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biens seront respectés et laissés à leurs pos

sesseurs.

Ces conditions acceptées, on reçut le serment de soumission et de fidélité des notables et chefs des Coptes, et on les chargea de faire le dénombrement des individus passibles de la rétribution annuelle de deux dinârs. Le nombre de ces individus s'éleva à six millions (1). Les Grecs furent laissés libres de quitter l'Égypte; ceux qui y restèrent durent payer les deux dinârs par tête à une administration à part et qui devait avoir son siége à Alexandrie.

Le Moucaukis transmit à Héraclius les détails des événements qui l'avaient forcé à se soumettre aux musulmans. Héraclius, irrité, accusa le Moucaukis de lâcheté et de précipitation, et lui commanda de renouveler la guerre. Mais le Moucaukis, ainsi que tous les Coptes, fatigué du jong des Grecs, s'en tint à ce qu'il avait conclu, et depuis il prévint Amr de se défier de leurs ennemis communs et de ne faire avec eux ni paix ni trêve.

Amr, en homme habile, profita de l'inimitié qui divisait les Coptes et les Grecs, et tout en exigeant que l'activité des marchés fût ré. tablie, que les chaussées et les digues des campagnes fussent réparées, entretenues et conservées par les Coptes, il témoigna à ceuxci toute la déférence convenable.

S VIII. Siége et prise d'Alexandrie. Lorsque Amr était encore à Héliopolis, il envoya proposer aux Alexandrins de se soumettre à lui. La proposition fut repoussée avec mépris. Héraclius, de son côté, avait expédié, par mer, des troupes suffisantes pour tenir tête aux musulmans; elles abordèrent à Alexandrie.

Amr se mit en marche dès que les eaux de l'inondation le lui permirent. Plusieurs Coptes des plus distingués le guidèrent dans sa route, et pourvurent aux besoins de l'armée. Les Grecs vinrent à la rencontre des Arabes, et les trouvèrent à Marioût (l'ancienne Maréo. tis), à 10 milles d'Alexandrie. Il y eut une légère escarmouche, dans laquelle les Grecs furent battus. Il en fut de même auprès d'une hauteur appelée depuis Kaûm-Chéryk ou butte de Chérik, du nom du chef qui commandait l'avant-garde d'Amr.

A Karyoûm, la lutte fut sanglante, et se prolongea pendant près de dix jours. A la journée la plus meurtrière les musulmans rompirent l'ennemi sur tous les points, firent un affreux carnage, et poursuivirent les Grecs jusque sous Alexandrie.

La ville, bien fortifiée, se disposa à une défense vigoureuse. Héraclius, prévoyant les

(1) Le dinár valait, dit-on, environ 15 francs 78 cen. times.

conséquences de la perte d'Alexandrie, se prépara à passer lui-même en Égypte. L'expé- · dition était déjà en mer; mais Héraclius mourut de mort subite, et la plupart des troupes revinrent à Constantinople.

Le siége d'Alexandrie durait depuis cinq mois. A la nouvelle de la mort de l'empereur, les Arabes combattirent avec un nouvel enthousiasme, et les Grecs, dans leurs sorties, eurent presque toujours le dessous. Dans une de ces sorties, Amr et trois autres chefs musulmans se trouvèrent enfermés dans la forteresse, où ils étaient entrés en poursuivant les ennemis; ils recouvrèrent la liberté par un combat singulier dont l'un d'eux, Muslamah, sortit vainqueur. Les Grecs surent plus tard qu'ils avaient eu Amr en leur pouvoir, et maudirent la destinée qui les avait trompés.

