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de l'intelligence et celle de la volonté dans le courage, c'est qu'indépendamment de cette résolution active, capable de sacrifier la vie même à des convictions, il y a un courage d'esprit qui ne recule pas devant les conséquences legitimes d'un principe. Ainsi, Galilée eut ce courage intellectuel qui suit jusqu'au bout les conséquences d'une vérité une fois admise mais il n'eut pas le courage moral en face de l'inquisition, qui le contraignit à se rétracter, malgré les protestations intimes de sa raison.

Le courage est donc un composé de trois éléments, dont il faut faire la part : celle du tempérament, celle de l'intelligence, et celle de la volonté; celle-ci est l'élément dominant. En effet, ce qui fait le fond du courage, c'est la force d'âme; et la force d'âme n'est autre chose que la pleine possession de soi-même, c'est la libre disposition de notre volonté. Le vrai courage réside donc essentiellement dans la volonté.

Le courage, par cela qu'il nous rend maîtres de nous-même, fait notre supériorité sur les autres hommes, et nous donne sur eux un empire naturel. Cette force d'âme est aussi une condition de la grandeur; il faut, pour cela, qu'elle s'unisse à des idées élevées; alors elle produit l'héroïsme. C'est elle qui donne du relief à l'adversité.

Le courage, comme toutes les vertus humaines, se transforme avec les siècles. A cet âge primitif où l'espèce humaine a encore à lutter contre la nature extérieure, sa première énergie se déploie à repousser l'invasion des fléaux physiques; les dampteurs de monstres sont les bienfaiteurs de cette société dans l'enfance, la force corporelle est divinisée, Hercule est le type de la grandeur à une époque encore presque sauvage.

Bientôt commence la lutte de l'homme contre ses semblables; alors s'ouvrent les siècles que l'histoire appelle barbares, et que les poëles ont nommés héroïques : c'est l'état de guerre, où chacun, armé contre tous, ne reconnaît d'autre loi que son épée ; c'est le triom. phe de la valeur personnelle. Achille, ou la personnification du courage physique, est le premier héros de cette époque, comme le progrès social qui suit immédiatement est représenté par Ulysse, type de la prudence, c'està-dire de la ruse, qui est la sagesse des temps sans culture morale. Ces deux héros de l'épopée antique sont les modèles des deux vertus éminentes de cette époque où la société sortait à peine des langes de la barbarie.

Plus tard, viennent les temps où l'homme doit combattre contre la mauvaise fortune; c'est l'âge des révolutions, ou des guerres acharnées que se livrent de petites cités dont la destinée s'identifie à celle de leurs chefs.

Enfin en tout temps, et de nos jours surtout, l'homme a à lutter contre lui-même.

Longtemps le courage guerrier a tenu le premier rang dans l'estime des hommes. Aujourd'hui le courage du citoyen a pris sa place. En suivant les transformations que le courage a déjà subies dans les temps modernes et doit subir encore dans l'avenir, on trouve qu'il doit prendre un caractère de plus en plus moral; l'élément volontaire et intelligent doit y prédominer de plus en plus sur l'élément sensible; la volonté et les convictions doivent prendre le pas sur le tempérament. C'est ainsi que le courage moral finit par détrôner le courage physique.

ARTAUD.

COURANT. (Histoire naturelle.) On nomme ainsi le mouvement progressif qui s'exerce dans les fluides en raison de l'impulsion que leur impriment la différence des niveaux. L'air, comme l'eau, a ses courants sur lesquels l'effet de la dilatation et de la raréfaction est très-sensible. Les courants de l'air influent à leur tour, et dans beaucoup de circonstances, sur ceux des eaux. Ils sont communément produits par l'abaissement ou par l'élévation alternative de la température, et par la figure des continents sur lesquels ils roulent en y produisant les vents et les tempêtes. Leur action se confond tellement avec celle de ces météores, que c'est au mot VENT que nous en entretiendrons le lecteur; il ne sera question dans cet article que des courants de l'eau. On en a cherché la raison dans une multitude de causes, en les distinguant en deux sortes : les courants variables ou particuliers, et les courants sidériques ou généraux. Ces derniers ne sont proprement point des courants, ils appartiennent à un tout autre ordre de phénomènes. Il en sera traité dans l'article MARÉES. Les véritables courants, ou ceux que l'on désigne le plus communément sous ce nom, nous paraissent avoir peu de rapport avec la température, ou du moins celle-ci doit peu influer sur leur action, que nous attribuons principalement aux pentes sur lesquelles ils doivent glis

ser.

