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SECTION III.

De la circulation des Solides et des Fluides.

19. Soit un corps sphérique solide, qui tourne sur son centre: on lui conçoit nécessairement un cercle du plus grand mouvement, un équateur, des deux côtés duquel sont des cercles qui fui sont parallèles et toujours décroissans, jusqu'à devenir enfin deux points qui sont les deux pôles. Chacun des parallèles tourne autour de son centre immobile, et la ligne droite, formée de tous ces centres, est immobile, et est l'axe du mouvement. La nécessité de ces idées vient de ce que la sphère est solide; par conséquent toutes ses parties sont liées, ne peuvent se mouvoir que toutes ensembles, et selon la même direction. ·

20. Cependant on conçoit aussi, que si un point quelconque de la surface sphérique, venait subitement à se détacher de tout le corps de la sphère, il continuerait à être en mouvement comme il y était auparavant, et décrirait la ligne droite tangente du cercle au point où il se trouvait lorsqu'il s'est détaché. Or, c'est là l'effet d'une force centrifuge : donc, il en avait une avant que de se détacher, et par conséquent aussi tous les autres points de la sphère.

21. Puisque l'équateur et tous ses parallèles décroissans ne font leur révolution que dans le même temps, la vitesse de l'équateur, dont le rayon est R, sera à celle d'un parallèle quelconque, dont le rayon sera r::R: r; et s'il se détache de la surface de la sphère deux points, l'un sur l'équateur, l'autre sur le parallèle, et qu'ils décrivent tous deux leurs tangentes, le

1

premier aura la vitesse R, le second la vitesser : donc,

u2

la force centrifuge étant (13), celle du premier, avant

R2

r

qu'il fût détaché, sera R, et celle du second r; les

R

forces centrifuges de ces deux points seront égales aux vitesses qu'ils ont chacun dans leur circulation.

22. Les forces centrifuges décroissent depuis l'équateur, de part et d'autre, jusqu'au pôle, et là elles deviennent infiniment petites.

23. Venons maintenant à la circulation des fluides, qui mérite notre principale attention, puisque tout notre tourbillon solaire n'est presque entièrement qu'un grand fluide (6).

Posés comme nous sommes sur la terre, qui a certainement une révolution solide en vingt-quatre heures, et par conséquent un équateur et des pôles, etc., bien réels, nous avons observé à quels points du ciel étoilé répondaient cet équateur et ces pôles, et nous y en avons imaginé qui fussent célestes; et pour achever la correspondance du céleste au terrestre, nous avons conçu que le tourbillon solaire entier avait la même circulation que la terre. L'idée était bien naturelle ; mais on y peut faire plusieurs réflexions.

24. S'il y avait des observateurs dans les autres planètes qui ont la même circulation que la terre, ils raisonneraient comme nous, et dans chaque planète on donnerait au ciel un équateur et des pôles, et tout ce qui en dépendrait, fort différens de ce qu'on établit ici. On se tromperait dans toutes les planètes. Donc, l'équateur et les pâles que nous donnons au ciel, ou à notre tourbillon solaire, ne sont que des apparences

qui ne sont que pour nous; et tout ce qui se trouvera fondé là-dessus, le sera assez peu.

25. On conçoit bien pourquoi, dans la circulation d'un solide, toutes les couches circulaires qui le composent, se meuvent parallèlement à l'équateur : c'est à cause de la liaison des parties.

n'a

pas

Mais dans la circulation d'un fluide où cette liaison lieu, pourquoi ce parallélisme? C'est un mouvement singulier, unique entre une infinité d'autres possibles, plus convenables la plupart à un fluide très agité; un mouvement qui par lui-même se maintient difficilement. Où trouvera-t-on le principe qui détermine toute la suite des centres des parallèles à être une ligne constamment immobile dans un pareil fluide, au milieu duquel elle se trouve?