Cependant le siége traîna encore en longueur. Le khalife Omar, impatienté, attribuait ces insuccès à quelque péché ou froideur religieuse. Il écrivit à Amr de haranguer l'armée, d'en ranimer la ferveur, de donner bataille un vendredi à midi, heure à laquelle Dieu accorde plus généreusement ses grâces. Amr suit ce conseil, ordonne à ses troupes de se purifier, puis de faire la prière, et d'attaquer. l'ennemi. Les Arabes triomphent, et entrent de vive force à Alexandrie. Le siége durait depuis un an. Mille hommes furent laissés dans la ville pour la garder, et avec le reste Amr poursuivit les fuyards. Mais ceux des Grecs qui s'étaient retirés sur les vaisseaux profitèrent de l'absence d'Amr et du gros de l'armée, débarquèrent tout à coup, et chassèrent les Arabes d'Alexandrie. Amr accourut, et reprit la ville.

Amr expédia un message à Omar pour lui annoncer la victoire des musulmans, et peu après une lettre en informa officiellement le khalife. Les livres arabes racontent que la première nuit qui suivit la prise de la ville soixante-dix mille Juifs s'enfuirent; des deux cent mille Grecs hommes qui l'habitaient trente mille s'embarquèrent avec leurs familles et ce qu'ils purent emporter de leurs richesses; cent gros vaisseaux mouillés devant Alexandrie en furent chargés, et les emportèrent à Constantinople et sur d'autres points maritimes de l'empire grec. Le dénombrement de la population de la ville donna six cent mille individus passibles de l'impôt, sans compter les femmes et les garçons impubères. Un impôt de deux dinârs par tête avait été fixé pour tout le reste du pays; la taxe pour Alexandrie, comme ville prise de force, fut laissée à la discrétion du gouverneur.

Amr songea à faire d'Alexandrie le siége du gouvernement de l'Égypte. Il en référa au khalife. Omar répondit qu'il ne voulait être séparé d'aucun centre des gouvernements

musulmans par de l'eau; qu'il voulait pouvoir aller en tout temps, pendant l'inondation même, visiter le gouverneur de l'Égypte, sans descendre de dromadaire. Amr quitta donc Alexandrie. Peu après il fonda une ville, Fostât; l'emplacement est aujourd'hui occupé en partie par le Vieux-Caire.

§ IX. Division territoriale de l'Égypte.

Revenus.

Impôts. D'après les récits arabes, l'ancienne Égypte avait 135 koûrats ou districts. Avant la terrible invasion de Bokht-Nassar (Nabuchodono. sor), déjà 68 avaient été ruinés. Plus tard elle eut 85 districts; à l'époque de l'islamisme elle n'en avait plus que 40.

Ensuite l'Égypte fut divisée en deux grandes parties dont Fostât était le point moyen: Égypte méridionale, Égypte septentrionale. Et le tout fut partagé d'abord en 26 districts. Plus tard, on fit 28 districts pour la HauteÉgypte et 25 pour la Basse-Égypte. En 345 de l'hégire, le nombre de bourgs et villages était de 2,395.

En 117 de l'hégire (733 ère chr.), d'après un relevé de l'état du pays sous El-Walyd, qui gouvernait l'Égypte, il y avait 10,000 bourgs et villages, et 5,000,000 de contribuables. Ainsi, dans une période de 228 années lunaires, 7,605 localités habitées avaient disparu !! Quelle accusation contre l'esprit administrateur des musulmans!

Amr, après avoir pacifié sa conquête, avait donné un bel exemple qui ne fut guère suivi de ses successeurs. Il s'était informé auprès du Moucaukis de quelle manière l'Égypte était gouvernée, quelle voie était la meilleure pour conserver le pays prospère. Les successeurs d'Amr ne consultèrent que leur avidité et leur fanatisme; et en peu de temps les exactions, les spoliations escomptèrent les revenus de l'Égypte.

Anciennement les rois kibt distribuaient l'emploi des revenus de l'État en quatre parties une était pour les dépenses personnelles du souverain; une autre, pour les besoins de l'armée; la troisième, pour les travaux d'entretien ou de construction de canaux, de chaussées, de digues et de ponts; la quatrième était déposée en réserve pour les circonstances imprévues.