Quelque hypothèse qu'on ait imaginée sur la différence de niveau qui existerait entre diverses parties de la surface de l'Océan, il est impossible de concevoir que certaines mers soient plus élevées que d'autres; et les lois naturelles auxquelles obéissent les fluides ne sauraient permettre une aberration capable de renverser toutes les idées reçues. Il est vrai que la mer Rouge se trouve, à l'instant du flux, élevée de quelques mètres au-dessus de l'extrémité syriaque de la Méditerranée, et qu'on a des raisons de supposer que la surface des eaux, au fond du vaste golfe Mexicain, est un peu plus haute que celle du reste de l'Océan ;

mais ces deux exceptions, les seules qu'on assure être avérées sur de grandes masses d'eau, tiennent à des circonstances particulières : la première à la forme de la mer Rouge, où les flots de l'océan Persique-Africain sont poussés, comme nous voyons quelquefois les vents s'engouffrer dans une impasse, et en sortir moins vite qu'ils n'y sont entrés ; la seconde, à la pression latérale que doit exercer contre les côtes, en les longeant, le grand courant

connaissent fort bien. L'habitude apprend à ceux-ci à démêler leurs moindres effets. « La connaissance de la marche des courants, dit le savant Rossel, forme une branche importante de l'art nautique. C'est elle qui apprend aux marins que si le principal lit du courant leur devient contraire ils peuvent dans certains cas se transporter dans les lieux voisins, où ils en trouveront de favorables. Certains livres de navigation sont destinés à leur in

ges fréquentés; mais une connaissance raisonnée de la manière dont ils agissent peut lenr faire juger, à l'inspection des côtes et à l'aide de la direction du principal courant, quels sont les lieux qui, dans des parages inconnus, leur procureront les mêmes avantages. »

connu des marins sous le nom de Gulf-diquer ceux qui se rencontrent dans les paraStream. Il est même probable que le fond de plusieurs autres grands golfes allongés et rétrécis, particulièrement de la plupart de ceux qui ne se lient à l'ensemble des mers que par un détroit, sont dans le cas des cornes de la mer Rouge, sur lesquelles les nivellements des officiers de l'expédition d'Égypte ont opéré. Ainsi la mer Noire et l'extrémité de la Baltique pourraient bien être un peu plus hautes que l'Océan. De même le côté le plus voisin des rivages longés par les courants pourrait bien être un peu plus élevé que le côté opposé, auquel l'étendue des eaux ne présente pas tant de résistance; cependant ces faits certains ou probables, mais isolés, ne sont rien en comparaison d'imprescriptibles lois. Les fluides tendant sans cesse à se mettre en équilibre, ce n'est donc que de la forme de leur contenant que les caux de la mer pourraient recevoir quelque impulsion déterminante des courants qu'on y remarque.

Les ruisseaux, les rivières et les fleuves nous indiquent la marche que suit partout la nature dans la production et pour la direction des courants. Les eaux de pareils conduits, suivant la pente du terrain, roulent avec vitesse, se ralentissent et coulent avec une sorte de mollesse, selon que le terrain est rapide ou s'aplatit. En débouchant dans la mer, le courant des fleuves, s'y continuant à travers une masse d'eau qui repose sur un fond anfractueux, doit nécessairement suivre la même direction, quoiqu'en se ralentissant. La réunion de nombreux courants fluviaux et l'opposition invincible que leur présente bientôt le poids de la masse totale des eaux qu'ils grossissent, doit finalement produire un courant général, vaste fleuve marin, à peu près parallèle aux côtes, proportionné en étendue et en rapidité aux tributs qu'il reçoit des continents, et dont les rivages sont d'un côté ceux des continents mêmes, et de l'autre la masse centrale des flots.

