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tenir compagnie aux foudres, et pour honorer l'a

venture.

Ce serait une chose ennuyeuse de faire l'histoire de la durée de tous les oracles depuis la naissance de Jésus-Christ: il suffira de remarquer en quels temps on trouve que quelques uns des principaux ont parlé pour la dernière fois ; et souvenez-vous toujours que ce n'est pas à dire qu'ils aient effectivement parlé pour la dernière fois, dans la dernière occasion où les auteurs nous apprennent qu'ils aient parlé.

Dion, qui ne finit son histoire qu'à la huitième année d'Alexandre Sévère, c'est-à-dire l'an 230 de Jésus-Christ, dit que de son temps, Amphilocus rendait encore des oracles en songes. Il nous apprend aussi qu'il y avait dans la ville d'Apollonie un oracle, où l'avenir se déclarait par la manière dont le feu prenait à l'encens qu'on jetait sur un autel. Il n'était permis de faire à cet oracle des questions ni de mort, ni de mariage. Ces restrictions bizarres étaient quelquefois fondées sur l'histoire particulière du dieu qui avait eu sujet, pendant sa vie, de prendre de certaines choses en aversion. Je crois aussi qu'elles pouvaient venir quelquefois du mauvais succès qu'avaient eu les réponses de l'oracle sur de certaines matières.

Sous Aurélien, vers l'an de Jésus-Christ 272, les Palmiréniens révoltés consultèrent un oracle d'Apollon Sarpédonien en Cilicie. Ils consultèrent encore celui de Vénus Aphacite, dont la forme était assez singulière pour mériter d'être rapportée ici. Aphaca est un lieu entre Héliopolis et Biblos. Auprès du temple de Vénus, est un lac semblable à une citerne. A de certaines assemblées que l'on y fait dans des temps réglés, on voit dans 23

TOM. III.

ces lieux là un feu en forme de globe ou de lampe; et ce feu, dit Zozime, s'est vu jusqu'à notre temps, c'està-dire jusques vers l'an de Jésus-Christ 400. On jette dans le lac des présens pour la déesse : il n'importe de quelle espèce ils soient. Si elle les reçoit, ils vont au fond; si elle ne les reçoit pas, ils surnagent, fût-ce de l'argent ou de l'or. L'année qui précéda la ruine des Palmiréniens, leurs présens allèrent au fond, mais l'année suivante tout surnagea.

Licinius ayant dessein de recommencer la guerre contre Constantin, consulta l'oracle d'Apollon de Didyme, et en eut pour réponse deux vers d'Homère, dont le sens est : « Malheureux vieillard, ce n'est point » à toi à combattre contre les jeunes gens; tu n'as point » de forces, et ton âge t'accable. »

Un dieu assez inconnu, nommé Besa, dit Ammian Marcellin, rendait encore des oracles sur des billets, à Abide, dans l'extrémité de la Thébaïde, sous l'empire de Constantius; car on envoya à cet empereur des billets qui avaient été laissés dans le temple de Besa, sur lesquels il commença à faire des informations très-rigoureuses, et jeta dans les prisons, ou envoya en exil, ou fit tourmenter cruellement un assez grand nombre de personnes. C'est que par ces billets on consultait le dieu sur la destinée de l'empire, ou sur la durée que devait avoir le règne de Constantius, ou même sur le succès de quelque dessein que l'on formait contre lui.

Enfin Macrobe, qui vivait sous Arcadius et Honorius, fils de Théodose, parle du dieu d'Héliopolis de Syrie et de son oracle, et des fortunes d'Antium, en des termes qui marquent positivement que tout cela subsistait encore de son temps.

Remarquez qu'il n'importe pour notre desseir que toutes ces histoires soient vraies, ni que ces oracles aient effectivement rendu les réponses qu'on leur attribue. On n'a pu attribuer de fausses réponses qu'à des oracles que l'on savait qui subsistaient encore effectivement; et les histoires que tant d'auteurs en ont débitées, prouvent du moins que l'on ne croyait pas qu'ils eussent cessé.

CHAPITRE IV.

Cessation générale des Oracles avec celle du Paganisme.

En général, les oracles n'ont cessé qu'avec le paganisme, et le paganisme ne cessa pas à la venue de JésusChrist.

