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pourra-t-elle être divisée en tourbillons. Nous ne connaissons, avec certitude, que certaines choses qui se passent dans notre tourbillon, auquel nous donnons le soleil pour centre. De ce centre jusqu'à Saturne, qui en est le corps visible le plus éloigné, il y a trois cent millions de lieues, et nous ne sommes nullement assurés que le tourbillon se termine à Saturne.

4. Je suppose que tous les mouvemens circulaires des planètes de notre tourbillon autour du soleil, sont exactement circulaires, quoiqu'ils ne le soient pas. Mercure est la plus excentrique de toutes à l'égard du soleil, et Vénus est la moins excentrique. La plus grande et la moindre distance de Mercure au soleil, sont entre elles dans le rapport de 20 à 13, et les deux pareilles de Vénus dans celui de 125 à 124; d'où l'on voit que l'orbite de Vénus approche beaucoup plus d'être un cercle parfait que celle de Mercure. Entre ces deux extrêmes sont toutes les autres orbites. On peut conclure de là que la supposition de toutes les orbites exactement circulaires, n'est pas fort violente, sans compter même qu'elle ne subsistera pas toujours dans cette théorie.

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5. Tous les mouvemens célestes sont si uniformes et si égaux, que depuis quatre mille ans peut-être qu'on observe le ciel, on ne s'aperçoit pas que rien s'y démente au contraire, ce qu'on aurait cru d'abord nouveau et irrégulier, vient dans la suite à se lier parfaitement avec le reste. Il faut donc découvrir pour ces effets des causes qui, par leur nature, soient les plus constantes et les plus durables qu'il soit possible.

6. S'il n'y a point de vide (1), on peut compter que tout notre tourbillon solaire n'est qu'un grand fluide ;

car il ne contient de corps solides que le soleil, qui ne l'est peut-être pas entièrement, six planètes principales et dix subalternes; et tout cela ensemble, comparé à la masse d'un globe qui a pour rayon trois cent millions de lieues (3), se trouvera n'être qu'un atôme : et que sera-ce si le tourbillon s'étend au-delà de Saturne.

7. Je ne suppose aucune attraction, mais seulement les lois du mouvement reconnues par tous les philosophes, non que la matière une fois créée, et ayant reçu du Créateur une première impression de mouvement dans toutes ses parties, je croie qu'elle pût en un temps quelconque, et même infini, se mettre, en vertu des seules lois du mouvement, dans l'état où nous voyons aujourd'hui l'univers : cela n'est non plus concevable qu'il le serait que toutes les parties d'une pendule, détachées les unes des autres, et les parties de ces parties, à force d'être agitées toutes ensemble, vinssent enfin à s'arranger de manière qu'elles formassent une pendule régulière. Il faut que la main de l'horloger s'applique à l'ouvrage, et que cette main soit conduite avec beaucoup d'intelligence. Il ne fera rien que selon les lois du mouvement: mais ces lois seules n'eussent pas fait par elles-mêmes ce qu'il fera. L'application de ceci à l'univers et à son auteur se présentera bien aisément.

On a dit que le nombre des arrangemens que peut prendre la matière simplement agitée pendant un temps infini, étant infini, l'arrangement qu'elle prendra, avec le concours d'une intelligence, y est nécessairement compris. Mais je réponds que ces deux espèces d'arrangemens, l'un sans le concours d'une intelligence, l'autre avec ce concours, sont deux infinis différens, comme la suite infinie des nombres pairs et

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celle des impairs : aucun des termes de l'une ne se trouve dans l'autre.

SECTION II.

De la force centrifuge.

8. C'est une loi du mouvement, que dès qu'un corps est mu, ne fût-ce que par une impulsion instantanée, il continuera sans fin à se mouvoir en ligne droite, selon la direction que lui a donnée d'abord la force motrice, et avec le degré de vitesse qu'il en a reçu, à moins qu'il ne vienne à perdre son mouvement, en le communiquant à d'autres corps qu'il rencontrera, ou à changer sa direction, parce que ces mêmes corps lui en feront prendre d'autres.

9. Quand un corps par son mouvement décrit un cercle, il n'importe ici quelle en soit la cause, il se meut à chaque instant infiniment petit, selon une droite infiniment petite, qui est un des élémens ou côtés du polygone circulaire infini : il devrait donc (8) continuer à se mouvoir selon cette droite, qui alors deviendrait finie, et une tangente du cercle au point d'où le corps sera parti; mais la cause qui produit le mouvement circulaire, empêche que cela n'arrive. Le corps qui, s'il eût été abandonné à lui-même, eût suivi la direction de la première petite droite, est obligé de s'en détourner pour suivre celle d'une seconde droite, et toujours ainsi de suite : il souffre une espèce de violence qui, à chaque instant, l'empêche de s'échapper par une tangente de cercle.

10. J'appelle tendance cette espèce d'effort toujours subsistant et toujours réprimé.

11. Si le corps s'échappaït par une tangente quelconque du cercle, il continuerait son mouvement en ligne droite, selon la direction de cette tangente, et par conséquent s'éloignerait toujours de plus en plus de ce même centre de cercle, dont auparavant il se tenait toujours à une égale distance. Sa tendance à s'échapper s'appelle donc force centrifuge.

12. La force centrifuge n'est proprement que la même force qui produit la circulation, altérée seulement, quant aux directions que la circulation fait changer à chaque instant. Une plus grande force de circulation produira toujours une plus grande force centrifuge proportionnée à elle.

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13. Une force de circulation est d'autant plus grande, 1o qu'elle fait circuler le corps mu avec plus de vitesse; 2o plus la vitesse d'un corps mu, selon une certaine direction, est grande, plus il faut de force pour le faire changer de direction ; et par conséquent il faudra une plus grande force pour le faire changer plus souvent de direction dans un temps donné. Or, on sait que, plus une circonférence circulaire est grande moins les détours y sont fréquens dans une certaine étendue donnée, et au contraire : donc, dans toute circulation, plus la vitesse est grande et le cercle petit, plus la force doit être grande.

Donc la vitesse étant appelée u, et un rayon r, tout ce qui entre dans la force de circulation sera exprimé

u

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par u xou-, et par conséquent aussi la force centri

r

fuge (12). On voit dans le produit u ×

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mier terme en est la vitesse, en tant qu'elle appar

tient au mouvement en général, et le second la vitesse appliquée à un mouvement circulaire.

14. Si l'on avait égard à la masse ou à la grandeur m

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du corps circulant, il faudrait poser; ce qui est né

r

cessaire quand on compare les forces centrifuges de deux corps inégaux.

15. Si les vitesses de deux corps égaux circulans sont inégales, et les cercles qu'ils décrivent égaux, celui qui a la plus grande vitesse a la plus grande force centrifuge, et d'autant plus grande, que le carré de cette vitesse est plus grand que celui de l'autre.

16. Si les deux corps ont des vitesses égales, celui qui décrit le plus petit cercle, a la plus grande force centrifuge.

17. La force centrifuge ne peut jamais devenir infiniment grande, car il faudrait pour cela que le cercle devînt infiniment petit, auquel cas il ne serait plus cercle, et ne pourrait plus être parcouru.

18. La force centrifuge peut devenir infiniment petite, même sans que la vitesse le devienne; car elle dépend, non de la vitesse, mais du carré de cette vitesse. Or, on sait, par la théorie de l'infini, que le carré d'une grandeur décroissante peut devenir infiniment petit avant que cette grandeur le devienne, ce qui fait que la force centrifuge peut cesser, quoiqu'il reste quelque peu de vitesse.

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