Les vents ou courants atmosphériques peuvent favoriser, accélérer ou contrarier les courants marins; le flux et le reflux doivent aussi ou les déplacer ou causer des altérations alternatives dans leur marche : mais ils demeu. rent existants, et les pêcheurs qui conduisent leurs bateaux jusqu'au milieu des écueils les

Les courants se distinguent aisément dans les rivières et les fleuves, par leur rapidité, principalement où des objets immobiles de comparaison gisent çà et là. Il n'en est pas de même de ceux de la haute mer, dont le navigateur éprouve les effets sans en distinguer la marche. Cependant des corps entraînés, quelquefois une teinte différente du reste des eaux qu'ils traversent, et une surface ou ligne d'écume où se mêlent des débris flottants, servent de loin à les faire reconnaître. Nous avons plus d'une fois, de la pomme du grand mât, distingué au loin, sur la mer tranquille, de ces traces sinueuses qui ressemblent aux cours d'eau dont on suit les replis au milieu de la prairie dominée par quelque roc sourcilleux, et du sommet duquel on peut contempler la campagne. Ces traces écumeuses doivent être soigneusement observées par les naturalistes voyageurs. Les débris qui les accompagnent, et qu'entraînent les courants marins, leur indiqueront la direction de ceuxci. S'ils y trouvent, dans la zone torride, des productions du nord, ils en concluront que le courant passe par le voisinage d'un des cercles polaires; si, au contraire, vers les glaces septentrionales, on y observe quelques fragments des productions intertropicales, ils concluront que le courant vient du voisinage de la ligne équinoxiale. Au milieu de la confusion des corps entraînés les naturalistes pourront trouver des objets inconnus : mais alors ils doivent se garder d'en indiquer la patrie au lieu où sera faite la découverte.

La marche de plusieurs courants pélagiens est aujourd'hui aussi exactement déterminée que le peut être, sur une carte géographique, celle de la Seine ou de la Loire. Le plus remarquable de tous est le courant Atlantique septentrional, vulgairement appelé GulfStream; il parcourt un cercle irrégulier, immense, de trois mille huit cents lieues au moins de contour. Des Canaries, vers lesquelles il

circule, à partir des côtes d'Espagne, il pourrait conduire en treize mois aux côtes de Caracas; il met dix mois à faire le tour du golfe du Mexique, d'où il se jette, pour ainsi dire, par une accélération de vitesse, dans le canal de Babama, après lequel il prend le nom de Courant des Florides; il longe alors les ÉtatsUnis, et parvient en deux mois vers le banc de Terre-Neuve, qui doit peut-être son existence aux dépôts qu'il occasionne, et que Volney a ingénieusement comparé à la barre d'un grand fleuve. Ce banc se trouve, en effet, au point de contact d'un autre grand courant septentrional qui pourrait bien être déterminé par le fleuve Saint-Laurent. De Terre-Neuve aux Canaries, en passant près des Açores et se dirigeant vers le détroit de Gibraltar, d'où il se courbe au sud-ouest, le Gulf-Stream achève de parcourir, en dix ou onze mois, la fin de sa révolution, qui dure presque trois ans. C'est dans l'intérieur de ce cercle que se trou. vent surtout ces amas flottants de Sargasses, dont furent si fort surpris ces premiers investigateurs du Grand-Océan, qui les signalèrent sur leurs cartes informes; quand ces amas, portés par le balancement des flots, atteignent aux limites du courant, ils sont entraînés par lui jusqu'à ce qu'ils trouvent quelque disposition favorable à leur accumulation. Cette disposition se rencontrant surtout dans l'espèce de grand-bassin que forment les Canaries, les îles du Cap-Vert et les côtes d'Afrique, c'est dans cet espace surtout que les Sargasses s'accumulent en immenses bancs flottants, qui, d'après nos propres observations, paraissent n'avoir pas végété dans les profon deurs des parages sur lesquels on les traverse.

Un autre courant part de l'équateur en se dirigeant au nord, au fond du golfe de Guinée; passant ensuite entre les îles du Prince, de Saint-Thomas, et la côte voisine, il se perd vers l'embouchure du Zaïre. On trouve encore dans l'hémisphère austral un grand courant, dont nous avons observé la ligne écumeuse, et qui, se dirigeant vers le cap de Bonne-Espérance, s'y embranche avec un cou. rant qui paraît venir du canal de Mozambique, doubler la pointe méridionale de l'Afrique et se diriger vers le nord, le long des côtes que les navigateurs commencent à fréquenter, et qui s'étendent dans la même direction.

