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tière à confesser la foi musulmane. Il fut enjoint à tout nouveau converti de fréquenter assidûment les mosquées, de faire tous les jours les cinq prières obligatoires, et d'entendre les prêches du vendredi. Il fut établi qu'à la mort d'un raya ses biens reviendraient à ses héritiers musulmans seulement, et qu'à défaut d'héritiers de cette nature les biens appartiendraient au trésor des musulmans, et ne pourraient jamais revenir ni au patriarche ni à aucun autre chrétien.

Une foule de chrétiens, vaincus par tant de persécutions, embrassèrent l'islamisme et apprirent par cœur le Coran. Mais la plupart de ces conversions ne furent que des subterfuges; les Coptes ne voulaient que conserver leurs fonctions, et épouser des femmes musulma

nes.

Les musulmans doués de quelque perspicacité, apercevant et appréciant à leur véritable sens les intentions des convertis, refusèrent de leur donner leurs filles; mais d'autres, et ce fut le plus grand nombre, acceptèrent comme légitime le fait de leur conversion et s'unirent à eux salvá fide et conscientia.

S X. Coptes actuels.

Outre ce qu'ont détruit de Coptes les répressions de révoltes pendant les deux premiers siècles de la conquête, les alliances matrimoniales amenées par les abjurations ont aidé aussi à la disparition des Kibt, en les jetant dans la population arabe; et aujourd'hui ce nom ne s'applique plus guère qu'à 155,000 ou 160,000 individus, dont 5,000 catholiques et le reste jacobites. Toutefois, leur type même alors a gardé ses caractères; et une foule d'Arabes égyptiens actuels sont coptes de physionomie. Avant l'islamisme déjà les tribus de l'Hédjaz et de l'Yémen, et surtout les tribus riveraines de la mer Rouge, avaient subi des modifications lentes dans leur physionomie par les mariages et les concubinages avec les femmes éthiopiennes ou abyssiniennes. De plus, les conquêtes des Éthiopiens sur les rives orientales de la mer Rouge avant le siècle de Mahomet avaient jeté de l'éthiopien dans les Arabes. Et puis, de l'avis d'autorités respectables en histoire et en ethnographie, ces Éthiopiens sont les pères directs des Kibt ou Égyptiens. Quant aux Turks qui gouvernent l'Égypte, ils ont conservé leur type; car ils ne se mêlent, en général, ni avec les Arabes, ni à plus forte raison avec les Coptes.

Les Coptes, depuis le premier siècle de la conquête musulmane, comme nous l'avons déjà indiqué, durent apprendre la langue arabe; dès lors la langue copte commença à tomber en désuétude; peu à peu elle menaça de se perdre, et il fallut traduire en arabe les livres de religion.

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Une conséquence obligée de toutes ces circonstances fut que les Coptes, ainsi rapprochés de leurs dominateurs, finirent, par calcul, et aussi par la force de leur condition même, par se rendre nécessaires, indispensables dans les administrations publiques, comme secrétaires, chefs de bureaux, commis, intendants. La paresse et la répugnance des musulmans pour ces travaux minutieux et attentifs, qui fatiguent aisément des esprits comme les esprits des Arabes, orgueilleux de leur nom, de leur foi, de leurs prétentions à gouverner le monde entier par l'islamisme, laissèrent le champ presque libre à la tactique tranquille et adroitement intéressée des Coptes; et ceuxci s'acquirent ainsi une prépondérance qui a survécu à toutes les agitations, à toutes les persécutions dirigées contre eux jusqu'à la fin du siècle dernier. Aujourd'hui encore, ils conservent leur but; ils veulent rester et restent maîtres dans les administrations actuelles, dans toutes les comptabilités.

