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ce qui fait le cercle presque parfait. Aussi les orbites de Mercure et de Vénus sont-elles, à cet égard, les deux extrêmes; et entre elles sont celles de Mars, de Saturne, de Jupiter, de la terre, ainsi rangées selon l'ordre de leur ellipticité décroissante. On entend bien que l'ellipticité générale du tourbillon solaire vient de la compression inégale des tourbillons environnans, et qu'il suffit, pour cet effet, que cette compression soit une simple tendance, dont il ne s'ensuivrait aucune action, aucun mouvement; mais il n'en va pas de même des ellipticités différentes des planètes; et il faut aller plus loin pour en entrevoir la cause.

125. Il faut se représenter les tourbillons environnans en nombre indéfini, grands et petits, ronds, ou à peu près ; et à cause de cette figure et du plein, leurs interstices doivent être remplis de matière éthérée, qui apparemment y sera moins agitée que si elle avait son mouvement entièrement libre dans un seul tourbillon, comme le nôtre. Ce grand amas de tourbillons, et le nôtre y est compris, ont chacun leur force expansive particulière, différente, si l'on veut, de celle de tout autre; ils tendent tous à s'agrandir, et s'en empêchent tous réciproquement, du moins pendant quelque temps; mais il serait presque impossible que, dans un très grand nombre de combats particuliers, l'équilibre parfait ne fût à la fin rompu en quelque endroit. Un tourbillon quelconque se sera étendu, en absorbant quelque portion de cette matière éthérée des interstices moins agitée; et dès-lors le voilà devenu plus fort que tel autre tourbillon voisin, qui auparavant ne lui cédait pas; mais dans le même temps le tourbillon voisin, moins gêné par une moindre quantité de matière

des interstices, peut en pomper assez pour devenir égal à l'autre, et l'équilibre est rétabli.

126. Il suit de là que la matière éthérée des interstices des tourbillons peut n'être pas oisive et inutile au

tout.

127. Il y a un second cas. Un tourbillon qui en touche un autre, ne peut tendre à s'agrandir, sans tendre en même temps à jeter de sa matière propre dans ce voisin; et si cette tendance se réduit en acte, le plus fort s'affaiblit donc, et le plus faible se fortifie d'autant; et l'équilibre qui avait été rompu, se retrouve par la cause même qui l'avait rompu, tant la nature a été attentive et ingénieuse à le conserver.

128. On peut donc imaginer que l'univers, autant qu'il nous est connu, est un amas de grands ballons, de grands ressorts bandés les uns contre les autres, qui s'enflent et se désenflent, et ont une espèce de respiration et d'expiration successives, analogues à celle des animaux ; ce qui fera la vie de ce grand corps immense.

Il se pourrait même que ce que nous appelons ici la vertu élastique des corps, que nous observons fort en petit, fût quelque chose de tout pareil; mais ce n'est pas le temps d'en parler.

129. Le plein ne permet pas que les tourbillons s'enflent tous, ou se désenflent tous en même temps; il faut nécessairement que les uns s'enflent, tandis que les autres se désenflent, et cela avec toute la précision possible; mais on voit bien que c'est le plein même qui la cause. De plus, il se peut fort bien qu'un même tourbillon s'enfle d'un côté, et se désenfle du côté opposé : le tourbillon qui le touche à l'est, sera plus fort que lui; et celui qui le touche à l'ouest, plus faible.

130. Dans les petites machines des animaux, l'inspiration ne dure qu'un temps fort court, et l'expiration un autre temps égal. Mais il ne serait nullement impossible qu'il y eût un animal dont l'inspiration et l'expiration durassent chacune un quart-d'heure, une demiheure, etc. Cela n'a point de bornes, et il semble qu'il ne faudrait qu'augmenter à proportion les organes et la machine de l'animal. Du moins est-il certain que, quand notre tourbillon serait terminé à Saturne, ce qui pourrait bien n'être pas, un espace de trois cent millions de lieues ne sera pas traversé en peu de temps: il en faudra d'autant plus, que ces jets de matière étrangère dans notre tourbillon, n'y peuvent pénétrer, sans combattre et sans surmonter un mouvement très rapide de sa matière propre.

