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d'Harcourt qui fut mariée au prince de Cadaval au commencement de l'année 1671, et dont les noces, honorées de la présence du roi et de la reine, donnèrent lieu à cette belle fête à laquelle assista madame de Sévigné1. Il faut se garder de confondre cette comtesse d'Harcourt avec la princesse d'Harcourt, fille de Brancas le distrait, liée aussi avec madame de Grignan, qui lui trouvait peu d'esprit. Cette princesse d'Harcourt, dont nous avons déjà parlé2, fut nommée dame du palais, et chargée avec son mari, Henri de Lorraine, prince d'Harcourt, de conduire, en 1679, la reine d'Espagne à son époux. Le prince d'Harcourt était cousin germain de M. de Grignan3. La com⚫tesse d'Harcourt, sa tante, habitait le Pont-Saint-Esprit, et se trouvait ainsi peu éloignée du château de Grignan, où elle allait fréquemment rendre visite. Madame de Sévigné plaint souvent sa fille d'être obligée de supporter un tel fardeau ; elle souhaite d'être à Grignan, pour la débarrasser de cette vieille tante. « Après cette marque d'amitié, ajoute-t-elle, ne m'en demandez pas davantage, car je hais l'ennui à la mort : vous seule au monde seriez capable de me faire avaler ce poison, et j'aimerais fort à rire avec vous, Vardes, et le seigneur Corbeau 4. » C'est

1 SÉVIGNÉ, Lettres (16 janvier et 9 février 1671), t. I, p. 299 et 313, édit. G.; t. I, p. 225 et 237, édit. M. Voyez la 3° partie de ces Mémoires, t. III, p. 314.

2 Conférez, ci-dessus, la 3o partie de ces Mémoires, t. III, p. 26

et 128.

3 SÉVIGNÉ, Lettres (6 janvier, 4 mai, 26 décembre 1672), t. I, p. 116, édit. G.; t. II, p. 285 et 420, édit. M.- (1er et 19 janv. 1674), t. III, p. 68, 194, 218, édit. M. - (28 juillet 1679), t. VI, p. 98,

édit. G.

4 SÉVIGNÉ, Lettres (26 juillet 1671), t. II, p. 159, édit. G.; t. II, p. 132, édit. M. · · Ibid. (9 août 1671), t. II, p. 192, édit. G. · t. II,

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par ce dernier nom que, à cause de son teint basané, madame de Grignan appelait son beau-frère l'évêque de Claudiopolis, coadjuteur de l'archevêque d'Arles son oncle'. Il était alors à Grignan, où il avait passé l'été, tout le temps de la tenue des états: homme du monde, aimable auprès des femmes, souvent à Paris et à la cour2, prudent, spirituel, fort attaché à son frère, et zélé pour la gloire de la maison de Grignan, il fut trèsgoûté de madame de Sévigné et de sa fille. Il ne pouvait souffrir qu'elles lui donnassent du monseigneur : << Appelez-moi plutôt Pierrot ou seigneur Corbeau, » disait-il. Il parlait et écrivait avec facilité, mais il n'aimait pas à écrire; et madame de Sévigné lui défendait toujours de répondre à ses lettres, par la crainte que, s'il se croyait obligé de le faire, il ne la prît en déplaisance : elle voulait qu'il réservât sa main droite pour jouer au brelan. Elle le raillait aussi sur son penchant pour la bonne chère, et elle attribuait à cela les attaques de goutte qu'il commençait déjà à ressentir: il n'avait alors que trente-trois ans 3. Par la suite il excita l'indignation de madame de Sévigné, à cause de son ingratitude envers son

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p. 159, édit. M. Voyez la 3o partie de ces Mémoires, chap. vii, p. 135 et la note 4, et p. 454.