Il est presque indispensable maintenant, en Égypte, qu'un chef de comptabilité, qu'un écrivain ou secrétaire en chef d'un ministère, d'une administration, d'une fabrique, etc., soit un Copte. Aussi les Coptes sont devenus une corporation de secrétaires, d'intendants, de conseillers même. Adroits, rusés, patients, dissimulant leur savoir-faire sous la plus candide apparence de simplicité, ils ont envahi presque toutes les écritures des administrations grandes et petites, et se tiennent dans leurs fonctions par une coalition serrée, par leur système de solidarité de but et d'intérêts. Toutes les fois qu'une velléité de réforme amène, de la part de l'autorité, un ordre qui supprime dans les affaires publiques un certain nombre d'écrivains coptes, il arrive, deux ou trois mois après, que l'adresse de ceux qui sont restés employés finit par reconduire les exigences d'écritures et de comptes à leur état premier. Peu à peu un frère exclus est réintégré; il redevient encore indispensable, parce que les travaux, dit-on alors, augmentent ou languissent. Et tout reprend bientôt le nombre, ou à peu près, des employés coptes qu'avait éliminés en partie la réforme.

Macrizy fait remarquer l'importance que se sont acquise les Coptes: « Il y a, dit-il, une destinée à laquelle n'échappe ni prince ni grand de l'Égypte, c'est de tomber presque comme des esclaves sous le frein de quelques écrivains coptes, qui les mènent et les dirigent à discrétion. »>

En fait d'arts industriels, il en est trois que les Coptes se sont réservés; ils sont presque les seuls qui exploitent ces arts: la fabrication des moulins, la fabrication des saki ou appareils à deux roues pour l'irrigation, et en

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fin la bijouterie. De cette dernière industrie surtout ils ne veulent rien enseigner aux Arabes ou aux Turks; ils refusent tout apprenti musulman. Ils ont encore une autre branche d'industrie, qu'eux seuls pratiquent en Égypte, et qu'il faut signaler au mépris du monde. A Zâouy-ed-Deyr, près de Syout, des prêtres coptes mutilent, par coupes réglées, des centaines de malheureux destinés à la garde des sérails, et dont la jalousie musulmane fait un objet de commerce fort lucratif.

Examinés tels qu'ils sont aujourd'hui, les Kibt ne sont même plus l'ombre de ce qu'ils furent dans l'antiquité. Froissés, abîmés par tant d'invasions, depuis les conquêtes des Perses jusqu'aux derniers coups que leur assénèrent les Arabes de Mahomet, ils sont tombés au dernier degré d'humiliation, d'ignorance, d'impuissance. Depuis longtemps ils n'ont plus nul souci de leur antiquité historique, et maintenant il ne reste plus dans la société humaine que 160,000 noms du peuple égyptien. Il y a des siècles déjà que les Coptes n'ont plus, pour ainsi dire, d'existence. Il est vrai qu'ils ont droit à quelque excuse. Leur conversion au christianisme rompit le lien entre eux et leurs ancêtres. La captivité et les querelles religieuses ont fait le reste.

Toutefois, les Coptes, quoique chrétiens, conservèrent pendant quelque temps encore, au dire même des écrivains musulmans, leurs anciennes productions ou œuvres d'art. La superstition de leurs maîtres les y aida. La propension des Arabes à croire à l'œuvre des génies, à la surveillance exercée par des êtres supérieurs sur les monuments, les tombeaux, les temples, les palais, les trésors enfouis, protége encore aujourd'hui contre la destruction les restes des âges anciens.

Tel est l'aperçu que je voulais tracer de l'histoire des Coptes, principalement au point de vue des écrits arabes. J'ai passé d'un trait sur les trois derniers siècles, parce que cette durée, d'ailleurs moins bien décrite par les Arabes, présente les mêmes mouvements de vie, de peines, d'oscillations, que nous avons remarqués dans les siècles précédents. On peut résumer cette histoire des Coptes par ces seuls mots : onze siècles de tourments, entrecoupés çà et là de courtes séries d'années de répit.

Depuis l'invasion française en Égypte, et depuis le règne de tolérance religieuse et d'autorité sévère de Mohammed-Ali, les Coptes respirent. Espérons que ce repos sera durable el définitif.

