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ère de prospérité. On a gardé le souvenir de la danseuse Clotilde, qui avait à dévorer deux millions par année, et ne pouvait néanmoins réussir à joindre les deux bouts.

Bien des femmes, à présent, doivent joindre les mains, lever les yeux au ciel, et pousser des soupirs d'envie et de regret, en voyant ce chiffre magnifique. Quel changement, en effet! A part quelques exceptions, que de peines, que de sacrifices pour conquérir une voiture de louage, un appartement passable et un budget de cinq cents francs par mois! Car il faut bien le dire, c'est à cet enviable résultat que vont généralement les ambitions et les espérances des courtisanes de nos jours. Entre autres causes qu'il serait trop long de déduire, telles que l'égoïsme masculin, la division des fortunes, les préoccupations de tout genre, etc., cette décadence tient un peu à la multiplication de l'espèce. Partout et toujours, la concurrence a pour résultat de déprécier les marchandises.

La dénomination de courtisanes n'est plus guère en usage actuellement. Comme les femmes galantes se divisent en plusieurs catégories, on désigne chacune par le nom qui lui est propre. Si le mot que nous avons employé jusqu'ici devait rester, il serait acquis de droit aux rares exceptions qui sont encore, malgré les mœurs nouvelles, favorisées par de hautes protections ou enrichies par des prodigalités vraiment ruineuses; qu'on désigne généralement par le nom de femmes entretenues, et qui se trouvent en tête de la nomenclature que nous allons entreprendre. Ce sont surtout des actrices à qui échoit cet heureux privilége, bien qu'en général les femmes de théâtre rentrent dans la catégorie suivante.

Immédiatement au-dessous de cette aristocratie, se trouve une autre classe de femmes aux mœurs légères, qu'on serait assez embarrassé de dénommer si un homme d'esprit ne les avait appelées lorettes, du nom du quartier qu'elles habitent de préférence. Il y a d'abondantes sources de comique, et du pathétique aussi, dans l'existence accidentée de ces charmantes pécheresses. Généralement leur origine n'est pas des plus brillantes: tirées d'une loge de portier ou d'un magasin où elles étaient en apprentissage, par leurs dispositions vicieuses, par leur propre ambition, ou par quelque opulent caprice, elles arrivent plus ou moins haut, selon leur mérite, et plus souvent encore selon les fantaisies du hasard. Aussi ont-elles bien des viscissitudes à épron. ver, bien des douleurs à subir, depuis les im. portunités des fournisseurs impatients de rentrer dans leurs fonds, jusqu'aux abstinences imposées par la nécessité, et que l'on supporte courageusement, pourvu qu'on ait un

chapeau neuf sur la tête et des gants frais aux mains, le tout destiné à conquérir pour l'avenir des diners réparateurs. Et puis, que d'embarras suscités par la multiplicité des personnages que nécessitent, dans cette comédie, l'avarice du sexe payant et son mauvais vouloir. Il faut bien vivre et vivre le mieux possible; il faut bien encore, après avoir fait des sacrifices à la nécessité, donner quelque chose à son plaisir. Un trait caractéristique de cette jolie portion du genre humain, c'est le besoin absolu qu'elle éprouve d'un attachement complétement désintéressé, besoin qui augmente ses embarras et lui suscite de continuels dangers. Malgré tout, cette finesse et cette ruse qu'a si joyeusement racontée la Fontaine, est tellement inépuisable, que la lorette se tire toujours d'affaire, et mène de front ses devoirs et ses plaisirs, l'intrigue et le bal, les cachemires et le pain sec, et que s'il lui arrive de faire un faut pas et de tomber, elle en profite pour sauter plus haut.

Au-dessous de la lorette, il y a la grisette: la seule différence est que celle-ci travaille, et que si elle fait aider par de bienveillantes générosités un labeur insuffisant, si elle paye ses besoins avec ce qu'elle gagne et ses plaisirs avec ce qu'on lui donne, elle n'en garde pas moins les apparences.