26. Il est très certain que nos six planètes se meuvent, non dans des cercles parallèles à un équateur, et par conséquent entre eux, mais dans des cercles qui se coupent tous, ont pour centre le soleil, et qui sont ce qu'on appelle de grands cercles de la sphère, le tourbillon étant supposé sphérique, comme il l'est ici. Or, comment concevra-t-on que ces six grands cercles puissent avoir une circulation si différente de celle de tous ces parallèles dont on formait le tourbillon? Ceux-ci sont un nombre infini, et les autres ne sont que six, qui devraient à la fin, ou plutôt très vite, se conformer aux plus forts, et en suivre le mouvement. Encore s'il n'y en avait qu'un ou deux, ou même que tous les six fussent fort proches les uns des autres, on pourrait croire, quoiqu'avec peu d'apparence, qu'ils se défendraient contre l'impression générale du tourbillon, en formant une zone fort étroite, qui aurait d'ailleurs

quelque disposition particulière qu'on tâcherait d'imaginer. Mais tout au contraire, les six grands cercles sont répandus dans toute l'étendue connue du tourbillon, puisque le premier est celui de Mercure, et le dernier celui de Saturne. On peut croire qu'ils rendent un témoignage incontestable de la manière dont se peut faire une circulation de tourbillon, et que nous n'avons aucun autre témoignage, non pas même le plus faible, en faveur de l'autre circulation.

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27. Voici quelle doit être la nouvelle circulation. Figurons-nous une surface sphérique, formée d'une infinité de cercles égaux, ayant tous le même centre. J'appelle cela une couche. Qu'une autre couche formée de cercles égaux entre eux, mais plus grands ou plus petits que ceux de la première, mais ayant tous le même centre que ceux de la première, enveloppe immédiatement la première, ou en soit enveloppée, et toujours ainsi de suite, il est visible que voilà une sphère entière formée. Comme il s'agit ici d'une circulation fluidé, il faut concevoir que cette sphère est enfermée dans quelque espèce d'enveloppé, ou enfin contenue dans ses bornes par quelque cause que ce soit.

Rien n'empêche que tous les cercles qui formeront une couche quelconque de la sphère, ne se meuvent tous ensemble de la même vitesse, et selon la même direction. Quant à ceux de la couche, immédiatement supérieure ou inférieure, il est bien clair qu'ils peuvent se mouvoir tous ensemble, selon la même direction que les premiers; mais quelle sera leur vitesse? S'ils circulent en même temps que les premiers, ce qui serait une grande et parfaite uniformité, ils auront plus ou moins de vitesse qu'eux, puisqu'ils parcourent

en même temps de plus grands ou de plus petits espaces. Hors ce cas du même temps, il semble que pour toutes les autres vitesses différentes, le frottement soit à craindre; mais il l'était également dans l'autre circulation, et au fond le fluide peut être composé de parties si subtiles et si peu liées entre elles, et d'ailleurs la différence de vitesse, dont il s'agit ici, peut être si petite, que l'inconvénient du frottement disparaîtra on le verra encore mieux dans la suite. En voilà assez pour croire du moins possible la circulation que je viens de décrire, et que j'appellerai toujours fluide, parce qu'elle ne peut convenir qu'aux fluides, si elle existe, l'autre existant certainement dans les solides. 28. Que notre tourbillon solaire soit formé par la circulation solide, il est certain que, selon la formx u2 (14), parce qu'il faut ici avoir égard aux

mule

r

grandeurs m, qui sont les plans circulaires parallèles, on aura pour l'expression des forces centrifuges de = R3, et r3, puisque les plans

deux plans inégaux

R2 XR2

R

sont entre eux comme les carrés des rayons, et les vitesses comme ces rayons (21). Or, la suite des mombres cubiques étant croissante, et rapidement croissante, il s'ensuit, que si la force centrifuge du plus petit plan circulaire qu'on aura déterminé est 1, celle du second sera 8, du troisième 27, etc.; ce qui, poussé jusqu'à la fin du tourbillon, ferait une inégalité prodigieuse. Il est impossible qu'il y ait jamais d'équilibre entre R3 etr3, et par conséquent les forces centrifuges agiraient perpétuellement sans se détruire les unes les autres, et sans pouvoir s'accorder, et le tourbillon deviendrait un chaos.

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