Renaudot, Historia patriarcharum alexandrinorum Jacobitarum, a Marco usque ad finem sæculi XIII; Paris, 1713, in-4°. - Défense de l'histoire des patriarches d'Alexandrie; 1717, 1 vol. in-12.

Ét. Quatremère, Mémoires géographiques et historiques sur l'Egypte; a vol. in-8°. - Recherches sur la langue et la littérature de l'Égypte, 1 vol. in-8°. Abou-l-Barakat, Canon chronologicus.

Ludolf, Histoire Éthiopienne.

OEuvres de Wansleb; sa Relation d'Égypte, et son Histoire de l'Église d'Alexandrie.

D'Herbelot, Bibliothèque orientale, vol. in-folio.
L'ouvrage de la Commission d'Egypte.
Vita Patrum, éd. Rosweyde; Anvers, 1613.
Macrizy, Histoire du Caire, en arabe.
Abou-selah, Histoire des Monastères d'Égypte en

arabe.

Sonnini, Voyage dans la Haute et Basse-Égypte.
P. Sicard, Mémoires des missions.
Savary, Lettres sur l'Egypte.

PERRON.

COPTE. (Linguistique.) De toutes les langues mortes, la plus curieuse peut-être est la langue copte, dont l'étude a fait de nos jours les progrès les plus heureux. Pendant une longue suite de siècles, on se contenta de savoir que sur les bords du Nil vivait une nation chrétienne, la nation copte, dont la langue n'avait aucune espèce d'analogie avec les idiomes connus; mais personne ne fit le moindre effort pour conquérir à la science la connaissance de cette langue, et c'est à Peiresc que revient l'honneur de l'avoir le premier tenté.

L'origine du mot Copte a été le sujet d'une foule d'hypothèses dont je me bornerai à rapporter les principales. Sous le règne d'Héraclius, les chrétiens jacobites de l'Égypte furent généralement désignés sous le nom de Coptes; et l'on a voulu, par suite, considérer ce mot comme une simple altération du nom jacobite. Les écrivains arabes et, entre autres, Macrizy, le font dériver du nom d'un roi appelé Kibt. Cette étymologie, quoique adoptée par Vansleb, a été généralement rejetée; et l'on a dû chercher mieux. Saumaise, et, après lui, Kircher, Wilkins et Pococke, ont cru retrouver l'origine de ce mot dans le nom de la ville de Coptos. D'autres ont prétendu que les Coptes avaient été nommés Kóпτо par les Grecs, parce qu'ils avaient coutume de faire circoncire leurs enfants; mais l'opinion émise par l'abbé Renaudot et généralement adoptée depuis lui, c'est que le mot copte n'est qu'une altération du mot Alyúntios. Les plus habiles philologues sont aujourd'hui d'accord sur ce point, et nous ne saurions faire mieux que de nous soumettre pleinement à leur avis.

Ainsi que je l'ai dit plus haut, Peiresc, le premier, s'efforça de remettre en honneur l'étude de la langue copte, dont on était loin encore de pressentir toute l'importance: par ses soins, des manuscrits furent rassemblés à grands frais; il les mit à la disposition de Saumaise; et celui-ci, sans autre guide et sans autre secours que le zèle le plus louable, parvint à pénétrer assez l'esprit de cette langue, pour expliquer la plupart des anciens mots égyptiens tirés des

auteurs grecs et latins. Il était évident pour cet homme habile que la langue copte n'était autre chose que la langue de l'antique Égypte; et cette conviction profonde stimulait d'autant son ardeur. Vers la même époque (1647), N. Kircher, excité aussi par les encouragements de Peiresc, publia le livre intitulé Lingua ægyptiaca restituta, composé avec le secours des manuscrits que le voyageur Pietro della Valle avait rapportés d'Orient. Malheureusement cette publication fut entachée de tant de charlatanisme, que les éloges mérités par son auteur sont contre-balancés par le blâme qu'il a sciemment encouru.