Il y a, au-dessous encore, une espèce de femmes à qui on donne fort improprement ce nom de grisettes, et qui n'est, à bien dire, que la lorette transportée dans un autre milieu; on l'appellerait à plus juste titre la femme du quartier latin. Ces créatures peu recommandables vivent aux dépens des jeunes gens qui viennent étudier-au moins leurs parents le croient le droit et la médecine; elles n'ont pas d'autre demeure, pas d'autre table, que leur table et leur domicile; quant au reste, si la pension de l'étudiant est trop courte, on trouve bien moyen d'y pourvoir au dehors. Il y a des femmes qui mènent depuis fort longtemps cette existence, passant de l'un à l'autre, et qui doivent le bonheur de ne pas mourir de faim entre deux passions, à une espèce de réputation qui met un haut prix à leurs banales faveurs, et fait de leur possesseur actuel un perpétuel objet d'envie.

Enfin au bas de cette échelle, qui s'enfonce de plus en plus dans la boue, nous trouvons la fille publique dont il sera assez parlé ailleurs, pour que nous ayons le droit de nous ar rêter ici.

Consignons seulement, en finissant, cette observation, que la véritable courtisane, la courtisane capable de dominer son siècle et de laisser un nom derrière elle, est irrévocablement morte, tuée par la prédominance des intérêts matériels. L'argent, aujourd'hui,

coûte trop cher à gagner pour qu'on l'emploie à acheter un amour que la vanité espère avoir pour rien. D'ailleurs, les grandes passions s'en vont; la cupidité reste seule, et elle ne va guère sans un peu d'avarice. Aussi qu'arrivet-il? C'est que les femmes elles-mêmes, qui pourraient peut-être protester contre cette décadence générale, se prêtent aux circonstances, et achèvent de tuer la courtisane, en abandonnant tout ce qui lui donnait l'éclat et la splendeur, tout ce qui lui faisait une espèce d'auréole poétique. La prodigalité a disparu de ces mœurs qu'elle contribuait tant à rendre pittoresques et originales. La femme entretenue est économe aujourd'hui; elle a un de ses amants, choisi exprès, qui lui fait valoir ses fonds, et sur ses vieux jours elle se trouve de quoi acheter le droit de rentrer dans cette vie ordinaire et bourgeoise, dont une vie brillante et exceptionnelle eût fait peut-être pardonner l'abandon. En un mot, on se faisait courtisane autrefois par goût, par esprit philosophique, par laisser-aller. Aujourd'hui on choisit cette carrière froidement et par spéculation. C'était blâmable, c'est odieux;❘ c'était fâcheux, c'est méprisable. Le vice insouciant, joyeux, prêt à toutes les folies, avait une excuse dans l'esprit de vertige dont il paraissait frappé; le vice raisonnable et calculateur n'a plus rien pour combattre la réprobation qui tombe sur lui de tout son poids.

SAINT-AGNAN CHOLER.

COURTRAY. (Géographie.) Cortracum, Curtracum; en flamand Cortryk. Ville de Belgique, que l'on croit avoir été habitée par les Centrons, l'un des cinq peuples clients des Nerviens. La cavalerie de Courtray, equites *Corturiacenses, est mentionnée dans la Notice des dignités de l'Empire. Dès avant le septième siècle, Courtray avait le titre de ville municipale ainsi que Gand et Bruges, lorsque saint Éloi y prêcha l'Évangile vers 650. Charles le Chauve y avait un atelier monétaire. Les Normands, après avoir détruit Tournay et tous les monastères situés sur l'Escaut, fortifièrent Courtray (880), pour y passer l'hiver. En 988, un seigneur, nommé Elbode, y prit le titre de comte; mais, à sa mort, Baudouin IV reconquit la ville. Philippe le Bel, s'étant rendu maître de la Flandre, y laissa pour gouverneur Jacques de Châtillon.Celui-ci éleva un château à Courtray. Cette ville avait été entourée de murailles vers 1290. Ce fut près de cette place que Robert, comte d'Artois, à la tête des troupes françaises, perdit contre les Flamands, commandés par Jean, comte de Namur, et Guillaume de Juliers, la désastreuse bataille que l'histoire rappelle sous le nom de journée des éperons. Robert et les principaux chefs de son armée restèrent au nombre des morts. Les Flamands ramassèrent