Amr établit aussi un certain ordre dans l'u. sage des recettes. Il envoyait au khalife le produit du djizieh, mais après en avoir prélevé les sommes nécessaires pour les travaux publics, c'est-à-dire, pour le curage et les réparations des canaux, l'entretien des chaussées, des ponts, des digues, pour le déblaiement des îles accidentelles sablonneuses que le Nil amasse çà et là dans son lit. Ces dépenses consommaient annuellement 120,000 dinars.

Dès, la deuxième ou troisième année de la conquête de l'Égypte, Omar ordonna à Amr de distinguer les Kibt contribuables, par la manière de porter la ceinture, et par une plaque de plomb où se voyait le cachet d'Amr. « Le << taux du djizieh, dit Omar, sera de 40 drach. « mes d'argent pour ceux qui n'ont ordinaire. << ment que de l'argent, et de quatre dinârs << pour ceux qui possèdent de l'or. Sont excep. «<tés les individus non pubères, et les fem« mes. De plus, il sera fourni du blé, de « l'huile, de la graisse, du miel, des toiles « et des vêtements. »

Lorsque Amr vit son autorité bien assise, il chargea les Coptes de collecter l'impôt des Grecs. Il fixa l'impôt territorial, ou kharâdj, par quotités proportionnelles aux produits agri. coles et commerciaux.

Lorsque ces produits diminuaient ou s'accroissaient dans une localité, les notables, les inspecteurs se rassemblaient, examinaient les causes de déficit ou de prospérité, et fixaient la convenance ou la non-convenance d'une diminution ou d'une augmentation de l'impôt. Les Coptes, de leur côté, réservaient les revenus de certaines terres pour les dépenses des églises, pour subvenir aux frais à suppor ter lors des visites du gouverneur de l'Égypte dans les provinces, etc. Des suppléments de taxes passagères se faisaient encore dans les circonstances imprévues.

Quand un individu ne pouvait payer son impôt parce que ses récoltes avaient manqué, on reportait sa dette sur les autres habitants de la localité.

Dans plusieurs endroits, il y avait le djizieh personnel et le djizieh local. Ce dernier était le résultat d'une punition infligée à un pays; et si dans ce pays un individu mourait sans avoir d'héritier, les biens du mort restaient à la commune. Mais dans un pays qui n'avait pas de djizieh local, les terres de ce mort devenaient propriété musulmane, c'est-à-dire propriété de l'islamisme, et, comme on le dit à présent, propriété du sultan, dont les musulmans sont les usufruitiers. Par cette voie, et par suite de l'islamisation de quelques Coptes, nombre de propriétés devinrent propriétés musulmanes. Bientôt se multiplièrent les expropriations violentes, les exactions, et les Coptes se trouvèrent peu à peu dépouillés. Bien plus, sous Hadjâdj Ibn-Yoûçef, les Coptes qui s'étaient convertis à l'islamisme furent, malgré le texte formel de la loi musulmane, forcés de payer le djizieh. Ils en furent exemptés sous Omar Ibn-Abd-el-Azyz.

Amr, dépouillé du gouvernement de l'Égypte et rappelé en Arabie par l'ombrageux Othman, le troisième khalife, eut pour successeur Abd-Allah. Mais environ quatre ans après, lorsque les Grecs, dans une révolte

tentèrent de reprendre Alexandrie, les Coptes redemandèrent Amr pour faire face aux événements; Othman renvoya Amr en Égypte, et

ainsi rétablit l'ordre.

Abd-Allah, pour se donner quelque relief, s'occupa de suite d'augmenter les impôts. Les Coptes patientèrent, les exigences se renouvelèrent à plusieurs fois; les Coptes payèrent. Mais en 107 de l'hégire le mécontentement éclata. Les chrétiens Kibt, fatigués des surtaxes qu'on leur imposait à tout moment, irrités de voir leurs églises dépouillées peu à peu de leurs propriétés, impatientés des mépris et des outrages qu'on leur prodiguait, essayèrent de la révolte, et jusqu'en 151 de l'hégire l'insurrection se renouvela cinq fois. Les musulmans eux-mêmes protestèrent par la même voie contre la cupidité et l'injustice des gouverneurs de l'Égypte.