Mais il ne peut entrer dans notre plan de mentionner tous les philologues qui se sont occupés avec plus ou moins de succès de l'étude de la langue copte, et nous devons nous contenter de citer, avec toute la distinction qu'ils méritent, ceux auxquels la science est redevable des progrès les plus remarquables. En première ligne paraissent Wilkins et Lacroze, dont les publications commencèrent à répandre un peu le goût de cette étude. Le second surtout ne négligea aucun moyen d'arriver à la connaissance d'une langue dont il proclamait hautement la noblesse, et il rédigea un dictionnaire fort précieux. Le justement célèbre Jablonski suivit ces deux savants dans la voie qu'ils avaient parcourue avec tant de distinction, et il ne tarda pas à mériter aussi l'honneur d'être considéré comme l'un des plus habiles promoteurs d'une étude fort difficile encore: on a de lui un excellent Glossaire égyptien, publié en 1804, par les soins de M. Tewater, professeur de théologie à l'université de Leyde; citons encore, avec toute l'estime que méritent leurs efforts, Woide et Ackerblad, qui ont travaillé avec ardeur à l'illustration de la langue copte.

Nous sommes arrivés, dans notre rapide énumération, à l'âge d'or de cette étude. En 1808, M. Étienne Quatremère fit paraître un livre intitulé: Recherches sur la langue et la littérature de l'Egypte. Il est impossible d'accumuler plus d'érudition en si peu de pages. L'auteur ne s'est pas contenté de résumer avec le plus grand talent l'histoire de cette langue antique; il a eu le courage de dépouiller, la plume à la main, tous les manuscrits dont il lui était permis de prendre connaissance; et il a réussi de la sorte à composer un dictionnaire copte que tous ceux qui ont pu l'examiner déclarent infiniment précieux. Nous souhaitons ardemment que ce livre voie enfin le jour : il ne peut manquer d'être d'un bien puissant secours pour tous les amis des études égyptiennes.

L'un des génies contemporains les plus distingués, l'illustre Champollion le jeune, avait compris qu'il n'atteindrait le but des efforts de

toute sa vie qu'à la condition qu'il s'assimilerait parfaitement au préalable la langue copte, à laquelle il devait demauder tous les secrets de l'idiome vénérable des Pharaons. Un dictionnaire et une grammaire copte rédigés pour son usage avec la lucidité qui caractérise tout ce qui est sorti de la plume de ce grand homme, sont restés parmi ses manuscrits, devenus aujourd'hui une propriété nationale. Jamais Champollion ne fit mystère à personne des résultats de ses travaux si patients; et ces fruits de ses veilles laborieuses, il allait les offrant à pleine main à qui lui paraissait digne de les apprécier. Sa grammaire copte fut donc connue de ceux de ses émules qu'il appelait ses amis; et après sa mort Rossellini fit paraître à Rome une grammaire copte qui n'est guère que la reproduction de l'œuvre de Champollion. Il est vrai que, dans la préface, il y est dit que l'honneur de ce travail doit revenir en grande partie à Champollion; il eût été plus juste de dire que cet honneur lui appartenait tout entier.

Hâtons-nous d'arriver au savant dont les publications ont le plus puissamment contribué à la propagation de la langue copte. Chacun a proclamé l'illustre A. Peyron, dont je m'estime heureux de me dire le disciple et l'ami on lui doit un excellent dictionnaire et une grammaire que l'on peut, à bon droit, citer comme un modèle d'élégance et de clarté. Avec de tels livres chacun peut hardiment entreprendre l'étude du copte; il est sûr d'y réussir. En Angleterre, Tattam a publié sur cette langue un lexique précieux, qui a paru un peu avant celui d'A. Peyron.