plus de sept cents éperons dorés, dont un grand nombre fut suspendu aux voûtes de l'église Notre-Dame (1302). Courtray retourna à la Flandre; mais son château fut démoli. Rebâti en 1337, il fut détruit de nouveau, lorsque les Français reprirent et pillèrent la ville en 1382, après la bataille de Roosebeke. Courtray avait obtenu en 1323, de Louis de Crécy, des priviléges fort étendus; les habitants ne furent guère reconnaissants de cette libéralité; car, dans une émeute des Brugeois, Louis s'étant réfugié à Courtray, y fut saisi et livré aux révoltés (22 juin 1325). Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, y construisit un château fort pour empêcher les révoltes. Le duc Jean sans Peur, son fils et son successeur, y nomma un gouverneur. En 1646, les ducs d'Orléans et d'Enghien vinrent mettre le siége devant cette place; mais ils l'attaquèrent par l'endroit le plus fortifié, et après avoir été plusieurs fois sur le point de lever le siége, ils accordèrent au gouverneur une capitulation honorable. L'archiduc Léopold y rentra en 1648.

En 1744, Louis XV, à la tête de l'armée française, s'empara de Courtray, et en fit raser les fortifications. Les Français gardèrent cette place pendant quatre ans, et ne l'abandonnèrent qu'à la paix d'Aix - la - Chapelle (1748). Sous le gouvernement républicain, Courtray fut plusieurs fois pris et repris. Le 17 juin 1792, les Français s'en emparèrent ; mais ils n'y purent rester que jusqu'au trente du même mois. La bataille de Jemmapes le remit en leur pouvoir (novembre de la même année). La défaite de Neerwinde y fit rentrer les Autrichiens, qui en furent encore chassés dès les premiers jours d'avril 1794. Les armées républicaines remportèrent sous ses murs une éclatante victoire sur les troupes impériales.

Cette ville, qui compte une population de dix-neuf mille âmes, fut jointe au royaume des Pays-Bas en 1815, et depuis lors elle a partagé le sort de la Belgique. Elle fait maintenant partie de la province de Flandre occidentale.

Parmi les principaux monuments, on remarque une chapelle construite en hors d'oeu- · vre par Louis de Mâle (1374); l'église de Saint-Martin, où se trouve un curieux tabernacle en forme de tourelle, haut de quarante à cinquante pieds et datant du quatorzième siècle. La ville possède un des chefs-d'œuvre de Van-Dyck (le Christ à la croix).

Courtray est renommé par sa fabrication de toiles damassées et de linge de table, ses blanchisseries et ses dentelles. Cette ville possède une académie de dessin, une bibliothèque publique fondée par la libéralité de M. Coethals-Wercruysse (douze mille volumes imprimés et trois cents manuscrits), une société savante, un hôpital, un hospice

pour les vieillards, etc... Parmi les hommes célèbres qui y ont vu le jour, nous nous contenterons de signaler Jean Palfyn, l'inventeur du forceps, mort en 1730.

L'histoire de Courtray n'a jamais été écrite ; M. Goethals-Vercruysse a publié en flamand un excellent mémoire sur la bataille qui se livra sous les murs de cette ville en 1302. M. Voisin a donné de cet ouvrage une traduction qu'il a enrichie de notes sa

vantes.