S X. Les Coptes sous les gouvernants musulmans.

Lorsque les musulmans vinrent en Égypte le pays était presque uniquement habité par les chrétiens divisés en deux sectes: les mélikites, tous Grecs et au nombre de plus de 300,000, et les jacobites, tous Coptes, formant la population égyptienne, au nombre de plusieurs millions. Les Grecs représentaient la force et l'autorité du gouvernement de Constantinople; ils en étaient la milice. Les Coptes fournissaient à l'administration les employés secondaires et inférieurs. Les travaux agricoles, les constructions et réparations des édifices, des ponts et chaussées, les divers négoces de détail, les perceptions des impôts, étaient l'œuvre ou la fonction des Coptes.

Mais les Coptes nourrissaient une haine implacable contre les Grecs, et ils ne résistèrent aux musulmans, dans le principe, que pour l'apparence; ce fut réellement sur les Grecs que Amr fit la conquête de l'Égypte. Amr saisit l'état des choses du premier coup d'œil. Il s'attacha les Coptes par les égards d'un maître intelligent, leur assura la jouissance de leurs biens, et chercha même à être agréable à tous dans leurs désirs religieux. A peine fut-il maître d'Alexandrie, qu'il écrivit à Benjamin, le patriarche copte, le rappela de la Thébaïde et lui rendit le patriarcat.

Benjamin était en exil depuis treize ans : il revint et témoigna sa reconnaissance à Amr. Alors les Coptes furent mis en possession de toutes les églises et de tous les monastères, et on leur laissa liberté entière pour l'exercice de leur culte. Benjamin mourut à Alexandrie en 39 de l'hégire. Son successeur fut Aghátona (Agathon), et il tint le siége patriarcal pendant dix-sept ans. Il fonda à Alexandrie l'église de Saint-Marc, qui fut détruite au commencement du septième siè

cle de l'hégire, sous le règne de Malek-Adel, sultan d'Égypte.

Après Aghatona, Isaak et ensuite Simon le Syrien furent élus patriarches à Alexandrie. Une députation de plusieurs Indiens vint demander à Simon de lui désigner un évêque qui vint avec elle aux Indes. Simon voulut en référer au gouverneur de l'Égypte ; cette idée déplut aux jacobites, qui déposèrent Simon. Le patriarcat resta vacant pendant trois ans. En 81 de l'hégire, Alexandre fut élu patriarche, et il en conserva les fonctions pendant vingt-cinq ans. Mais il eut à souffrir des musulmans, à deux reprises, des vexations extraordinaires, pendant lesquelles il lui fut extorqué par le gouvernement 6,000 dinårs.

Sous le patriarcat d'Alexandre, on imposa aux moines, en plus, un djizieh d'un dinar par tête. En 96 de l'hégire, et, selon d'autres, en 87, les Coptes furent exclus de toutes les fonctions qu'ils remplissaient dans les administrations. Abd-Allah, fils d'Abd-El-Mélik, qui alors gouvernait l'Égypte pour le khalife El-Walyd, ordonna que tous les états et registres, qui jusqu'à ce jour avaient été tenus et écrits en copte, fussent désormais tenus et écrits en arabe. Cet ordre, rationnel dans son principe, porta un coup violent à la langue copte, qui de ce moment marcha à sa décadence. Les Coptes, pour se conserver l'importance que leur donnait leur habileté en administration financière, cultivèrent activement la langue arabe, et par là obligèrent encore les gouvernants à se servir d'eux. Vingt fois chassés des divans ou fiscs, les Coptes, en raison de leur expérience pratique, y furent toujours forcément rappelés. Par leur savoir-faire, ils surent se rendre indispensables, et souvent les plus haut placés d'entre eux furent utiles à leurs frères, dans les jours de persécution. Car, dès les premières dix ou douze années qui suivirent la conquête', les Coptes eurent à regretter d'avoir favorisé les succès des armes musulmanes.