Parlons maintenant des applications qu'il est aujourd'hui possible de faire de l'idiome copte, tel que nous le connaissons; nous lerminerons ensuite par quelques considérations générales sur la nature et le mécanisme d'une langue que nous ne craignons pas de déclarer l'une des plus dignes d'exercer l'intelligence des hommes d'étude.

Du moment qu'il a été bien constaté qu'à l'aide du copte il était possible et même facile de retrouver le sens des mots égyptiens, malheureusement si clair-semés dans l'Écriture sainte et dans quelques livres grecs ou latins, il était naturel de pressentir que l'étude du copte devait servir de travail préliminaire ou préparatoire pour arriver à la connaissance de ces textes si longtemps mystérieux que l'Égypte nous a légués. Je le disais tout à l'heure : Saumaise l'avait pensé, et Champollion le jeune l'a démontré par la découverte qui a immortalisé son nom. Personne aujourd'hui ne peut plus douter, sinon de la parfaite identité, du moins de l'étroite liaison qui existe entre l'égyptien des temps antiques et le copte des premiers chré

tiens de la Thébaïde. Peu à peu la valeur des signes hiéroglyphiques se dévoile, grâce aux efforts d'une petite phalange de travailleurs que les difficultés ne rebutent pas, et qui se croient largement payés de leurs peines quand ils ont constaté la lecture d'un signe de plus. Espérons donc qu'à force de patience on parviendra à déterminer un alphabet et une langue que l'on croyait morts à tout jamais; et répétons qu'à mesure que l'étude du copte se développera la connaissance de l'égyptien deviendra plus intime et plus profonde. Cela suffira, je pense, pour faire sentir toute l'utilité d'une langue qui n'offre pas de grandes difficultés, et qui peut seule fournir la clef à l'aide de laquelle on pénétrera plus avant dans l'histoire d'une nation qui a vécu grande et puissante pendant plusieurs milliers d'années avant la venue du Christ.

Disons maintenant quelques mots de l'histoire de la langue copte. En Égypte deux dialectes distincts étaient parlés et écrits: l'un, le dialecte sacré, réservé aux castes sacerdotales, avait pour représentation l'écriture hiéroglyphique et la forme tachygraphique de celle-ci, forme que l'on est con venu d'appeler hiératique, parce que les prêtres s'en servaient habituellement; l'autre, le dialecte vulgaire, était parlé par tout le monde; c'était le langage habituel employé dans toutes les transactions de la vie les plus vulgaires et les plus humbles. A ce second dialecte appartenait un système d'écriture tout différent et presque entièrement alphabétique.

Ces deux dialectes avaient vécu côte à cote plusieurs dizaines de siècles et étaient debout encore lorsque le christianisme, s'infiltrant dans la nation égyptienne, vint en renverser l'antique théogonie. Par un acte de volonté extraordinaire, et dont il n'est cependant guère possible de révoquer en doute la réalité, en bannissant les dieux de leurs pères les Égyptiens pensèrent qu'ils devaient expulser de leur langue tous les mots sacramentels qui, de près ou de loin, avaient fait partie du bagage religieux des dieux détrônés. Ils firent donc table rase de tout le vocabulaire des rituels sacrés mis au rebut; il fallut donc songer à remplacer dans le langage ces mots qu'il n'était plus permis d'employer, parce qu'ils offensaient le nouveau dogme, et dès lors il y eut nécessité d'emprunter à une langue étrangère, et naturellement à la langue de ceux qui étaient venus prêcher l'Évangile, tout le Vocabulaire de la religion triomphante. D'un autre côté, des besoins nouveaux, importés sur les bords du Nil, avaient nécessité l'emploi de noms nouveaux; de là cette énorme quantité d'expressions grecques passées de toutes pièces dans le vocabulaire copte. Plus tard, la domination arabe y fit insérer, par

la même raison, une foule d'autres mots complétement étrangers à l'idiome du pays.