ACH. D'HÉRICOURT. COUSIN. (Histoire naturelle.) Culex. Les plus frêles des insectes diptères, les cousins, n'en sont pas moins, pour l'espèce humaine, de véritables fléaux. Qui n'a frémi au son bruyant de leur approche? Qui n'a vivement souffert de leur piqûre embrasée ? Combien de moyens d'alarmer et de nuire sont réunis dans un si faible corps! Cependant le contraste que forment dans le cousin l'aspect le plus chétif, la puissance de la menace et la faculté de blesser douloureusement les plus fiers animaux, n'est pas encore le chapi tre le plus singulier de son histoire; ses formes sont plus étranges, et ses mœurs bien plus merveilleuses. La loupe nous fait connaître les premières; les observations du savant Réaumur nous font admirer les autres. Rien de plus élégant que ces plumets qui forment les an. tennes du mâle, composées de petits crins chez les femelles; rien de mieux conçu que ce dard pénétrant construit de plusieurs pièces, et protégé par un fourreau qui ne permet pas à sa pointe de s'émousser. Des yeux verdâtres à reflets rouges, des pattes d'une extrême longueur, des ailes vastes par comparaison avec l'exiguïté d'un corps qu'on dirait un fil, tant que du sang étranger ne le gorge point, complètent l'étrange aspect des cousins, dont on connaît plusieurs espèces, répandues dans toutes les parties du monde, plus grosses et plus incommodes dans les régions chaudes, où on les appelle moustiques, maringouins et bigayes.

Hôtes de l'air durant la dernière partie de leur existence, les cousins sont, comme les poissons, des habitants de l'eau durant la première. L'observateur le plus exercé ne sau. rait saisir le moindre trait de ressemblance entre la larve aquatique et l'insecte ailé qui doit en sortir. Après avoir, dans la belle saison, troublé le repos de nos plus douces nuits, défiguré souvent la beauté, en couvrant de pustules rougeâtres une peau d'autant plus sensible à la piqûre qu'elle est plus douce et polie, après avoir enfin fatigué nos oreilles d'un bruit irritant, toujours précurseur d'une pi qûre, les cousins gorgés de sang humain se livrent à l'amour. La femelle fécondée se rapproche des lieux humides où elle naquit; l'instinct lui apprend que dans la même humidité doit être le berceau de sa progéniture. Des. ENCYCL. MOD. T. XI.

cendant le long de quelque tige jusqu'à la surface de l'eau, elle se cramponne à quelque plante Jacustre qui lui sert de support durant le travail de la ponte, laquelle a lieu vers les six heures du matin. Chaque œuf est fait comme une petite ampoule dont l'ouverture sera tournée vers le bas, et plongera dans le fluide quand l'insecte en aura composé, avec tous ses œufs, par une admirable industrie, un véritable petit radeau destiné à flotter à la surface des mares tranquilles. La forme de la petite construction est telle, qu'il est presque impossible qu'elle chavire; et, certaine que ce précieux dépôt ne saurait être englouti, cette mère abandonne le berceau flottant, comme l'Israélite qui, ayant déposé l'enfance de Moïse à l'ombrage des roseaux du Nil, tournait en s'éloignant un regard de tendresse vers l'objet de son amour déposé sur l'onde inconstante, mais placé sous la protection de la Providence.

