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cntre deux maximes, faite par madame de la Fayette à madame Détails sur la Rochefoucauld et sur son livre des Corneille donne Pulchérie, et Racine Mithridate. Mort de Molière.

de Sévigné. Maximes.

Durant les quatorze mois des années 1672 et 1673, que madame de Sévigné se trouva réunie avec sa fille en Provence', on est privé du journal presque quotidien qu'elle lul transmettait, et qui nous instruit d'une foule de particularités importantes pour l'histoire de son siècle.

Mais l'âge n'avait rien fait perdre à madame de Sévigné de sa vive imagination et de la faculté qu'elle avait de se rendre présente à ses amis même lorsqu'elle en était séparée par de grandes distances, et de les intéresser à tout ce qui se passait autour d'elle. Aussi aimait-on à recevoir de ses lettres, et c'est une grande perte pour la littérature et l'histoire que la disparition de celles qu'elle écrivit, pendant son séjour en Provence, à son fils, à son cousin de Coulanges, à madame de la Fayette, à madame de Coulanges, à mademoiselle de Meri, sa cousine, sœur du marquis de la Trousse, qui transmettait les nouvelles de l'armée qu'elle recevait de son frère 2, et enfin au duc de la Rochefoucauld. Celui-ci, dont la réputation était grande comme bon juge des ouvrages d'esprit, auquel les Boileau, les la Fontaine, les Molière soumettaient leurs écrits, était plus charmé que tout autre à la lecture des lettres de madame de Sévigné, parce que, comme homme de cour, comme bel esprit, il appréciait mieux que tout autre le talent qui s'y montrait. Il commence ainsi la réponse à la première let

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Quatorze mois et six jours. Voyez SÉVIGNÉ, Lettres (mercredi 27 juillet 1672, jeudi 5 octobre 1673), t. III, p. 109 et 176, édit. G. 2 SÉVIGNÉ, Lettres (26 décembre 1672), t. III, p. 133, édit. G.; t. III, p. 63, édit.

tre qu'il reçut d'elle de Provence : « Vous ne sauriez croire le plaisir que vous m'avez fait de m'envoyer la plus agréable lettre qui ait jamais été écrite : elle a été lue et admirée comme vous le pouvez souhaiter; il me serait difficile de vous rien envoyer de ce prix-là 1. » Et madame de Coulanges lui écrit : « J'ai vu une lettre admirable que vous avez écrite à M. de Coulanges; elle est si pleine de bon sens et de raison que je suis persuadée que ce serait méchant signe à qui trouverait à y répondre. Je promis hier à madame de la Fayette qu'elle la verrait; je la trouvai tête à tête avec un appelé M. le duc d'Enghien [le fils du grand Condé ]. On regretta le temps que vous étiez à Paris, vous y souhaita : mais, hélas ! ils sont inutiles les souhaits! et cependant on ne saurait s'empêcher d'en faire 2. »

on

Heureusement que l'on possède quelques-unes des réponses qui ont été faites aux lettres qu'elle écrivit de Provence à ses amis, et qu'on peut, par ces réponses, suppléer en partie aux lettres qu'elle aurait écrites à sa fille si elle n'avait pas été en Provence.

Ces réponses sont de M. de la Rochefoucauld, de madame de Coulanges et de madame de la Fayette en dernier.

Madame de Coulanges était la mieux placée pour donner des nouvelles. Son oncle le Tellier était malade: c'est chez lui que les courriers descendaient. C'est elle qui apprend à madame de Sévigné la levée du siége de Charleroi 3, qui valut à Montal une belle récompense, une lettre flat

1 SÉVIGNÉ, Lettres (9 février 1673), t. III, p. 139, édit. G.; t. III, p. 69, édit. M.

2 SÉVIGNÉ, Lettres (20 mars 1673).

3 Le 22 décembre 1672. Conférez SÉVIGNÉ, Lettres (26 décembre 1672), t. III, p. 133, édit. G.; t. III, p. 63, édit. M.

teuse de Louis XIV, et des lettres de felicitations de Bussy, qui, pour rentrer en grâce, ne laissait échapper aucune occasion de flatter les généraux en faveur 2.

Elle lui dit : « Nous avons ici madame de Richelieu; j'y soupe ce soir avec madame Dufresnoy; il y a grande presse chez cette dernière à la cour. »

Il n'est pas étonnant qu'on se montrât très-empressé auprès de cette maîtresse de Louvois: le ministre était à l'apogée de sa puissance et de sa faveur. Louis XIV avait quitté le théâtre de la guerre, et y avait laissé Louvois, auquel il transmettait ses ordres de Compiègne et ensuite de Saint-Germain. Le roi continuait à diriger l'ensemble des opérations militaires et des négociations auxquelles elles donnaient lieu, et il entretenait personnellement et sans aucun intermédiaire une correspondance trèsactive avec son ministre, avec Turenne et avec Condé. Il se relevait souvent la nuit pour répondre à de longues dépêches de Louvois, écrites en chiffres ; et il dictait ses réponses à mesure qu'on les déchiffrait. Il ne lui cachait rien; il lui donnait les instructions les plus étendues et un pouvoir absolu pour l'exécution de ses ordres 3. La maladie de le Tellier lui occasionna un surcroît de travail, parce qu'il ne voulut confier à personne le secret des lettres que le courrier portait à ce ministre; et il se les faisait remettre pour y répondre lui-même.