Dans les mers de l'Inde, les courants paraissent alterner et suivre la marche des vents alizés ou réglés; aussi n'avons-nous pas prétendu nier que les vents ne puissent avoir une telle influence, mais nous ne leur reconnaissons pas l'importance exclusive qu'on a voulu leur donner. La Polynésie est remplie de courants contraires et peu connus, dont plusieurs sont fort dangereux. Du sud de la Nouvelle-Hollande partent encore de grands courants, et

l'océan Pacifique offre aussi son Gulf-Stream. En général, des courants partiels longent les côtes, tournent les caps, et deviennent plus rapides dans les passages rétrécis; le plus remarquable de ceux qui se trouvent dans de telles conditions, est celui qui fait le tour de l'Amérique du Sud. Il part évidemment des iners chaudes de la rive orientale, s'accélère dans le détroit de Magellan, et semblant glisser mollement le long du Chili, dont son influence semble encore adoucir la température, il se fait encore ressentir jusque sur les bords du Pérou.

Dans le golfe de Gascogne existe un courant très-sensible qui se dirige au nordouest; il reçoit, en longeant la côte de France, les tributs de la Garonne, de la Charente, de la Loire et de la Vilaine ; puis, passant entre les îles et la côte de Bretagne, il va se perdre dans l'Océan. On assure que la Manche n'en offre pas des traces bien sensibles, non plus que le pourtour des îles Britanniques. Le canal SaintGeorge, au sud duquel débouche la rivière de Bristol, devrait cependant en présenter au moins un assez considérable, si l'on juge par analogie.

Le long de la côte du Labrador, on cite un courant qui, dans toutes les saisons, se dirige du nord au sud.

Depuis le mois de mai jusqu'à celui d'octobre, un courant de la mer des Indes s'introduit dans le golfe Persique, et s'en dégorge durant les six autres mois.

En général, les courants sortis du GrandOcéan se portent par les détroits en diverses mers intérieures; c'est ainsi qu'on assure que les eaux de l'Atlantique entrent dans la Méditerranée. Ces eaux affluentes, introduites par le détroit de Gibraltar, en longent les côtes septentrionales, tournent l'Italie ainsi que la Grèce, passent ensuite entre l'île de Chypre et les côtes de Syrie, s'en retournent vers l'ouest parallèlement aux côtes d'Afrique, s'enfoncent dans les régions inférieures de la Méditerranée, d'où elles ressortent par-dessous, de façon qu'entre la pointe méridionale de l'Espagne et l'extrémité septentrionale de l'empire de Maroc, il existe un courant supérieur et un courant inférieur. On observe un fait semblable dans le canal de Bahama.

L'on a pensé que le mouvement de rotation du globe déterminait les courants de la mer; si ce mouvement en était la vraie cause, tous les courants suivraient la même direction; mais on a vu que plusieurs se dirigeaient perpendiculairement à l'équateur, tandis que d'autres, en se rapprochant de cette ligne, ne le faisaient qu'obliquement. Ce mouvement de rotation ne doit pas avoir plus d'influence sur les eaux que sur le continent, si ce n'est par rapport aux marées, que personne n'a jamais considérées

comme l'effet des courants, mais comme subordonnées à l'influence attractive de notre satellite.

La vitesse des courants est souvent trèsrapide; elle tient à la profondeur des vallées sous-marines qui les déterminent, et l'on peut supposer assez raisonnablement qu'à mesure que les mers diminueront et que les continents augmenteront, les courants deviendront de grands fleuves dont on pourrait d'avance figurer conjecturalement plusieurs sur la mappemonde.

Il est des courants locaux et irréguliers dont on ne peut trop expliquer les causes, à moins qu'on ne les suppose déterminés par quelques gouffres où s'engloutiraient les eaux, et d'où elles pourraient être ensuite repoussées. Tel est celui de l'Euripe, entre l'Eubée et les côtes de l'Attique; tel est surtout ce célèbre Malstræum qui, dans le voisinage de la Norwége, et par le soixante-huitième degré de latitude nord, passe pour attirer et engloutir les animaux marins, et jusqu'aux vaisseaux qui s'en approchent imprudemment.

Nous le répétons, l'action des courants est d'une grande importance dans l'histoire de la mer; malgré le rôle qu'ils y remplissent, on les avait généralement assez mal étudiés jusqu'à ces derniers temps. C'est notre savant confrère M. Duperrey qui le premier fit sérieu sement étudier, et qui détermina exactement la direction des principaux. Il nous avait fait espérer qu'il la tracerait sur les mers du Géorama (Voyez ce mot); mais le peu d'encoura gement qu'a obtenu cet établissement important est cause que le beau travail de M. Duperrey reste encore en projet.