Gallid christiana, 1715, in-folio. t. I, p. 594. SÉVIGNÉ, Lettres (9 février, 17 avril, 12, 19 et 26 juillet, 2 et 19 août 1671), t. II, p. 27, 28, 134, 144, 159, 169, 192 et 196, édit. G.; t. II, p. 112, 119, 132, 240, édit. M. Ibid. (31 mai, 5 juin 1675), t. III, p. 401 et 407, 281 et 286, édit. M.

édit. G.; t. III, p.

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2 Des lettres de madame de Sévigné il résulte que, le 12 juillet, le coadjuteur d'Arles était à Paris, et que, le 19 du même mois, il était en Provence (t. II, p. 134 et 144, édit. G.; t. II, p. 112 et 119, édit. M.).

3 SÉVIGNÉ, Lettres (19 août 1671), t. II, p. 191, édit. G.

oncle l'archevêque d'Arles, auquel il devait succéder'. Des deux oncles paternels du comte de Grignan, le plus élevé en dignité, l'archevêque d'Arles, était un homme excellent, et aimé de toute la Provence. Il avait, pendant les troubles de la Fronde, apaisé les émeutes populaires à Arles et à Marseille, et empêché que ces deux villes ne se révoltassent contre le gouvernement. En 1660, lors du voyage de la cour en Provence, Louis XIV logea chez lui; et ce fut alors qu'il le nomma commandeur de ses ordres3. Bienfaiteur de sa famille, l'archevêque d'Arles en était tendrement chéri; mais cependant il augmentait les embarras du gouverneur, parce qu'il était toujours opposé à l'évêque de Marseille pour les affaires ecclésiastiques, comme le comte de Grignan l'était pour les affaires civiles 4; ce qui contribuait à accroître l'animosité de ce prélat hautain, mais habile, qui avait acquis un grand ascendant sur l'assemblée des états, une place élevée dans

I SÉVIGNÉ, Lettres inédites, 1827, in-8° (mai 1690), p. 33. Conférez la 3o partie de ces Mémoires, chap. vin, p. 127 et la note 1, et p. 135, note 3.

2 SÉVIGNÉ, Lettres (20 octobre 1675), t. IV, p. 48, édit. M. (18 mars 1689), t. VIII, p. 400, édit. M. Gallia christiana, t. Il p. 593. AUBENAS, Nolice historique sur la maison de Grignan, p. 572-574 – François-Adhémar fut d'abord évêque de Saint-Pan, Trois-Châteaux, puis coadjuteur de l'archevêque d'Arles, auquel il succéda.

3 Conférez la 3o partie de ces Mémoires, chap. VIII, p. 128, et la note 5.

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4 Lettres de la marquise DE SÉVIGNÉ, édit. de la Haye, 1726. (7 juin 1671), t. I, p. 111 (il y a des omissions dans les éditions modernes). Conférez t. II, p. 93, édit. G.; t. II, p. 78, édit. M.; in-8°.

SÉVIGNÉ, Lettres (8 avril, 20 et 27 septembre, 6 décembre 1671), t. II, p. 9, 234, 243, 304, édit. G.; t. II, p. 8, 78, 196, 214, 258, édit. M.

l'estime des ministres. Madame de Sévigné parvint à l'adoucir et à le rendre moins hostile, et elle neutralisa les effets de son influence contre les Grignan par le moyen de ses amis, de Pomponne et de le Camus, premier président de la cour des aides1. Pour toutes ces négociations elle se servait utilement de l'autre oncle de M. de Grignan, évêque et comte d'Uzès, homme sage et prudent; plus souvent à la cour et dans son abbaye d'Angers que dans son diocèse; plein d'affection pour madame de Grignan, et très-zélé pour les intérêts de son frère; toujours empressé à faire auprès des ministres les démarches que lui demandait madame de Sévigné. Comme elle, il agissait aussi directement sur l'évêque de Marseille; et s'il ne parvenait pas à lui inspirer des sentiments de concorde. et d'amitié, il l'empêchait au moins de se montrer adversaire violent 3.