Une larve ne tarde point à sortir de chaque œuf par l'ouverture qui plonge; dépourvue de pieds, sous la figure de ces vibrions qu'on nomme communément anguilles de vinaigre, mais composée de dix anneaux distincts à la loupe, elle nage avec rapidité en se tortillant en tous sens. Sa tête est grosse, munie d'une bouche qu'entourent des houppes vibratiles qui nous ont paru avoir beaucoup d'analogie avec celles dont certains animaux de notre classe des microscopiques sont munis. On doit consulter Réaumur sur cette partie de l'existence du cousin; mais les détails donnés par ce grand observateur deviennent bien plus intéressants lorsqu'il décrit comment, au temps marqué pour sa métamorphose, la larve abandonne une liquide patrie pour se lancer dans un élément qui lui demeurait inconnu. · Elle cesse d'abord de s'agiter, sa peau se durcit, quoique toujours dans l'eau, et ne permettant plus ces mouvements rapides au moyen desquels nageait le petit animal, celui-ci, porté par sa légèreté à la surface, flotte, allongé, comme le ferait un fétu de paille. Par les mouvements qu'il se donne dans l'intérieur de cette sorte d'étui, qu'il fait fendre longitudinalement, il surnage durant quelques instants, relevant son corps comme le mât de sa petite barque. Enfin les pattes se dégagent, paire par paire, d'un tel appareil. Le jeune cousin les pose sur l'eau même, où sa légèreté fait qu'il n'enfonce point au moment où il se dégage des langes aquatiques: et dans cette nouvelle position, ses ailes, se déplissant en un instant, ont acquis la solidité nécessaire pour l'élever en voltigeant au-dessus de l'étang où il plongeait naguère. Il n'y toucherait plus sans périr, comme il fût mort peu d'instants auparavant si on l'en eût tiré. Il n'est pas aussi difficile de suivre les métamorphoses des cousins qu'on pourrait le

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croire. Ces insectes, vivant dans nos demeures et pressés par le besoin de pondre, déposent si souvent leurs œufs dans les moindres trous qui contiennent de l'eau, que des baquets exposés dans nos cours s'en trouvent souvent remplis. C'est ainsi qu'on a pu étudier facilement l'histoire des cousins, bien mieux connue maintenant que celle d'animaux plus considérables.

Dans les régions chaudes, où les cousins sont beaucoup plus nombreux, forts, avides et hardis, qu'ils ne le sont sous un ciel tempé ré, on a beaucoup de peine à s'en garantir. Ils assaillent le voyageur en vols innombrables, et dans certains pays se jettent de préférence sur les étrangers, dont la peau, que n'a point encore altérée l'ardeur du climat, leur semble plus tendre. Quand l'auteur de cette notice arriva à l'Ile-de-France, la première terre sur laquelle il mit le pied entre les tropiques, il en fut bien plus maltraité que par la suite. Il faut environner les lits d'une gaze, appelée moustiquière, pour s'en mettre hors d'atteinte; mais dans les bois, le long des rivières et des marais, où l'on ne peut s'environner du rempart léger que forme une étoffe, le naturaliste, exposé aux inclémences de l'air, cherche en vain le sommeil, tourmenté qu'il est par ces petits monstres acharnés. Les nègres se frottent la peau d'une huile de coco félide pour les éloigner, et malgré cette précaution, les bigayes les piquent encore parfois.

Depuis la rédaction de cet article, l'auteur a reconnu que le climat de la zone torride n'était pas le seul où les cousins fussent des animaux fort dangereux; il les a retrouvés non moins féroces sur les bords de l'Alphée et vers l'embouchure de l'Eurotas. Ils sont particulièrement dans ce dernier lieu, aux plaines d'Hélos, si nombreux, qu'on a lieu d'être surpris que l'antiquité grecque n'en fasse pas mention. Nous renverrons à notre relation de la commission scientifique de Morée à ce sujet ; on y verra comment une des plus petites espèces de ce genre d'insectes, jusqu'alors inconnue des entomologistes, fut la principale canse des maladies qui vinrent tout à coup interrompre nos travaux.

BORY DE SAINT-VINCENT. COUSSINETS. (Mécanique.) Les coussinets sont des pièces entre lesquelles sont main. tenus et tournent les arbres des engrenages et des poulies, et en général tout ce qui est animé d'un mouvement de rotation dans les machines. Ils sont ordinairement en métal ou en bois très-dur, tel que le buis, le gaïac, etc. Leur forme est demi-cylindrique; en sorte qu'en en réunissant deux, on obtient un cylindre entier, creux, qui maintient les pièces tournantes de tous les côtés.

Chaque paire de coussinets est elle-même portée par une autre pièce nommée paillet, qui fait corps avec le bâtis de la machine, on qui y est boulonnée, ou qui est simplement fixée sur une maçonnerie solide, si la machine n'a pas de bâtis.

