parvient à une grande vieillesse, peut demeurer assez longtemps hors de l'eau et se transporte à d'assez considérables distances sans mourir ; il acquiert ordinairement d'un à deux pieds de longueur; mais l'on assure en avoir pêché qui atteignaient à quatre; on le trouve dans les fleuves et les lacs de l'Europe tempérée, et même jusqu'en

Perse; on n'en voyait cependant pas en Angleterre, où on l'introduisit vers 1514, non plus qu'en Danemark, où il n'en existe que depuis 1560. On regarde comme une variété de cette espèce un autre poisson d'eau douce, remarquable par la grandeur excessive de ses écailles, et qu'on appelle vulgairement reine des carpes. Voyez l'article CARPE.

Le poisson rouge, ou dorade de la Chine, cyprinus auratus Linné, qu'on élève si communément dans les bassins de nos jardins, et jusque dans nos appartements, est aussi regardé comme une véritable carpe, encore qu'on n'y voie pas de barbillons. Cet élégant animal passa de l'Asie orientale dans le reste du monde, peu après l'époque où les Hollandais eurent étendu leurs relations au delà du cap de Bonne-Espérance. Ces spéculateurs en apportèrent les premiers quelques individus en Europe, où ils les vendirent fort cher. Ces poissons dépaysés ont tellement multiplié, qu'on peut les regarder comme naturalisés dans nos climats, où ils résistent au froid le plus rigoureux, pourvu qu'ils aient assez d'eau pour s'y tenir au-dessous de la croûte de glace. On n'a cependant pu en peupler nos grands étangs ni les marais, parce que, trop apparents et dénués de tous moyens de défense, ils deviennent bientôt la proie des moindres carnassiers aquatiques.

Les BARBEAUX sont un peu plus allongés que les carpes; ils ont, comme elles, deux barbillons aux coins de la bouche, mais ils en portent en outre deux à l'extrémité du mu. seau. L'espèce ordinaire, cyprinus barbus, est commune dans les poissonneries de l'intérieur de la France. On en trouve trois ou quatre autres espèces dans la Caspienne, sans doute vers l'embouchure des grands fleuves, où l'eau est le moins salée. Le Nil a le sien appelé Benni ou Binny, et dont la chair est fort estimée.

Les GOUJONS sont les plus petits des cyprins, et les fritures qu'on en fait les rendent non moins remarquables que l'exiguïté de leur taille. Le cyprinus gobio est l'espèce la plus commune dans nos moindres ruisseaux, où elle atteint cependant jusqu'à huit pouces de longueur, et se distingue par les petites taches noires dont ses nageoires sont diaprées. Les ables, dont il a été question dans le premier volume de cette Encyclopédie, seraient à peine distincts des goujons, s'ils n'étaient dénués de barbillons aux mâchoires.

Les TANCHES n'ont que deux barbillons; leur dos est plus bombé que chez les autres cyprins, et leurs écailles sont très-petites, avec de beaux reflets dorés, quelle que soit l'obscurité de leur teinte générale. L'espèce la plus connue, cyprinus tinca, a été, dit-on, retrouvée dans les étangs de tout le globe; se

lon qu'elle habite des eaux vaseuses et, sur des fonds bourbeux, ou des eaux pures sur des fonds de sable, sa chair est mauvaise ou véritablement exquise. Elle a la vie extrêmement dure; on la voit souvent bravant les plus grands froids, se jouer aux limites de la glace, quand elle s'épaissit sur les lacs et les ruisseaux; aussi on l'y rencontre parfois emprisonnée. Il en existe une variété dans certaines eaux de la Silésie, qui ne le cède pas en beauté à la dorade de la Chine, et que M. de Lacepède appelait Tanchor.