La réprobation qui avait frappé une partie de la langue fut étendue aux alphabets qui jusque-là avaient servi à la représenter; et les lettres grecques furent adoptées pour construire l'alphabet de la langue régénérée; mais l'alphabet grec ne suffisait pas pour représenter tous les sons de l'organe égyptien : force fut de laisser subsister dans l'alphabet copte quelques signes de l'ancienne, écriture: ainsi les sons, ch, kh, hh, dj ƒ et gu ont conservé précisément les formes sous lesquelles ils étaient représentés dans l'écriture vulgaire ou démotique. Dans quelle proportion fit-on le départ des deux dialectes sacré et vulgaire pour constituer la langue nouvelle ? c'est ce qu'il n'est pas possible de préciser, bien qu'il soit facile de constater que les écrivains qui se chargèrent de mettre à la portée du peuple, qui ne savait que l'égyptien, les écrits religieux et liturgiques dont il fallait nourrir l'esprit des néophytes, employèrent communément des mots empruntés aux deux dialectes. Je dis qu'il est facile de le constater: car les lexiques nous donnent souvent deux radicaux totalement distincts,comme images d'une seule et même idée; et la nature de la langue égyptienne ou copte, la langue du monde la plus précise et la plus simple de forme, ne permet guère de voir dans ce fait autre chose que la conservation des expressions propres à chacune des deux langues.

Le copte, tel que nous l'a fait connaître l'analyse des manuscrits recueillis jusqu'à ce jour, comporte trois dialectes bien distincts, qui diffèrent entre eux par l'emploi d'aspirations plus ou moins rudes, par la fréquence des voyelles, et par la permutation à peu près constante de certaines lettres. Ces dialectes sont le memphitique, dans lequel les plus fortes aspirations sont substituées d'ordinaire aux aspirations douces; le dialecte baschmourique, dont les monuments sont très-rares, et qui tient à peu près le milieu entre le memphitique et le sahidique ou thébain, qui est le troisième. Les caractères essentiels du baschmourique sont le changement de l'o en a, de l'a en e, de l'e en éta, et surtout de l'r en l. Le nom de memphitique nous apprend que le dialecte qui le porte était propre à la BasseÉgypte. Le baschmourique, nommé oasitique par M. Ét. Quatremère, était parlé, suivant lui, dans les deux oasis; enfin le dialecte sahidique ou thébain était particulier à la Haute-Égypte. Hâtons-nous de conclure de tout cela que les trois dialectes constituent trois patois locaux d'une seule et même langue, c'est-à-dire de la langue égyptienne réformée sous l'influence du christianisme.

Passons aux caractères principaux de la

langue copte. Plutarque nous apprend que les éléments alphabétiques égyptiens étaient au nombre de vingt-cinq. Effectivement, si de l'alphabet copte nous retranchons les articulations gamma, delta, zêta, xi et psi, qui sont étran gères à l'organe égyptien, il nous reste dix-neuf caractères seulement. J'ai eu plus haut occasion de dire que les Coptes avaient conservé dans leur alphabet les figures démotiques de six articulations essentielles et étrangères à l'organe grec : à savoir ch, f, kh, hh, dj, et gu. L'ensemble de ces deux séries de signes forme exactement le nombre vingt-cinq cité par Plutarque. En adoptant les lettres grecques, pour représenter les sons de leur propre langue, les Égyptiens conservèrent à ces lettres la valeur numérique qui leur avait été assignée par les Grecs; tandis que les six articulations étrangères à l'alphabet grec restèrent sans emploi, dans la représentation des nombres. Ce fait achève de démontrer l'origine purement égyptienne de ces six lettres parti. culières.

Un des caractères essentiels de la langue | copte, c'est d'être monosyllabique. Ainsi, tous ses radicaux primitifs sont des monosyllabes; et toutes les fois qu'un mot copte se présente sous une forme polysyllabique on peut à priori affirmer que ce mot est un dérivé ou un composé. En général, les radicaux peuvent subir certaines modifications de forme qui entraînent des modifications constantes de sens. Ainsi la forme passive régulière d'un verbe radical s'obtient en changeant sa voyelle primitive en êta. Ainsi encore, l'addition de l'articulation ch devant un radical lui donne une forme intensive. (Je soupçonne que cette formation de dérivés n'a pas d'autre origine que l'emploi du signes, transitif et intensif, de l'écriture et de la langue hiéroglyphiques.)