Constantin abattit peu de temples, encore n'osa-t-il les abattre qu'en prenant le prétexte des crimes qui s'y commettaient. C'est ainsi qu'il fit renverser celui de Vénus Aphacite, et celui d'Esculape qui était à Égès en Cilicie, tous deux temples à oracles. Mais il défendit que l'on sacrifiât aux dieux, et commença à rendre, par cet édit, les temples inutiles.

On trouve des édits de Constantius et de Julien, alors Césars, par lesquels toute divination est défendue sur peine de la vie, non-seulement celle des astrologues, et des interprètes des songes, et des magiciens, mais aussi celle des augures et des aruspices, ce qui donnait une grande atteinte à la religion des Romains. Il est vrai que les empereurs avaient un intérêt particulier à défendre toutes les divinations, parce qu'on ne faisait autre chose que s'enquérir de leur destinée et principalement des successeurs qu'ils devaient avoir; et tel se révoltait

et prétendait à l'empire, pour avoir été flatté par un devin.

Nous avons vu qu'il restait encore beaucoup d'oracles, lorsque Julien se vit empereur; mais de ceux qui étaient ruinés, il s'appliqua à en rétablir le plus qu'il put. Celui du faubourg de Daphné, par exemple, avait été détruit par Adrien, qui, pendant qu'il était encore particulier, ayant trempé une feuille dans la fontaine Castalienne (car il y en avait une de ce nom à Daphné aussi bien qu'à Delphes), avait trouvé sur cette feuille, en la retirant de l'eau, l'histoire de ce qui lui devait arriver, et des avis de songer à l'empire. Il craignait, quand il fut empereur, que cet oracle ne donnât le même conseil à quelque autre, et il fit jeter dans la fontaine sacrée une grande quantité de pierres dont on la boucha. Il y avait beaucoup d'ingratitude dans ce procédé mais Julien, selon Ammian Marcellin, rouvrit la fontaine ; il fit ôter d'alentour les corps qui y étaient enterrés, et purifia le lieu de la même manière dont les Athéniens avaient autrefois purifié l'île de Délos.

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Julien fit plus; il voulut être prophète de l'oracle de Didyme. C'était le moyen de remettre en honneur la prophétie qui n'était plus guère estimée. Il était souverain pontife, puisqu'il était empereur; mais les empereurs n'avaient pas coutume de faire grand usage de cette dignité sacerdotale. Pour lui, il prit la chose bien plus sérieusement; et nous voyons dans une de ses lettres qui sont venues jusqu'à nous, qu'en qualité de souverain pontife, il défend à un prêtre païen de faire, pendant trois mois, aucune fonction de prêtre. La lettre qu'il écrivît à Arsace, pontife de la Galatie,

nous apprend de quelle manière il se prenait à faire refleurir le paganisme. Il se félicite d'abord des grands effets que son zèle a produits en fort peu de temps. Il juge que le meilleur secret pour rétablir le paganisme, est d'y transporter les vertus du christianisme, la charité pour les étrangers, le soin d'enterrer les morts, et la sainteté de vie que les chrétiens, dit-il, feignent si bien. Il veut que ce pontife, par raison ou par menaces, oblige les prêtres de la Galatie à vivre régulièrement, à s'abstenir des spectacles et des cabarets, à quitter tous les emplois bas ou infâmes, à s'adonner uniquement, avec toute leur famille, au culte des dieux, et à avoir l'œil sur les Galiléens, pour réprimer leurs impiétés et leurs profanations. Il remarque qu'il est honteux que les juifs et les Galiléens nourrissent, non-seulement leurs pauvres, mais ceux des païens, et que les païens abandonnent les leurs, et ne se souviennent plus que l'hospitalité et la libéralité sont des vertus qui leur sont propres, puisque Homère fait ainsi parler Eumée : « Mon hôte, quand il me vien» drait quelqu'un moins considérable que toi, il ne » me serait pas permis de ne le point recevoir. Tous » viennent de la part de Jupiter, et étrangers et pau>> vres. Je donne peu, mais je donne avec joie. » Enfin, il dit quelles distributions il a ordonné que l'on fasse tous les ans aux pauvres de la Galatie, et il commande à ce pontife de faire bâtir dans chaque ville plusieurs hôpitaux, où soient reçus, non-seulement les païens, mais aussi les autres. Il ne veut point que le pontife aille souvent voir les gouverneurs chez eux, mais seulement qu'il leur écrive, ni que les prêtres aillent au-devant d'eux quand ils entrent dans les villes, mais seu

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