Les BRÈMES n'ont pas plus que les ables de barbillons dans le voisinage de la bouche; aussi sont-elles à peine des carpes, et les en peut-on séparer sous le nom scientifique d'Abramis. L'espèce la plus commune, cyprinus brama, est, ainsi que la Bordelière, cyprinus blica, commune dans les rivières, et même dans les ruisseaux dont les eaux sont lentes et pures. La Sope, cyprinus ballerus, habite indifféremment les fleuves et l'embou. chure de ceux qui tombent dans la mer Caspienne. La Serte, cyprinus vimba, se trouve dans les lacs de la Suède et de la Prusse ducale.

Les Cirrhines, les Labéons et les Gonorhynques sont d'autres genres de cyprins dont la connaissance ne peut intéresser que les na. turalistes qui s'adonnent exclusivement à l'ichthyologie.

BORY DE SAINT-VINCENT.

CYPRIS. (Histoire naturelle.) Petit groupe de crustacés, créé par Muller aux dépens des monodes (Voyez ce mot), et ne com. prenant qu'un petit nombre d'espèces qui se trouvent en Europe et en Afrique. Ces animaux sont presque microscopiques; leur carapace est formée de deux valves oblongues, de consistance cornée, mobiles et réunies sur leur bord dorsal par une articulation ligamenteuse; le corps proprement dit n'occupe que les deux tiers de l'intérieur de ces valves, et ne présente aucune trace de segmentation, même à l'abdomen.

Les cypris habitent les eaux tranquilles, et se nourrissent en général de substances animales mortes, mais non putréfiées, et ils mangent également des conferves. Ils déposent leurs œufs sur des corps solides, et ils en font des amas quelquefois très-considérables : au bout de quelques jours, ces œufs éclosent, et les petits qui en sortent n'éprouvent pas de métamorphoses comme cela a lieu chez quelques crustacés. On s'est parfois étonné de voir que 'des mares qui étaient desséchées, se trouvaient peuplées de cypris lorsqu'une forte pluie était venue de nouveau les remplir ce fait s'explique facilement lorsqu'on sait la faculté qu'ont ces animaux de pouvoir se renfermer profondément dans la vase et d'y rester vivants jusqu'au retour des pluies.

L'espèce type, qui se trouve assez communément dans les environs de Paris, est la CYPRIS BRUNE, Cypris fusca, que nous avons fait représenter dans notre Atlas, HISTOIRE NATURELLE, pl. XXV, figure 8.

Un crustacé fossile a été placé dans ce groupe par A.-G. Desmarest et désigné sous le nom de Cypris faba : ce fossile se trouve dans la montagne de Gergovia, dans le département du Puy-de-Dôme, etc.

Milne Edwards, Histoire naturelle des crustacés, dans les Suites à Buffon de Roret, t. III.

E. DESMAREST.

CYRÉNAIQUE. (Géographie et Histoire.) Les anciens désignaient par ce nom le pays de Barcah, qui est situé sur la côte de l'Afrique, entre la Barbarie et l'Égypte. C'est une région naturelle que circonscrivent au nord la Méditerranée, au sud le grand désert de Libye; que borne à l'ouest le golfe de la Grande-Syrte, et qui se termine à l'est au golfe de Bomba; le territoire de la Cyrénaïque, de ce côté, s'étend jusqu'au cap Luco (Catabathmus). Elle est comprise entre 30° et 35° de latitude nord, et entre 17° et 25° de longitude est. Sa longueur, de l'est à l'ouest, peut être évaluée à 200 lieues, et sa largeur à 80.