131. Cela même pourrait faire naître quelque difficulté ; mais on y répondrait suffisamment par l'exemple des grosses rivières qui pénètrent dans la mer, lors même que son mouvement est le plus contraire au leur, et qui y forment des courans bien sensibles et bien marqués dans l'étendue de quelques lieues.

132. On ne peut imaginer ces jets de matière étrangère, , que comme étant d'un assez gros volume, et du moins dans la proportion des courans des rivières à la mer où ils entrent. Mais nous ne proposons jusqu'à présent que de simples conjectures sur la communication des tourbillons étrangers avec le nôtre; et il faut attendre la connaissance de quelques faits bien constatés, pour arriver à quelque chose de moins vague et de plus déterminé. Qu'il nous soit permis cependant de suivre notre hypothèse jusqu'où elle peut aller, et de voir quel est son degré de vraisemblance.

TOM. III.

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133. Le tourbillon solaire reçoit, non de toutes parts, mais de plusieurs endroits de sa circonférence, des jets de matière étrangère, qui ont dés directions différentes, et souvent opposées, ou, à peu près, prises deux à deux. Lui-même il en peut rendre aux tourbillons environnans, différens de ceux dont il en reçoit ; et au lieu que les premiers jets avaient leur direction de sa circonférence à son centre, ces seconds auront la leur du centre à la circonférence. Ces courans, qui ne doivent faire qu'un petit volume par rapport au volume total du tourbillon, sont séparés les uns des autres par d'assez grands intervalles; ils peuvent avoir des vitesses différentes jusqu'à un certain point. Maintenant, que l'on conçoive les couches qui portent nos six planètes, et qui, dans un milieu parfaitement uniforme, auraient eu un cours parfaitement circulaire, peuvent-elles l'avoir encore dans un milieu inégal et mêlé, tel que nous venons de le représenter? Pourraient-elles même conserver leur figure sphérique sans altération, surtout quand elles seraient attaquées par des courans différens de la manière exposée dans les articles 117 et 120? Voilà le principe général des différentes ellipticités des planètes, promis dans l'article 124. Il est aisé de voir en gros, d'un seul coup d'œil, qu'il en doit naître un prodigieux nombre de variétés possibles. C'en sera une, et peut-être la plus singulière de toutes, que l'ellipse ou orbite de Vénus seule restée cercle presque parfait (124).

134. On sait par observation à quels lieux du firmament répondent dans les orbites planétaires les aphélies, ou plus grandes distances de chaque planète au soleil. Ceux de Mercure, de Vénus et de Saturne sont

dans le sagittaire ; celui de Mars dans la vierge, de la terre dans le capricorne, de Jupiter dans la balance. Ainsi, tous les aphélies sont compris dans la région du ciel, qui s'étend depuis la vierge jusqu'au capricorne ; et il n'y en a point hors de ces cinq signes, c'est-à-dire, que les jets ou courans ont plus de force dans toute cette grande partie du ciel que dans l'autre presque égale, puisqu'il y en a une correspondante où les ellipses planétaires sont le plus ellipses par rapport au soleil. Cela est assez conforme à l'hypothèse des jets.

135. Les aphélies sont fixes, ce qui marque qu'il y a partout des équilibres établis, du moins pour de longues durées.

136. Il n'est pas impossible, et peut-être est-il nécessaire pour l'espèce de vie qu'a l'univers, que ces équilibres finissent, tantôt dans un endroit, tantôt dans l'autre. Un tourbillon qui, pendant plusieurs siècles, aura jeté dans les tourbillons voisins et reçu d'eux une égale quantité de matière, viendra enfin, par quelque cause que ce soit, à en jeter plus qu'il n'en recevra, et à se vider peu à peu. Alors il ne pourra plus se soutenir comme les autres; et le corps solide ou soleil qu'il avait à son centre, et qui certainement sera demeuré le dernier en sa place, en sera chassé, et ira errant par les interstices des tourbillons, où il ne trouvera presque aucune résistance. Ce sera là une comète; et l'on pourrait suivre cette idée, si l'on voulait, et la rendre assez vraisemblable; mais je doute que l'on sache encore assez l'histoire des comètes; du moins, pour moi, je suis dans le cas de ne l'avoir pas assez étudiée. Je ne puis cependant m'empêcher de dire que, quand on fait décrire aux comètes des ellipses infinies ou presque in

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