M. de Grignan avait un autre frère dans l'état ecclésiastique, très-différent de seigneur Corbeau par sa figure, car il était d'une beauté remarquable 4 : on l'avait surnommé le bel abbé. A l'époque dont nous traitons, âgé

1 SÉVIGNÉ, Lettres (1er et 3 avril, 4 octobre, 23 et 25 déc. 1671), t. I, p. 56 de l'édit. de la Haye; t. J, p. 437, 408; II, p. 220, 249 et 316, édit. G.; t. I, p. 315, 317; t. II, p. 267 et 273, édit. M. Ibid. (27 janvier 1672), t. II, p. 321, édit. G.

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> Voyez la 3° partie de ces Mémoires, chap. vIII, p. 127, note 1. 3 SÉVIGNÉ, Lettres ( 23 mars, 11 octobre 1671), t. I, p. 392 ; t. II, p. 257, édit. G.; t. I, p. 304; t. II, p. 217, édit. M. Lettres de madame la marquise DE SÉVIGNÉ, édit. de la Haye, 1726, t. I, p. 116. (Lettre altérée dans les éditions modernes.) Conférez t. II, p. 98, édit. G.; t. II, p. 82 et 83, édit. M. SÉVIGNÉ, Lettres (1er et 12 janvier, 3 et 10 février 1672), t. II, p. 329, 340, 369, 379, édit. G.; t. II, p. 278, 280, 312 et 321, édit. M.

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4 Voyez la 3e partie de ces Mémoires, chap. vш, p. 127, note 3.

seulement de vingt-huit ans, il n'avait pas encore soutenu sa thèse en Sorbonne. Doué de capacité et ambitieux, il fut successivement agent général du clergé, abbé de Saint-Hilaire, nommé évêque d'Évreux, mais non confirmé comme tel . Il fut sacré évêque de Carcassonne dans l'église de Grignan. Son faste et sa prodigalité contrariaient madame de Sévigné, qui aurait voulu qu'une partie de ses riches revenus ecclésiastiques fussent employés à faire du bien à ses frères, et particulièrement au moins riche de tous, le chevalier de Grignan, Adhémar.

Plein de courage et animé d'une noble ambition, Adhémar 3 parvint, par de beaux faits d'armes, au grade de maréchal de camp, lorsque son frère aîné épousa mademoiselle de Sévigné. Quoique bien jeune encore, il obtint le commandement du régiment qui portait le nom de

1 SÉVIGNÉ, Lettres (24 janvier 1689), t. VIII, p. 303 (27 août 1689), t. IX, p. 401, édit. M.

2 Voyez Lettres inédites et restituées de madame DE GRIGNAN ( 22 décembre 1677). Lettre de madame de Grignan à M. de Grignan, p. 5 d'un tirage à part. (Extrait des archives de l'École des chartes.) Louis, abbé de Grignan, fut nommé à l'évêché d'Évreux en février 1680; mais les bulles ne furent pas confirmées : au mois de mai 1681 il fut nommé évêque de Carcassonne, et sacré le 21 décembre dans l'église de Grignan. - Voyez Gallia christiana, t. VI, p. 927. — SÉVIGNÉ, Lettres (30 mars 1672), t. II, p. 374, édit. M. (21 février 1680), t. VI, p. 169, édit. M. (21 août 1681), t. VI, p. 425), édit. M. (1er septembre 1680), t. VI, p. 442, édit. M. vembre 1682), t. VII, p. 104, édit. M.

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p. 116, édit. M. p. 460, édit. M.

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- (20 no

(9 janvier 1682), t. VII, (9 septembre 1675), t. IV, p. 90, édit. G. ; t. III, Ibid. (22 septembre 1688), t. VIII, p. 366, édit. G.; t. VIII, p. 91, édit. M. - Ibid. (24 janvier 1689), t. IX, p. 118, édit. G.; t. VIII, p. 303, édit. M. (7 février 1682), t. VII, p. 104, édit. M. — (9 janvier 1683), t. VII, p. 116, édit M. 3 Voyez la 3o partie de ces Mémoires, 2e édit., chap. vin, p. 128.

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