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service présentait, tous les matins à la première femme de chambre, un livre sur lequel étaient attachés les échantillons des robes, grands habits, robes déshabillées 1, etc. Une petite portion de la garniture indiquait de quel genre elle était; la première femme de chambre présentait ce livre, au réveil de la Reine, avec une pelotte; Sa Majesté plaçait des épingles sur tout ce qu'elle désirait pour la journée: une sur le grand habit qu'elle voulait, une sur la robe déshabillée de l'après-midi, une sur la robe parée, pour l'heure du jeu ou le souper des petits appartemens. On reportait ce livre à la garde-robe, et bientôt on voyait arriver dans de grands taffetas, tout ce qui était nécessaire pour la journée 2.

La femme de garde-robe, pour la partie du linge, apportait de son côté une corbeille couverte contenant deux ou trois chemises, des mouchoirs, des frottoirs. La corbeille du matin s'appelait le prêt du jour; le soir elle en apportait une contenant la camisole, le bonnet de nuit et les bas pour le lendemain matin : cette corbeille s'appelait le prêt de nuit. Ces deux objets étaient du ressort de la dame d'honneur, le linge ne concernant point la dame d'atours. Rien n'était rangé, rien n'était soigné par les femmes de la Reine. Aussitôt la toilette terminée, on faisait entrer les valets et garçons de garde-robe qui emportaient le tout pêle-mêle dans les mêmes toilettes de taffetas, à la garde-robe des atours, où tout était reployé, suspendu, revu, nettoyé avec un ordre et un soin si étonnants, que les robes mêmes réformées avaient tout l'éclat de la fraîcheur.

La garde-robe des atours consistait en trois grandes pièces environnées d'armoires, les unes à coulisses, les autres à porte-manteau; de grandes tables, dans chacune de ces pièces, servaient à étendre les robes, les habits, et à les reployer.

La Reine avait ordinairement pour l'hiver, douze grands habits, douze petites robes dites de fantaisie, douze robes riches sur panier, servant pour son jeu ou pour les soupers des petits appartemens.

Autant pour l'été ; celles du printemps servaient en automne. Toutes ces robes étaient réformées à la fin de chaque saison, à moins que Sa Majesté n'en fit conserver quelques-unes qu'elle avait

:

1 Voir aux Archives nationales le volume intitulé: Madame la comtesse d'Ossun. Garde-robe des atours de la Reine. Gazette pour l'année 1782. Les échantillons des robes de la Reine y sont collés avec des pains à cacheter sur les feuilles du registre, et classés sous les titres de robes sur le grand panier, robes sur le petit panier, robes turques, lévites, robes anglaises, grands habits de taffetas. MM. de Goncourt ont donné un fac-simile de trois de ces échantillons dans leur histoire illustrée de Marie-Antoinette (1878, in-4°).

La dame d'honneur apportait aussi la sale, c'est-à-dire un plateau de vermeil, sur lequel étaient les boîtes, étuis, montres et éventails de la Reine, couverts d'un taffetas brodé qu'on levait en présentant le plateau (SAINT-SIMON, IV, 196).

L'ESCALIER DE LA REINE ET LES PREMIÈRES CHAPELLES 203

préférées. On ne parle point des robes de mousseline, percale ou autres de ce genre; l'usage en était récent, mais ces robes n'entraient pas dans le nombre de celles fournies à chaque saison; on les conservait plusieurs années. Les premières femmes étaient chargées de la garde, du soin et de la révision des diamants. Ce détail important avait été anciennement confié à la dame d'atours, mais depuis bien des années il était du nombre des fonctions des premières femmes de chambre.

VI

L'ESCALIER DE LA REINE ET LES PREMIÈRES CHAPELLES

L'escalier de la Reine ou petit escalier de marbre, le plus fréquenté autrefois, était situé vis-à-vis de l'escalier des Ambassadeurs. Les deux furent construits à la même époque (4671). « L'escalier de la Reine n'est pas aussi grand que celui du Roi, dit Félibien, parce que la chapelle qui est tout proche occupe une partie de la place 1. »

De quelle chapelle est-il question ici? Sans nul doute de la chapelle de Louis XIII.