Ainsi, Oçâmah obligea tous les moines à avoir au poignet, comme signe distinctif, et sous peine d'avoir la main coupée, un anneau en fer portant écrit le nom du moine, son âge et le nom de son monastère. De plus, tout chrétien trouvé sans papier de reconnaissance était passible d'une amende de dix dinårs. Peu de temps après, Oçâmah se présenta dans les couvents, en enleva une foule de moines en contravention avec son ordre, en fit décapiter un certain nombre, et fit mourir les autres sous les coups. Les églises furent pillées, les croix brisées, les peintures et statues sacrées détruites. Yézyd était alors khalife. Sous Hichâm, ordre.fut donné de laisser les Coptes vivre en paix, d'après les anciens traités. Mais en 119 de l'hégire Hanzha

lab, devenu pour la seconde fois gouverneur de l'Égypte, renouvela les tribulations des Coptes: il augmenta l'impôt, et ordonna que tous les chrétiens, sous peine d'avoir la main coupée, y portassent un lion tatoué.

En 110 de l'hégire Théodore fut élu patriarche, et en 117 il fonda l'église de Saint-Mina, hors du Vieux-Caire. En 120, le patriarche Michaël (Chail) succéda à Théodore. Sous Michaël les Coptes se révoltèrent sur plusieurs points contre les musulmans. Le patriarche fut pris par le gouverneur, chargé de fers et condamné à payer aux musulmans une somme considérable. Il alla visiter tous les évêques, et ne réunit qu'à grand'peine la somme demandée, tant la misère était grande parmi les Cop

tes.

Léon l'lsaurien donna un patriarche mélikite à Alexandrie; il y avait alors soixante-dix-sept ans que les mélikites n'avaient vu en Égypte un patriarche de leur communion.

Quatre ans après la mort du patriarche Michaël, jacobite, et en 150 de l'hégire, les Coptes des environs de Sakha (Eóïç, Xois?) se révoltèrent. Les musulmans marchèrent contre eux, furent surpris de nuit, et battus. Mais les Coptes furent ensuite réduits, leurs églises dévastées et la plupart démolies : elles furent rebâties quelque temps après. Sous le patriarcat de Jean et sous celui de Marc, tous deux jacobites, les chrétiens d'Égypte eurent à souffrir des vexations nombreu. ses. En 196, lors de la querelle armée du célèbre El-Mâmoûn et d'Émyn, son frère, les demeures des chrétiens d'Alexandrie furent pillées, plusieurs églises et monastères incendiés. La dévastation s'étendit jusqu'aux couvents de la vallée de Habyb.

Après la mort de Marc, les jacobites confièrent le patriarcat à Jacob. Cette même année (en 216 de l'hég.) les Coptes se révoltèrent, mais ils furent bientôt abattus. Le khalife ordonna de tuer tous les hommes qui avaient participé à la révolte, et de vendre leurs femmes et leurs enfants. Ce coup terrible diminua tellement le nombre des Coptes qu'il leur fut désormais impossible de se révolter.... Ils changèrent dès lors leur plan de conduite; ils remplacèrent la force par la ruse et l'adresse. Ils s'introduisirent dans toutes les administrations, surtout dans les administrations du fisc. Ils s'emparèrent de l'esprit des personnages élevés, dont ils maniaient et faisaient fructifier les intérêts, et se rendirent nécessaires dans les affaires publiques et dans les affaires particulières. Partout ils s'étaient fait admettre, par leur habileté et leur activité, comme secrétaires, intendants, percepteurs, comptables, etc. Par là ils acquirent bientôt une importance immense, et ils rançonnèrent à leur tour les ennemis qui les avaient persécutés, qui les

méprisaient, mais ne pouvaient plus se passer d'eux.