On rencontre très fréquemment dans les radicaux coptes des articulations finales qui ne font pas partie essentielle du radical, et que l'on est convenu d'appeler des lettres paragogiques; telles sont les lettres r, s, et, dont la présence à la fin des radicaux, dont elles ne font pas partie intégrante, ne peut s'expliquer que par des caprices de prononciation, ou par l'existence de consonnes finales primitives que l'usage a fait tomber dans la prononciation de presque tout le monde.

On conçoit que de l'association de deux radicaux primitifs ou monosyllabiques il puisse, dans une langue quelconque, naltre facilement un mot composé fort intelligible; c'est ce qui a très-fréquemment lieu en copte, où ces concrétions de radicaux sont toujours logiques et claires. Le copte a de plus l'avantage de posséder un assez grand nombre de particules significatives et dont l'emploi en préfixe des radicaux impose à ceux-ci une modification

de sens constante. Ainsi, il y a en copte une particule négative, une autre intensive, une autre abstractive, une qui désigne l'agent, une autre qui note la profession, une enfin qui marque la présence de l'action désignée par le radical. Toutes ces particules sont d'un emploi si simple et si net, qu'il n'est jamais possible de se tromper sur leur valeur.

Le copte comporte plusieurs articles: 1o l'article défini, qui est p pour le masculin, et t pour le féminin (le neutre n'existe pas). Au pluriel l'article défini, ne, ni ou n, est le même pour les deux genres;

2o L'article indéfini, qui joue devant les noms le rôle de notre nombre un, comme dans l'expression une maison, un palais. Cet article est le même pour les deux genres; il s'écrit ou au singulier, han au pluriel;

3o Enfin le cople possède un article possessif qui n'existe dans aucune autre langue. Sa forme est pa pour le masculin, ta pour le féminin et na pour le pluriel des deux genres. Son véritable sens est rendu par le grec ὁ τοῦ, ἡ τοῦ, οἱ οἱ αἱ τοῦ.

Je ne saurais mieux faire que de donner ici la transcription d'un passage de l'admirable grammaire de Peyron, passage qui résume en quelques lignes l'esprit tout entier de la langue copte. Voici ce passage:

Generalis adnotatio in universam grammaticam. Radices copticæ nihil ex se significant, a particulis vero seu præfixis, seu suffixis, determinantur, ut verbum vel nomen notent. Sic a sont, accedentibus particulis, nominum, fit creator, creatio, creatura, etc. Sin affigas particulas verborum, habeas universam conjugationem verbi creare, voce sont immutabili semper manente. Quare grammatica coplica tota in eo versatur, ut catalogum contexat particularum, quibus logica accidentia, cum nominum, tum verborum, indicantur.

Il suffit d'avoir feuilleté une grammaire copte avec la plus faible dose d'intelligence pour être à même d'apprécier toute la justesse de la théorie, si simplement énoncée dans les quelques phrases qui précèdent. Ainsi, par exemple, il est évident que l'étude de toute la conjugaison copte consiste à fixer dans sa tête le paradigme des pronoms personnels et des particules caractéristiques des temps passé, présent et futur. En dernière analyse, tout se réduit, dans l'étude du copte, à la connaissance d'un certain nombre de particules, et à la compréhension des radicaux monosyllabiques primitifs; en d'autres termes, pour peu qu'on ait la mémoire des mots, on est en droit de se croire capable d'étudier et d'apprendre vite une langue qui n'offre aucune difficulté sérieuse, et qui d'ailleurs procède toujours géométriquement, s'il est permis de s'expri

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