L'histoire des premières chapelles du château de Versailles est assez obscure. Nous croyons cependant, après une étude attentive des textes, pouvoir dire avec certitude que la chapelle de Louis XIII occupait l'emplacement du vestibule de l'escalier de la Reine, et qu'après avoir voulu conserver cette première chapelle, au risque de n'avoir qu'un escalier plus petit que celui du Roi, comme le dit Félibien, on fut obligé de la démolir pour éclairer l'escalier de la Reine, à l'aide d'une grande arcade ouverte dans le mur du vestibule. Ce qui prouve qu'on voulait d'abord la conserver, c'est que Lebrun devait peindre, au plafond de cette chapelle, un tableau représentant la Chute des anges. Il en avait fait l'esquisse, qui est au Louvre ; mais, dit Guillet de Saint

1 Page 50.

No 67 du catalogue Villot.

Georges, cette chapelle ayant été abattue pour faire place à l'escalier de la Reine, ce projet ne put recevoir d'exécution. »

2

On commença alors la construction d'une nouvelle chapelle sur l'emplacement actuel du vestibule de la cour de la Chapelle et du salon d'Hercule. Elle fut inaugurée en 1682. Mais dès 1669, on avait établi une chapelle provisoire. La Gazelle de 1670 dit qu'elle était près de la vieille chapelle, ce qui implique, à cette date, l'existence de deux chapelles: la vieille, qui ne servait plus et qui fut démolie en 1671 ou 1672, et la nouvelle, c'est-à-dire la chapelle provisoire. La nouvelle chapelle occupait au rez-de-chaussée un vestibule conduisant à l'escalier de la Reine, le vestibule n° 4 et la salle des Amiraux no 42; au premier étage, elle occupait tout l'emplacement de la grande salle des Gardes (n° 140). C'est à la hauteur du premier étage que se trouvait la tribune des musiciens, au nord. L'autel était à l'est et au rez-de-chaussée'. Cette chapelle fut bénite le 30 octobre 1672 *.

La décoration de l'escalier de la Reine est toute de marbre de Dinant et de campan-vert. De nombreuses sculptures dorées ornent, au premier étage, la niche qui se trouve entre les deux portes, et l'entablement du haut de l'escalier.

Le vestibule est aussi tout lambrissé de marbre. Il est ouvert sur l'escalier par une grande arcade, en face de laquelle on a feint, dans le haut de l'escalier, une ouverture de même grandeur et remplie d'un tableau représentant une galerie en perspective. On voit sur le devant un jeune homme tenant une corbeille de fleurs. L'architecture a été peinte par Meusnier, les figures par Poerson, les fleurs par Blain de Fontenay. Au temps de Louis XIV les trois arcades du vestibule du rez-de-chaussée étaient fermées par des grilles de fer exécutées par Delobel ".

1 Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l'Académie, publiés par L. DUSSIEUX, SOULIÉ, etc., I, 49.

2 Voir page 68 de ce volume.

3 Voir, à la fin du volume, le plan de Levau, 1669, no 3.

Gazette de France, 1672, p. 1110.

Comptes des Bâtiments, 1682.

Si l'on veut se faire une idée de

l'habileté et du goût de nos anciens serruriers, on n'a qu'à voir les deux grilles du château de Maisons placées actuellement au Louvre.

VII

GRANDE SALLE DES GARDES

SALLES SERVANT DE PASSAGE POUR ALLER DANS L'AILE DES PRINCES APPARTEMENT DE LA GOUVERNANTE DES ENFANTS DE FRANCE

Pour finir la description du premier étage de ce côté, nous avons encore à parler de la grande salle des Gardes, des deux salles qui servaient de passage pour aller dans l'aile des Princes et de l'appartement de la gouvernante des Enfants de France.

Grande salle des Gardes (140).

La grande salle des Gardes, appelée aujourd'hui la salle du Sacre, fut de 4670 à 1682 une chapelle, puis devint la grande salle des Gardes.

L'ancienne décoration a été complétement détruite; les peintures du plafond datent du Consulat. Les dessus de porte ont été peints par Gérard.

