Page images
PDF
EPUB

nées à Lavardin, premier lieutenant général, pour des Chapelles et Coëtlogon; mais elle se trompe pour M. de Molac, second lieutenant général, qui n'eut que 25,000 liv. Le marquis de Lavardin eut, en outre des 25,000 liv., 16,000 liv. pour ses gardes et officiers; le duc de Chaulnes, gouverneur, eut 100,000 liv., et 20,000 liv. pour ses gardes et officiers; le duc de Rohan eut 22,000 liv.; l'évêque de Rennes eut la même somme, et le premier président 20,000 liv. De Colbert, intendant de Bretagne, reçut 9,000 liv.; le marquis de Louvois, grand maître et surintendant des forêts, 8,000 liv., et tous les autres à proportion'.

En accordant tout ce qui leur était demandé, les états firent des remontrances tendant à faire révoquer plusieurs édits nuisibles à la province; mais les réponses furent faites aux états tenus deux ans après, en 1673: elles prouvent que ces remontrances furent illusoires. Cependant quelques-unes sont des espèces de protestations contre certaines dispositions des édits royaux, qu'on affirme être contraires aux coutumes de la province. Pour toutes les demandes de cette nature, le roi promet de se faire informer de ces coutumes: il semble ainsi reconnaître qu'il veut les respecter'.

Les assises des états furent terminées le 5 septembre. Madame de Sévigné, en annonçant à sa fille cette fin dans sa lettre datée de Vitré le lendemain, s'exprime

1 Recueil de la tenue des états de Bretagne dans diverses villes de cette province, de 1629 à 1723, Mss. de la Bibliothèque du Roi, Bl.-Mant., n° 75.

2 Recueil de la tenue des états de Bretagne, de 1629 à 1723, Mss. Bl.-Mant. (Bibliothèque royale), p. 352-355.

I

ainsi : « Les états finirent à minuit; j'y fus avec madame de Chaulnes et d'autres femmes. C'est une très-belle, trèsgrande et très-magnifique assemblée. M. de Chaulnes a parlé à tutti quanti avec beaucoup de dignité, et en termes fort convenables à ce qu'il avait à dire. Après dîner, chacun s'en va dé son côté. Je serai ravie de retrouver mes Rochers. J'ai fait plaisir à plusieurs personnes; j'ai fait un député, un pensionnaire; j'ai parlé pour des misérables, et de Caron pas un mot2, c'est-à-dire, rien pour moi; car je ne sais point demander sans raison. »

On voit que madame de Sévigné désapprouvait les prodigalités des états; mais son texte, pour ce qui la concerne, a besoin d'une explication, qui n'a jamais été donnée.

La terre de Sévigné3 avait été démembrée, ou avait depuis longtemps cessé d'être la principale possession de la famille de ce nom 4. Cette famille possédait la seigneurie des Rochers depuis le milieu du xve siècle, par le mariage d'Anne de Mathefelon, fille et héritière de Guillaume de Mathefelon, seigneur des Rochers, avec Guillaume de Sévigné. Mais il restait à la famille de Sévigné de ses anciennes possessions une terre de Sévigné près de

1 SÉVIGNÉ, Lettros (6 septembre 1671), t. II, p. 216, édit. G. ; t. II, p. 181, édit. M.

2 Allusion à un dialogue de Lucien, intitulé Caron ou les contemplateurs, que madame de Sévigné avait lu dans la traduction de Perrot d'Ablancourt, t. Ier, p. 191; Paris, 1660. Conférez à ce sujet la note de M. Monmerqué, dans son édition des Lettres de Sévigné, t. II, p. 181. Madame de Sévigné répète encore ce même mot dans la lettre du 24 septembre 1675.

3 Dans la commune de Gevezé, près de Rennes.

4 Madame de Sévigné et sa correspondance; 1838, in-8°, p. 58.

Rennes, dans la commune de Gevezé, consistant en deux métairies, en moulins et quelques fiefs, dont la valeur totale est estimée par le fils de madame de Sévigné à 18,000 livres (36,000 fr.), tandis qu'il porte le prix de la terre des Rochers à 120,000 liv. (240,000 fr.)'. Parmi les fiefs restés à la famille de Sévigné, était, dans la ville de Vitré, une maison avec cour et jardin, qu'on appelait la Tour de Sévigné. Cette maison était un fief qui relevait du duc de la Trémouille, baron de Vitré 2. Par acte passé le 2 septembre 1671 (trois jours avant la fin des états), madame de Sévigné fit une rente de cent francs aux bénédictins de Vitré, et hypothéqua cette rente ou pension sur la Tour de Sévigné 3.

Ce don fut sans doute fait en reconnaissance des réparations exécutées aux frais de la province à la grosse tour qui donnait son nom à la maison de Vitré. Voilà pourquoi elle dit, « J'ai fait un pensionnaire, » et qu'en même temps elle avance qu'elle n'a rien demandé, parce que la demande qu'elle avait formée ne pouvait souffrir aucune difficulté, puisque cette grosse tour était engagée dans les fortifications de la ville, et en faisait partie. M. le duc de Chaulnes, qui voulait faire venir à Vitré madame de Sévigné, prit ce prétexte pour la forcer à quitter son château des Rochers: il fit la plaisanterie de l'envoyer chercher par ses gardes, en lui écrivant qu'elle était nécessaire

1 Lettre inédite du marquis DE SÉVIGNÉ à la marquise de Grignan sa sœur, sur les affaires de leur maison, publiée par M. MONMERQUÉ, 1847, in-8° (24 pages), p. 21.