Ce pays s'élève, du côté de la Méditerranée, depuis Derné jusqu'à l'ancien cap Physcus, par une suite de terrasses ou de montées escarpées qui alternent avec des pays coupés de ravins. Ce plateau, qui porte chez les Arabes, ses habitants actuels, le nom caractéristique de Djebel Akhdar, ou de Haut pays verdoyant, laisse entre sa base et la mer une bande de terres basses d'un quart de lieue à une demi-lieue de largeur; mais à l'ouest de Souza, ancien port de Cyrène, et surtout à l'ouest du cap Physcus, pointe septentrionale de tout le pays, on ne trouve plus cette lisière, et des falaises bordent immédiatement la mer jusque vers Tolometta. Là recommence la bande de terres basses, puis elle s'élargit continuellement; elle a jusqu'à 6 lieues de largeur jusqu'à Bengazi. Au sud, le Djebel Akhdar s'abaisse par des pentes plus douces vers le grand désert, et ne paraît pas communiquer avec les monts Haroutch. L'élévation de la terrasse la plus haute a été déterminée à 1,500 pieds au-dessus du niveau de la

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Entourée de régions arides, la Cyrénaïque est humectée, pendant les mois d'hiver, de pluies abondantes et continuelles, notamment dans la partie septentrionale; on y éprouve même des brouillards, et il y tombe de la grêle très-grosse. Néanmoins le froid n'y est jamais rigoureux. Le thermomètre s'y maintient ordinairement entre 10 et 17 degrés en hiver et au printemps; les chaleurs de l'été y sont très-fortes; des vents du sud y apportent un air embrasé et des essaims de sauterelles.

Soit que le voyageur qui arrive dans la Cyrénaïque sorte des immenses plaines sablonneuses de la Syrte, ou des campagnes rocailleuses de la Marmarique, il est également frappé du changement d'aspect que présentent les collines boisées de la Cyrénaïque. Sur les bords de la mer, on voit de vieux ceps de vigne enchassés dans les fentes des rochers, tristes débris d'une culture ancienne. On y distingue aussi la figue et plusieurs arbres à fruits, des orangers, des citronniers, et même des plantes d'un autre hémisphère, telles que le bananier. Au-dessus de ces arbres s'élancent des dattiers. Sur les degrés supérieurs de cette terrasse, on rencontre le pin blanc et l'olivier, qui croissent au milieu des myrtes, des grenadiers, des lauriers, des cistes, des romarins, des sauges et des cytises. Sur les degrés supérieurs de cette terrasse, les forêts d'arbousiers et de genévriers de Phénicie alternent avec de belles prairies et de fertiles champs de céréales. Au point le plus élevé de la chaîne littorale, on traverse des forêts épaisses de thuya; c'est l'arbre dominant du pays. Sur le plateau de l'intérieur, les caroubiers se groupent par bouquets épais avec les thuyas. En avançant au sud, on parcourt souvent une ou deux lieues au milieu des lentisques; mais la région boisée n'occupe que la lisière septentrionale, dans une largeur de 15 à 20 lieues. La plaine méridionale, moins abondamment arrosée, ou composée d'une terre plus légère, ne produit que des plantes herbacées, et notamment du cheâh, espèce d'artémise, excepté dans quelques vallons, où des touffes d'arbustes marquent le cours de l'eau.

Une plante de la Cyrénaïque, le sylphium, était si recherchée par les anciens, que sa figure se retrouve sur les médailles de Cyrène. C'est une ombellifère, nommée aujourd'hui dérias par les Arabes, et qui croit encore en abondance sur les collines septentrionales. Le cheáh s'exporte comme aromate jusque dans le Bor

nou.

Les anciens avaient fort bien distingué la partie de la Cyrénaïque voisine de la mer de celle qui était avancée dans les terres ; ils ont décrit l'une comme fertile et bien cultivée, l'autre comme stérile et inculte. Tous les peu.