C'est dans la grande salle des Gardes que le Roi faisait chaque année la cérémonie de la Cène, le Jeudi saint 1.

Un écrivain du XVIIe siècle décrit ainsi cette cérémonie :

La cérémonie aujourd'hui observée à la Cour le Jeudi saint est telle.

Le mercredi auparavant, pendant les Ténèbres, auxquelles Sa Majesté assiste, l'un des aumôniers servans et le premier médecin du Roi, suivi des chirurgiens et barbiers, se rendent en un lieu où est assemblé un grand nombre de pauvres jeunes enfans, parmi lesquels on en choisit treize petits, les plus agréables, qui sont visités

Cet usage remonte au roi Robert; le nombre des pauvres était alors illimité; il fut fixé à treize sous Louis XIII. Le Roi servait treize plats à chaque pauvre et lui donnait une bourse contenant treize écus. C'est de la cour des empereurs grecs que cette coutume s'était répandue dans le reste de l'Europe.

par le premier médecin et par les chirurgiens et barbiers du Roi, pour voir s'ils sont nets et n'ont point aucunes fistules ou gales sur le corps, et notamment aux pieds, et ces treize petits enfans étant trouvés tels qu'il est nécessaire pour être présentés le lendemain, qui est le Jeudi saint, devant le Roi, à la cérémonie du lavement des pieds, ils sont mis par M. le grand aumônier sur un rôle signé de lui, lequel est mis entre les mains du trésorier des aumônes et offrandes du Roi, afin qu'il donne ordre à ce qui est nécessaire pour la cérémonie, en ce qui dépend de sa charge.

Le Jeudi saint, dès six heures du matin, ces treize petits pauvres sont menés à la fourrière, où le barbier du commun de la maison du Roi leur rase les cheveux et coupe les ongles du pied à chacun; puis on les fait chauffer, et on leur baille à déjeuner, el les officiers de la fourrière leur lavent après les jambes et les pieds avec de l'eau tiède et des herbes odoriférantes, afin que Sa Majesté n'en reçoive aucune mauvaise odeur. Cela fait, ils sont habillés d'une petite robe de drap rouge, ayant un chaperon à hache, attaché derrière, avec deux aunes de toile qui leur pendent depuis le col jusques en bas, où sont enveloppés leurs pieds, et sont conduits par leurs pères et mères, ou quelqu'un de leurs parens, en la salle où se doit faire la cérémonie et assis le long d'un banc, le dos tourné contre la table où le Roi les doit servir, et le visage vers la chaire, où le grand aumônier, ou autre prélat choisi pour faire ce jour le service divin devant Sa Majesté, doit faire l'exhortation sur le sujet de cette cérémonie.

L'exhortation faite, on chante le Miserere, à l'issue duquel le grand aumônier, ou autre prélat qui a fait l'exhortation, donne l'absolution, puis le Roi s'avance vers les enfans, et prosterné à deux genoux commence à laver le pied droit au premier, et le baise, et ainsi continue aux autres. Le grand aumônier de France tient le bassin d'argent doré, et l'un des aumôniers servans tient le pied de l'enfant que le Roi lave, essuie et baise après.

Ce lavement étant fait, les enfans sont passés de l'autre côté de la table, où ils sont servis par le Roi, chacun de treize plats de bois, les uns pleins de légumes, les autres de poisson, et d'une petite cruche pleine de vin, sur laquelle on met trois pains ou échaudés, et puis le Roi passe au col à chacun d'eux une bourse de cuir rouge, dans laquelle il y a treize écus, laquelle est présentée à Sa Majesté par le trésorier des aumônes. Tous ces mets sont présentés au Roi par les princes du sang royal et autres princes et grands seigneurs qui se trouvent lors auprès de Sa Majesté ; le premier maître d'hôtel, en l'absence du grand maître de France, marchant devant eux avec son bâton de premier maître d'hôtel en grande cérémonie ; et derrière les enfans il y a un aumônier servant qui

En cas d'empêchement du Roi, Sa Majesté est remplacée par le Dauphin ou un prince de sang royal.

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