BORY DE SAINT-VINCENT.

COURANTS. (Géologie.) On donne quelquefois ce nom aux coulées de laves, car ce sont des courants de matières fondues (Voyez COULÉE); mais nous prenons ici le mot Courant dans la même acception que les géographes et les physiciens. La géographie physique étudie les courants d'eau dans tout le détail des phénomènes qu'ils présentent; mais la géologie ne s'en occupe que sous le rapport de leur action sur les masses minérales et sous celui des dépôts qu'ils forment.

Il est parfaitement constaté qu'un courant d'eau passant sur des sables, des graviers, des roches mal agrégées, en emporte une par. tie plus ou moins considérable, qu'il laisse ensuite déposer lorsque la force de translation ne peut plus contre-balancer l'action de la pesanteur, qui agit continuellement sur les matières tenues en suspension dans l'eau. Mais, quant à savoir si un courant d'eau coulant sur une pierre dure, homogène, et sur laquelle il ne peut exercer aucune action chimique, finira par la ronger, c'est une ques

tion qui me paraît difficile à résoudre : pour y parvenir il faudrait connaître l'intensité de la force qui unit les molécules de la pierre et celle de l'effort du courant pour désagréger ces mêmes molécules. Dans toutes les hautes montagnes on remarque, au milieu des torrents les plus rapides, des blocs de rochers dont les angles sont parfaitement vifs quoiqu'ils soient exposés au choc de l'eau depuis un temps immémorial.

La manière dont se déposent dans le lit d'un courant d'eau les matériaux transportés par lui mérite d'être détaillée. Le lit d'un cours d'eau est toujours sinueux : quand le courant vient à frapper contre un obstacle, contre un angle saillant du terrain, il perd une partie de sa vitesse, et laisse déposer une portion des matériaux qu'il transportait. Si l'obstacle est une des rives, elle est bientôt creusée en berge, et il se forme un dépôt en aval de cette berge. Le choc, forçant le courant à se réfléchir, il se dirige plus ou moins obliquement sur l'autre rive, où il va former une nouvelle berge et un nouveau dépôt; en sorte que les lits des cours d'eau doivent présenter et présentent effectivement une alternative de berges et de talus : les berges occupent les angles rentrants, et les talus les angles saillants, comme on peut le voir dans le lit de toutes les rivières. Dans les parties droites du lit, la vitesse étant à peu près également diminuée sur les deux bords, les talus s'établissent des deux côtés et le fond s'élève également. Dans les dépôts successifs, les matériaux se distribuent par ordre de densité et de volume pour la même substance, en sorte qu'arrivés à leur embouchure dans les lacs ou dans la mer, les cou rants d'eau ne tiennent plus en suspension que les matières extrêmement ténues, qu'ils laissent déposer en perdant le reste de leur vitesse, et forment ainsi un delta, qui est une portion de cône dont le sommet se trouve à une certaine distance dans le lit du courant. Le delta devient une barre, une masse allongée qui occupe la largeur de l'embouchure, quand l'action du flot vient s'opposer à celle du courant. On conçoit parfaitement que dans ce cas il doive s'établir un exhaussement, un bourrelet dans la région d'équilibre des deux parties opposées ; et voilà pourquoi une grande quantité des fleuves ont des barres à leur embouchure.

Il existe dans la mer une quantité de courants, dont ceux qui avoisinent les côtes produisent des phénomènes géologiques dignes d'être étudiés. Les courants, agissant continuellement sur les bas-fonds, les dégradent, emportent une quantité de coquilles, de coraux, et une partie des matériaux charriés à la mer par les eaux terrestres. Ils vont ensuite déposer tous ces matériaux sur des points où,

rencontrant des obstacles ou venant se choquer avec d'autres courants, ils perdent leur vitesse, et forment ainsi des dépôts considérables, dont plusieurs sont des écueils dangereux pour les navigateurs.

Les courants marins transportent aussi des amas de bois qu'ils accumulent dans des baies: le Gulf Stream porte une si grande quantité de bois sur les côtes des régions boréales, qu'elle suffit presque aux besoins des habitants de ces contrées glacées.

De Labèche, Manuel de Géologie, se éd., 1840. E. de Beaumont, Leçons pratiques de géologie, t. ler; Paris, 1845.

ROZET.