ples de ce pays, même ceux de la côte maritime, étaient compris, dans les premiers temps, sous le nom général de Libyens, et vivaient en barbares. Une colonie grecque, fondée en 614 avant J. C., par Battus, à la tête d'une troupe d'habitants de l'île de Théra, une des Cyclades, peuplée par des Lacédémoniens, vint policer cette contrée africaine. La famille de Battus conserva la royauté pendant près de 200 ans. Cyrène devint ensuite une république florissante par l'agriculture et le commerce. Strabon dit qu'elle sut défendre courageusement son indépendance contre les efforts des barbares qui habitaient l'intérieur. Les Carthaginois, toujours avides de conquêtes, trouvèrent toujours dans la bravoure des Cyrénéens une barrière insurmontable qui les empêcha de s'étendre vers l'ouest. Le territoire de Cyrène, quoique de peu d'étendue, renfermait un grand nombre de bourgs bien peuplés. Ses principales villes, indépendamment de la capitale, située à onze mille pas de la mer, dans une plaine fertile, étaient : Apollonia, qui servait de port; Bérénice, sur un cap au bord de la Grande-Syrte; Teuchira, nommée ensuite Arsinoé; Barce, depuis Ptolémaïs. Ce furent ces cinq villes qui firent donner à cette contrée le nom de Pentapole.

Les rois macédoniens de l'Égypte, devenus plus puissants, soumirent la Cyrénaïque. Sous le règne de Ptolémée Physcon, elle devint un royaume particulier, qu'Apion, fils naturel de ce prince, légua par testament aux Romains, en 97 avant J. C. Elle suivit le sort de l'empire. En 616, Chosroès II, roi de Perse, extermina cette ancienne colonie grecque. Le pays tomba ensuite au pouvoir des Sarrasins ou Arabes, qui achevèrent sa ruine. Il est gouverné aujourd'hui par un bey qui relève du pacha de Tripoli.

Le nombre actuel des habitants du Djebel Akhdar peut s'élever environ à 40,000; ils sont connus sous le nom de Harabis (les guer. riers), et divisés en plusieurs petites tribus, qui se font une guerre mutuelle et continuelle, alimentée par les vengeances de famille. Le bey de Bengazi ( Bérénice) n'oppose d'autre frein aux meurtres fréquents qui se commettent dans le pays, qu'il est censé gouverner, qu'une rétribution équivalant à 1 fr. 25 cent. par chaque homme de la tribu où le meurtre a été commis. Cette somme payée, le sang est racheté aux yeux du gouvernement.

Les armes de ces Harabis sont le fusil, le pistolet et le poignard; presque toujours le même homme est muni des trois à la fois. Le sabre est réservé aux cheikhs; un manteau maure en drap rouge, galonné en or, est le signe distinctif de l'autorité que ceux-ci tiennent du pacha de Tripoli; mais ils ne s'en parent que dans les villes; jamais ils ne le por

tent dans le désert. Ces hommes si féroces sont sensibles aux charmes de la poésie. Souvent, assis en groupes près de leur hutte ou sous un massif d'arbres, ils écoutent avec attention celui d'entre eux qui chante en vers le récit d'une action héroïque; tous répètent en choeur le refrain. Leur idiome est l'arabe.

Le lait de chèvre, la chair des moutons, les dattes qu'ils vont chercher dans les oasis d'Audjelah et de Siouah, la farine d'orge ou de froment, préparée de différentes manières, le miel qu'ils recueillent en grande quantité dans leurs forêts, composent la nourriture des Harabis.

Ces hommes, superstitieux à l'excès, n'osant pénétrer dans les détours des grottes sépulcrales, qu'ils croient habitées par des génies malfaisants, racontent sur ces souterrains les contes les plus ridicules. Les plus vastes, lorsqu'ils ne sont composés que d'une ou de deux pièces et ne peuvent par leur obscurité effrayer leur imagination, leur servent, ainsi que les citernes, de magasins pour leurs grains; quelquefois, mais rarement, ils y mettent leurs troupeaux à l'abri. Ces peuples ont parmi eux des armuriers, des charpentiers, des forgerons et des tisserands, qui exécutent leurs travaux en plein air ou dans des grottes.

Les troupeaux de chèvres et de moutons sont très-nombreux; les premiers résistent en hiver au froid de la partie septentrionale, tandis que les moutons sont conduits vers le sud, où le climat est plus doux; la laine de ceux-ci n'est pas aussi longue que celle des moutons d'Égypte. Ces animaux sont, ainsi que la jument et l'âne, le chameau et le bœuf, la richesse des habitants. La race des chevaux ne répond pas à l'idée qu'on en concevrait d'après les rapports des anciens. Ils sont d'une forme svelte et peu gracieuse; mais ils ont le pied très-sûr et supportent très-bien les intempéries des saisons.