Cette nouvelle position, dont souvent les Coptes abusèrent, leur amena de terribles moments. Ainsi, en 235 de l'hégire il fut ordonné par un édit que toutes les églises bâties en Égypte depuis la conquête fussent détruites, que toute maison, propriété d'un chrétien, fut grevée d'un impôt égal au dixième de la valeur de la maison, que toute demeure des chrétiens portât une image du diable en bois, que toute cérémonie religieuse extérieure fût prohibée, que toutes les tombes des chrétiens fussent abattues à ras de terre, que tous les Coptes fussent exclus de tous services ou fonctions.

Quatre ans après, de nouveaux ordres analogues et vexatoires furent donnés.

En 244 de l'hégire les jacobites élevèrent Cosmah (Cosmas) au patriarcat; il y resta sept ans et cinq mois. Ce fut pendant ce temps que Théophile, fils de Michel, empereur de Constantinople, décréta la destruction de toutes les statues des églises de l'Égypte. Cosmal alla trouver l'empereur, et fit révoquer l'ordre.

Quarante ans après, sous le gouvernement d'Ahmed, fils de Touloûn, le patriarche Michel, jacobite, fut frappé d'une contribution de 20,000 dinars. Il lui fallut, pour les payer, vendre plusieurs propriétés et même une église. Après la mort de Michel, qui fut patriarche pendant vingt-cinq ans, le patriarcat resta vacant durant quatorze ans. Enfin, en 201 de l'hégire, les jacobites élurent pour patriarche Gabriel; et pendant son patriarcat l'impôt personnel fut appliqué aux hommes et aux femmes. Plus tard les évêques, les moines et même les indigents en furent aussi frappés; mais, sur une réclamation des Coptes, cet impôt fut supprimé. Quinze ans après, le patriarche mélikite Félix, fils de Patrice, mourut, et les musulmans alors enlevèrent de Tinnis (Tanis) les vases sacrés, et les portèrent à Fostât. Ils furent rachetés par un évêque pour 5,000 dinârs, qu'on réalisa en vendant des propriétés foncières appartenant à diverses églises.

Pendant un demi-siècle les Coptes furent laissés en paix. Le patriarche jacobite Abraham eut pour successeur Philothée, qui ensuite laissa le siége à Zacharie.

Les neuf dernières années de la vie de Zacharie furent un long tourment pour lui et pour les chrétiens d'Égypte. C'était sous le gouvernement de l'extravagant Hâkem-BiAmr-Allah. Les Coptes étaient revenus à toutes les fonctions des administrations, et beaucoup d'entre eux avaient acquis une grande puissance d'action, et une fortune considérable. Leur contenance envers les mu

sulmans était fière et hautaine. Hakem expulsa les Coptes de toutes les fonctions, confisqua les biens-fonds des églises et des couvents, brûla les croix, et permit le pillage de plusieurs églises et des demeures des chrétiens. Il ordonna aux hommes de porter chacun, au col, une croix de bois pesant cinq livres. Il défendit à tout musulman loueur de montures, à tout batelier, de transporter des chrétiens. Enfin, pour dernier coup, chrétiens et juifs furent condamnés, en masse, à s'exiler de l'Égypte; mais sur une supplique présentée par ces malheureux, l'ordre fut révoqué... Plusieurs chrétiens, vaincus par tant de souffrances, embrassèrent l'islamisme.

En 466 de l'hégire Cyrille fut élu patriarohe par les jacobites. Il eut pour successeur Michel. Une année que le Nil s'arrêta dans sa crue, Mostanser-Billah, alors sultan d'Égypte, envoya Michel en Abyssinie, avec des présents. Le patriarche demanda au roi abyssin de laisser écouler les eaux du fleuve. Le roi fit ouvrir une digue qu'il avait construite, et en une nuit le Nil augmenta de deux coudées. Ensuite la crue continua, et toutes les terres d'Égypte furent abreuvées. Michel, à son retour, fut honorablement traité par Mostanser-Billah. Michel, après neuf ans et huit mois de patriarcat, mourut à la Moallacah, église du Vieux-Caire; car depuis assez longtemps Alexandrie n'était plus le siége des patriarches. Les persécutions les avaient forcés à promener leur résidence dans différentes localités.