2 Madame DE SÉVIGNÉ et sa correspondance relative à Vitré et aux Rochers, par Louis DUBOIS, sous-préfet de Vitré, 1838. Paris, in-8°, p. 70.

3 SÉVIGNÉ, Lettres (6 septembre 1671), t. 11, p. 216, édit. G.; t. II, p. 181, édit. M.

T. IV.

3

à Vitré pour le service du roi, attendu qu'il fallait qu'elle donnåt des explications sur la demande qu'elle faisait aux états; et qu'en conséquence madame de Chaulnes l'attendait à souper1.

C'est dans cet hôtel de la Tour de Sévigné que demeurait la brillante marquise lorsqu'elle restait à Vitré. Cette année, elle en laissa la jouissance à son fils, qui y donnait à souper à ses amis 2. C'est aussi dans cette maison qu'allèrent loger, lorsqu'ils arrivèrent à Vitré pour la tenue des états, de Chesières, l'oncle de madame de Sévigné, son parent d'Harouïs, et un député nommé de Fourche3. Lorsqu'elle y restait, elle était accablée de visites. « Hier, dit-elle, je reçus toute la Bretagne à ma Tour de Sévigné 4. » Mais lorsque les états furent terminés, que le duc de Chaulnes fut parti, elle n'alla plus à Vitré. Son fils l'avait quittée depuis longtemps, et bien avant la fin des états, où son âge ne lui permettait pas d'être admis. Quoique l'été fût constamment froid et pluvieux 5, madame de Sévigné resta aux Rochers, pour que l'abbé de Coulanges pût surveiller les travaux de la chapelle, et pour avoir le temps de terminer les embellissements de son parc 7. Elle avait envie d'aller visiter une

1 SÉVIGNÉ, Lettres (26 août 1671), t. II, p. 203, édit. G.; t. II, p. 169, édit. M.

2 Ibid. (10 juin 1671), t. II, p. 95, édit. G.; t. II, p. 79, édit. M. 3 Ibid. (5 août 1671), t. II, p. 172, édit. G.; t. II, p. 152, édit. M. 4 SÉVIGNÉ, Lettres (5 juillet 1671), t. II, p. 125, édit. G.; t. II, p. 104, édit. M.

5 SÉVIGNÉ, Lettres (24 juin 1671). (Cette lettre est datée du coin de son feu), t. II, p. 107, édit. G.

6 SÉVIGNÉ, Lettres (8, 12, 19, 22 et 22 bis juillet 1671), t. II, p. 131, 138, 146, 152, édit. G.; t. II, p. 109, 115, 126, édit. M. Ibid. (4 novembre 1671), t. II, p. 281, édit. G.

7 SÉVIGNÉ, Lettres (8, 12, 19 et 22 juillet, et 4 novembre 1671),

autre terre qu'elle possédait en Bretagne, près de Nantes, nommée le Buron; mais, dit-elle, « notre abbé ne peut quitter sa chapelle; le désert du Buron et l'ennui de Nantes ne conviennent guère à son humeur agissante1. » Madame de Sévigné se soumet, et ne va pas au Buron.

Cette terre, à quatre lieues de Nantes, avait un château ancien, mais bien bâti2. Le marquis de Sévigné en fit abattre les arbres séculaires qui en faisaient tout l'agrément 3, et ce beau domaine fut ensuite dégradé et ruiné par un administrateur infidèle ou inintelligent, et par un fermier de mauvaise foi4.

Il n'en fut pas ainsi des Rochers, que madame de Sévigné ne cessa jamais d'accroître et d'embellir, et qu'elle vint si souvent habiter 5. La construction de la chapelle, de forme octogone, surmontée d'une coupole, située au bout du château et isolée, fut achevée en cette année 1671; mais ce ne fut qu'après quatre ans que l'intérieur fut entièrement en état, et qu'on put enfin y célébrer la messe, pour la première fois, le 15 décembre 1675. A cette

t. II, p. 131, 138, 146, 152, 281, édit. G. Ibid., t. II, p. 109, 115, 126, édit. M.

[ocr errors]

SÉVIGNÉ, Lettres (26 juillet 1671), t. II, p. 160, édit. G. 2 SÉVIGNÉ, Lettres (18 février 1689), t. VIII, p. 321, édit. M.

3 SÉVIGNÉ, Lettres (13 décembre 1679), t. II, p. 65, édit. M. – (27 mai et 19 juin 1680), t. II, p. 289 et 325.

4 SÉVIGNÉ, Lettres (8 juillet, 18 et 23 novembre 1689), t. IX, p. 25, 216 et 224, édit. M. Lettre inédite du marquis DE SÉVIGNÉ (27 septembre 1696).

5 L'histoire de sa vie et ses lettres nous signalent sa présence aux Rochers en 1644, 1646, 1651, 1654, 1661, 1666, 1667, 1671, 1675, 1676, 1680, 1684, 1685, 1689, 1690; et probablement elle y alla encore dans plusieurs autres années, sur lesquelles nous n'avons aucun renseignement.

« PreviousContinue »