COURBATURE. ( Pathologie.) C'est cet état de malaise général dans lequel prédomine la fatigue douloureuse des muscles, et qui est produit ordinairement par une cause manifeste, comme la marche ou l'exercice musculaire sous une forme quelconque. Un léger trouble des fonctions et notamment la perte d'appétit accompagnent ordinairement la courbature. On voit quelquefois survenir cet ensemble de symptômes à la suite d'une chute; c'est principalement chez les femmes et chez les individus à muscles peu exercés que cet effet a lieu. Il est causé par les efforts puissants que font les muscles pour retenir le corps dans la chute et par la commotion qui résulte de celle-ci.

La courbature peut être partielle, quand un membre, un muscle a été soumis à des efforts violents ou prolongés. Enfin la courbature figure parmi les prodromes de beaucoup de maladies; elle accompagne souvent l'embarras gastrique et s'observe presque constamment à l'invasion de la fièvre typhoïde et des fièvres éruptives.

Un exercice modéré, quelques frictions sur le trajet des muscles principaux, des lotions froides le matin par tout le corps, enfin un bain tiède suivi d'une effusion froide, tels sont les moyens qu'il convient d'opposer à la courbature. Le repos absolu, quelquefois impérieusement commandé, n'est pas en général aussi utile qu'on le pense.

A. L.

COURBE. (Géométrie.) Depuis que Descartes a appliqué l'algèbre à la géométrie, la théorie des courbes a reçu une extension considérable. Les courbes qui étaient connues des anciens sont rendues plus faciles à analyser, et une multitude d'autres plus compliquées sont à leur tour devenues le sujet des recherches. Dans un aussi vaste ensemble, il ne nous est permis de traiter que les généralités. Cramer a publié sur cette matière un gros volume in-4°, où il est loin d'avoir épuisé tout ce qu'il y avait à dire. Nous nous bornerons ici à donner les procédés qui conduisent

à la connaissance de l'équation des courbes dont la génération est connue. Toutes les propriétés sont renfermées dans cette équation, et c'est à la sagacité du géomètre à les decouvrir par une analyse spéciale.

On distingue deux ordres de courbes, à simple et à double courbure, selon qu'elles sont situées sur un plan, ou ne peuvent y être appliquées sans les dénaturer. Nous considérerons d'abord les premières.

On commence par choisir un système de coordonnées qui se prête à l'analyse de la courbe; nous supposerons ici que ce système est rectangulaire, savoir, une abscisse x, une ordonnée y; mais il est des cas où il est préférable de les prendre obliques ou polaires; le mode de raisonnement restant le même, nous avons du choisir pour exemple le système le plus ordinaire.

Quelle que soit la génération donnée d'une courbe, elle est décrite par un point qui se meut d'une manière déterminée; on peut la considérer comme engendrée par l'intersection continuelle de deux lignes droites ou courbes, mobiles selon une loi donnée; il n'est pas toujours facile de reconnaître ces générations dans l'énoncé du problème, mais on peut compter qu'elles existent dans tous les cas. On considérera ces lignes dans l'une de leurs positions, et on en prendra les équations entre les deux coordonnées x et y; soient M=0, N=0, ces équations.

Mais le changement de figure ou de position de ces génératrices tient à celui de quelque lettre qui entre dans l'équation. Il faut donc examiner quelles sont les lettres qui ont été regardées comme constantes dans M et N, et qui sont en effet variables, quand les génératrices se meuvent. Il peut y avoir plus de deux de ces fausses constantes; mais nous n'en admettons d'abord que deux, a et ß. Ainsi, dans M et Nil y a deux lettres, différentes de x et y, qu'on avait regardées comme constan tes quand on a posé les équations des génératrices, mais qui changent quand les courbes se meuvent.

Et comme le mouvement des courbes n'est pas arbitraire, et qu'au contraire la question exige que le déplacement s'opère selon des conditions données, sans quoi la courbe engendrée ne serait pas définie, il s'ensuit que le problème donne entre les fausses constantes une relation qu'on peut exprimer par une équation entre a et ß, telle que f (α, ß) = o. Ce qui fait en tout trois équations.

Or, Moet No ne sont les équations des génératrices, dans une position particu-, lière, qu'autant qu'on suppose que a et ẞ ont été choisies de manière à satisfaire à l'équation de condition f (a, ß)=0: le point où se coupent ces deux courbes est l'un de ceux

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