Les paillets sont composés de deux pièces, sur chacune desquelles est ajusté un des deux coussinets. La pièce inférieure est le paillet proprement dit : c'est la plus volumineuse des deux, parce qu'il faut qu'elle résiste au poids de l'arbre, augmenté de celui des engrenages; l'autre s'appelle le chapeau : elle est destinée à empêcher l'arbre de se soulever, dans le cas où il y serait sollicité par la puissance.

Elle est fixée à la pièce inférieure au moyen de deux ou quatre boulons qui les traversent toutes les deux de part en part.

Il est essentiel que chaque paire de coussinets ait exactement la même longueur et le même diamètre que le tourillon de l'arbre qui y tourne, pour empêcher tout mouvement autre que le mouvement de rotation.

Les coussinets sont ajustés de différentes manières sur les paillets. Tantôt ils entrent dans une entaille rectangulaire où ils sont retenus par deux parties saillantes, entrant dans deux rainures correspondantes, pratiquées dans le paillet; tantôt ils sont taillés extérieurement à six pans, et ils entrent dans une entaille également à six pans. Ils sont alors rendus immobiles, dans le sens de l'axe, par deux saillies qui forment couronne de chaque côté ; tantôt enfin l'entaille du paillet, au lieu d'être à six pans, est cylindrique, et alors l'ajustement des deux pièces est très-facile, puisqu'il ne s'agit plus que d'abaisser l'entaille du paillet, et de tourner la paire de coussinets, de manière à ce que l'une emboîte parfaitement dans l'autre.

Si les tourillons des arbres étaient à l'abri de toute usure, la matière la plus dure serait celle qui conviendrait le mieux pour les coussinets; mais comme les tourillons sont toujours, comme la totalité de l'arbre, en fer ou en fonte, qu'ils s'useraient fort vite s'ils tournaient sur des matières plus dures, et que les arbres doivent être préservés de l'usure préférablement aux coussinets, parce qu'il est toujours plus facile et moins coûteux de rem. placer les seconds que les premiers, il est essentiel qu'ils soient d'une matière plus tendre.

Dans les grandes machines, on les fait ordinairement en cuivre ou en bronze; et ce sont les matières qui conviennent le mieux ; cependant on a essayé le buis et le gaïac dans les machines légères, et on s'en est bien trouvé; on s'est même servi de ces bois pour les grandes machines, espérant diminuer la résistance occasionnée par le frottement; mais c'était une erreur, que les dernières expériences sur le

frottement, de M. Morin, ont parfaitement démontrée. Ces coussinets s'échauffent d'ailleurs facilement, et ils ont le très-grand désavantage de donner une odeur fort désagréable. Ils ne sont pas non plus d'aussi longue durée que les coussinets en cuivre et en bronze, et ils ne garantissent pas plus que ces derniers les tourillons de l'usure.

On obtient le minimum de résistance due au frottement avec des coussinets en métal sur lesquels tournent des tourillons en métal, quelle que soit d'ailleurs la nature des deux métaux, soit du fer, soit du bronze, soit de la fonte, soit du plomb, soit un alliage de plusieurs de ces métaux entre eux, etc., etc., la manière dont les coussinets sont graissés influant seule sur cette résistance. La nature de la substance avec laquelle on graisse, n'a non plus qu'une médiocre influence. L'essentiel est de bien graisser.

Selon les expériences de M. Morin, le rapport du frottement à la pression pour les tourillons en métal sur des coussinets en métal, lorsque l'enduit est renouvelé d'une manière continue, est cinquante-quatre millièmes, soit que l'enduit soit de l'huile d'olive, du saindoux, du suif ou du cambouis mou. Il est quatorze centièmes quand l'enduit est onctueux; et il atteint jusqu'aux vingt-cinq centièmes quand il est très-peu onctueux.