Les récoltes en blé et en orge suffisent pour nourrir les habitants de cette contrée; c'est donc bien à tort que les écrivains la désignent par le nom de désert de Barcah.

Strabon fait la remarque que depuis Apollonia, en allant à l'est, la côte de la Cyrénaïque est d'une navigation difficile, parce qu'elle offre peu de mouillages, de ports, de lieux habités et d'aiguades. Elle est d'ailleurs, sur toute son étendue, exposée à des éboulements; en différents lieux, on voit d'anciennes constructions à moitié écroulées, au milieu des flots, et même des grottes sépulcrales taillées dans le roc, qui ont dû s'enfoncer dans la mer, après la disparition des terres qui les entouraient. Le port de Bengazi, au contraire, se remplit par l'accumulation des sables.

Ce port est le plus commerçant du pays. Les Harabis y amènent du bétail; ils y apportent

aussi de la laine, du beurre, des plumes d'autruche et du miel; ils y prennent en échange des armes à feu, de la poudre, des burnous de Tripoli, des ustensiles de ménage et de la poterie commune. Le commerce est entièrement entre les mains des juifs.

Le pays de Barcah est un de ceux qui ont été le moins visités par les modernes. Au commencement du dix-huitième siècle, Paul Lucas, voyageur français, l'examina superficiellement. De nos jours, M. Della Cella et M. Pacho l'ont parcouru, et nous leur devons de bien connaître cette contrée célèbre. Le premier y est venu de Tripoli; mais sa position, comme médecin du fils du pacha, qui conduisait une armée, l'empêcha de se livrer à des recherches suivies. M. Pacho put y séjourner, considérer, décrire et dessiner tout ce qui frappa son attention.

Mais les siècles ont effacé ou détruit les monuments des temps où Cyrène était un État florissant; à peine reste-t-il des traces de l'époque des Ptolémées; la plupart des objets conservés sont de la période romaine; on ne voit plus qu'un seul temple: tous les autres monuments sont du genre funéraire. Dans quelques grottes, M. Pacho a trouvé des peintures qui sont des compositions à la fois élégantes, légères et dessinées purement.

Les nombreuses ruines de la Cyrénaïque avaient donné naissance parmi les Arabes à la tradition d'une ancienne ville pétrifiée, existant dans ce pays ou dans les déserts des deux Syrtes. Il en est question dans les relations de divers voyages en Barbarie. Ces fables ont engendré des discussions sérieuses, où l'on a étalé de l'érudition pour des chimères.

Quelques auteurs ont voulu trouver dans la Cyrénaïque ou ses environs le jardin des Hespérides; mais il est vraisemblable que Pindare et les autres poëtes grecs ont transporté arbitrairement à des colonies grecques les noms célèbres dans les colonies de la métropole.

Viaggio da Tripoli di Barberia, fato nel 1917, dal Dre P. Della Cella; Genova, 1819, in-8°.

Pacho, Voyage dans la Cyrénaïque. Mannert, Geographie der Griechen und Ræmer. Afrique Ancienne, Ire partie, par M. d'Avezac, dans P'Univers pittoresque.

Hardion, Histoire de Cyrène, dans les Mémoires de l'Académie des inscriplions, t. III. J.-P. Thrige, Historia Cyrenes, Havniæ, 1819. EYRIÈS.

CYRÉNAISME. (Philosophie ancienne. ) La secte cyrénaïque, dont Aristippe fut le fondateur, prit son nom de Cyrène, patrie de ce philosophe.

Il avait pour but, comme Antisthène, chef des cyniques, de conduire au bonheur; mais ses moyens pour y parvenir étaient directe

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