En 492 Macaire, jacobite, reçut le patriarcat il alla faire confirmer et consacrer, comme d'habitude, son élection à Alexandrie, et revint à l'église du Vieux-Caire, où il resta vingt-six ans. Le siége fut ensuite vacant pen. dant deux ans et deux mois. Puis quatre patriarches se succédèrent dans la Moallacah, jusqu'en 584, époque à laquelle fut élu Jonas. Jonas avait acquis dans le commerce une fortune de 17,000 dinârs: il l'employa tout entière au soulagement des pauvres.

Après quelques années de vacance, le patriarcat fut confié à Daoud. Il rétablit des évêques dans un grand nombre d'églises et de monastères. Après lui le patriarcat demeura encore vacant pendant sept ans et demi. Puis, en 648 de l'hégire les jacobites élurent Athanase. Ce fut du temps de ce patriarche que le vizir Açad Charaf Ed-Dyns doubla le djizieh sur les Coptes.

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faits, à ce qu'en a rapporté M. Et. Quatremère, dans ses Mémoires chronologiques et historiques sur l'Égypte ( 2o vol., p. 220 et suivantes).

En 721, un vendredi ou jour sacré des musulmans, éclata une sorte de conspiration contre les églises, sur plusieurs points de l'Égypte et à la même heure. Des musulmans, simulant les inspirés, à la prière et au préche de midi, crièrent qu'il fallait détruire les églises chrétiennes, les sacrifier à la gloire de Dieu et de l'islamisme. La populace aussitôt se précipita dans les églises, pilla, massacra, se porta à tous les excès du fanatisme. Les détails de cette horrible explosion, ainsi que des représailles quecommirent ensuite les chrétiens en jetant le feu dans plusieurs mosquées, sont racontés dans les mémoires de M. Et. Quatremère (2o vol., p. 225 ).

Frente-quatre ans après, on dressa l'état des wacf ou biens fonds des églises et des couvents, et le relevé s'en éleva à 25,000 feddans de terres. Les Coptes avaient encore une fois reconquis leur importance dans les administrations publiques, et leurs manières d'agir envers les musulmans en avaient suscité les jalousies et les haines; de à la mesure dont nous venons de parler. Des plaintes furent adres-sées au sultan d'Égypte; on lui demanda de rabattre la fierté des chrétiens. Une grande assemblée fut convoquée : le patriarche, les principaux des Coptes, le grand rabbin et les principaux des Juifs y furent appelés. Là, en présence des grands, des câdis, on relut les anciennes capitulations consenties par les chrétiens, les juifs et les musulmans, et il fut arrêté que tous les Coptes employés dans les affaires publiques et particulières seraient dépouillés de leurs fonctions, quand même ils embrasseraient l'islamisme. Cette mesure fut immédiatement exécutée dans toute l'Égypte. La foule se précipita sur les chrétiens partout où elle en rencontra; on déchirait leurs vêtements, on les accablait de coups, et on les menaçait même de les brûler. Il fallut un ordre du sultan pour couper court à ces vexations.

Mais la malignité prit un autre tour. On accusa les chrétiens d'élever leurs maisons plus haut que celles des musulmans; et de nouveau les demeures des Coptes furent assaillies et ruinées. Ensuite on se plaignit au sultan que les églises se réparaient, s'enrichissaient. Une enquête à ce sujet fut ordonnée, et la populace du Caire, profitant de cette circonstance, envahit encore plusieurs églises et les dévasta.

Plusieurs Coptes et Juifs, par désespoir, se firent musulmans. Mais il fut défendu à tout nouveau prosélyte de rentrer dans sa famille, à moins qu'elle ne consentit tout en

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