L'enduit qui convient le mieux est l'huile de pieds de bœufs, parce qu'elle sèche difficilement, et parce qu'elle ne coûte pas trèscher. C'est elle qui est généralement employée.

CHARLES RENIER.

COUTANCES. (Géographie et Histoire.) Constantia. Ville de Normandie, ancienne capitale du Cotentin, aujourd'hui chef-lieu de sous-préfecture du département de la Manche, siége d'un évêché, d'un tribunal de première instance, d'un tribunal de commerce et d'une cour d'assises, avec une population de 7,920 habitants.

On croit généralement que cette ville doit son nom à Constance-Chlore, qui la fit entourer de fortifications et y établit une garnison. C'est probablement de cette époque que date l'aqueduc dont on voit encore quelques arches, connues sous le nom des piliers. Le siége épiscopal de Coutances fut fondé en 430 par saint Éreptiole, qui en fut le premier évêque. Saccagée et en partie dépeuplée en 866, cette ville fut cédée aux Bretons par Charles le Chauve en 886, et l'évêché transféré d'abord à Saint-Lô, puis à Rouen, vers 888. En 943, Hérold, roi de Danemark, ayant été détrôné, se réfugia près de Guillaume II, duc de Normandie, qui lui donna le Cotentin, et Hérold fixa sa résidence à Coutances. Pendant la guerre de Cent Ans, cette ville ayant em

brassé le parti des Anglais, fut ruinée par Charles V en 1378. Reprise et pillée par les Anglais en 1431, elle fut reconquise en 1449 par l'armée française sous les ordres du duc de Bretagne. En 1465, elle se soumit au duc de Berry, révolté contre le roi. Les protestants s'en emparèrent en 1562, et en furent chassés en 1575. Le présidial du Cotentin y fut établi en 1580.

La ville de Coutances ne possède, comme monument, qu'une belle cathédrale, consacrée en 1056, et d'une architecture extrêmement remarquable; l'évêché, dont le revenu était jadis de 44,000 livres, est suffragant de l'archevêché de Rouen.

L'industrie est assez active; il y a des fabriques de parchemin, de coutils, siamoises, droguets, mousseline; des ateliers d'œuvre de marbrerie, de taille de cristaux. Il se fait un commerce considérable de grains, beurre, volailles, œufs, bestiaux, chevaux, fil de lin et de chanvre, laine, plumes, etc.

C'est la patrie de l'abbé de Saint-Pierre, du littérateur Desessarts, du ligueur Feuardent, etc.

L'abbé Bisson, Almanach historique, ecclésiastique et politique du diocèse de Coutances; in-16, 1770-81.

COUTEAU. (Chirurgie.) On donne ce nom à plusieurs instruments à lame fixe sur le manche, de formes et de dimensions différentes, et qui sont employés dans les opérations chirurgicales.

Le couteau à amputation avait autrefois une forme analogue à celle d'une faucille; il est maintenant à lame droite, de longueur variable, suivant la grosseur du membre sur lequel il doit agir, à un ou à deux tranchants. Dans ce dernier cas, il porte le nom de couteau interosseux, et sert pour les amputations de jambe, d'avant-bras, et quand le manuel opératoire exige que le couteau pénètre par la pointe.

Le couteau à cataracte sert à pratiquer la section de la cornée dans l'opération de la cataracte par extraction. La forme la plus employée est celle que l'on nomme Couteau de Richter. La lame est pyramidale, tranchante dans toute la longueur d'un de ses bords, émoussée dans les cinq sixièmes de l'autre.

Le couteau lenticulaire est employé dans l'opération du trépan pour enlever les inégalités laissées par la couronne à la table interne de l'os. C'est une lame droite, plane sur un de ses côtés, convexe de l'autre, tranchante sur ses deux bords, et terminée par un bouton d'une forme analogue à celle d'une pastille de chocolat. Ce bouton s'unit à la lame par son côté plat.

On a donné le nom de couteau à beaucoup d'autres instruments, inusités aujourd'hui pour la plupart. A. LE PILEUR.

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