I LOUIS XIV, Mémoires militaires (Lettre de Compiègne, du 26 décembre 1672, au comte de Montal), t. III, p. 292.

2 Bussy, lettre à Montal, datée de Chaseu le 6 janvier 1673, dans la suite des Mémoires de Bussy. Manuscrit (biblioth. de l'Institut), p. 1. Ce ms. renferme le années 1673-1676, inédites.

3 Louis XIV, Œuvres, t. III, p. 261, 302. Lettres de Louis XIV, relatives à la fin de la campagne de 1672. (Du 19 au 30 décembre.)

Charles II, son allié, lui était dévoué, et se conduisait par ses conseils. Louis XIV comprenait mieux que les ministres du roi d'Angleterre la constitution anglaise et la tactique parlementaire; ce fut lui qui empêcha Charles II de casser son parlement, et qui lui fit sentir la nécessité de le satisfaire. Ce fut lui qui donna à ce roi faible et dominé par la volupté une maîtresse française, mademoiselle de Kerouel, que Charles II fit duchesse de Portsmouth: Louis XIV la dota de la terre d'Aubigny-sur-Nière, et fixa d'avance le sort des enfants que le roi d'Angleterre pourrait en avoir, comme il aurait fait des siens propres 1.

Les historiens se sont mépris quand ils ont accusé Louis XIV d'avoir quitté l'armée par amour pour Montespan. Il crut que la reine était enceinte 2; il la rejoignit et ne la quitta pas, soumettant même ses départs et le transport de sa cour d'un lieu dans un autre aux exigences de sa dévotion 3. Lui-même aussi donna l'exemple de l'accomplissement des devoirs religieux. Le 1er avril (la veille du jour de Pâques en 1673), il communia solennellement dans l'église paroissiale de Saint-Germain en Laye dans le jardin des Récollets il toucha 800 malades, et termina, à pied, ses stations du jubilé dans l'église des

Lettre de COLBERT à Louis XIV (mars 1673). Lettres patentes du mois de décembre 1673, portant donation de la terre d'Aubignysur-Nière à mademoiselle de Kerouel.. LOUIS XIV, Œuvres, t. VI,

p. 451-456.

2 Lettre de madame DE LA ROCHE au comte de Bussy, en date du 8 janvier 1673. Dans la suite des Mémoires de Bussy (Mss. de la biblioth. de l'Institut), p. 8.

3 LOUIS XIV, Œuvres, t. III, p. 271, 273, 274, 299, 300 et

301.

Augustins de la forêt. Il avait laissé madame de Montespan à Courtray 2, et ne prenait d'autres distractions que celles de la chasse, le plus souvent dans les bois de Versailles. Aussitôt son arrivée à Saint-Germain, il écrivit à Louvois ces mots « Il serait d'éclat d'agir pendant l'hiver 3; » et il donna des ordres pour attaquer en Flandre les Espagnols, qui avaient fourni au prince d'Orange des troupes et des canons 4. Il était arrivé le 2 décembre (1672) à Saint-Germain, et il en repartit le 1er mai, accompagné de la reine, voyageant à cause d'elle à petites journées. Un heureux accouchement était pour lui d'un intérêt politique, et à cette considération il subordonnait toutes choses, même ses passions. Il n'arriva que le 15 à Courtray 5. Il fit à cheval toute cette glorieuse campagne de 1673, dont il s'est complu à écrire lui-même l'histoire, comme la plus glorieuse de toutes celles qu'il ait faites.

Madame de Coulanges donne à madame de Sévigné toutes les nouvelles qui peuvent l'intéresser; elle se fait peindre, pour envoyer son portrait à M. de Grignan, qui le lui avait demandé. Elle n'oublie pas de parler à madame de Sévigné de leur amie commune, madame Scarron, dont la vie mystérieuse occupait vivement la cour. « Aucun mortel, dit madame de Coulanges, n'a commerce avec elle. J'ai reçu une de ses lettres; mais

1 Gazettes, année 1673; Paris, in-4°, 1674, p 314.
2 SÉVIGNÉ, Lettres (26 mai 1673), t. III, p. 15, édit. G.

3 LOUIS XIV, Œuvres, t. III, p. 262.

4 Louis XIV, Œuvres. Lettres à Louvois, datées de Verberie des 22 et 23 décembre, t. III, p. 271, 273, 274, 276.

5 LOUIS XIV, Euvres, t. III, p. 300, 301, 307.- SÉVIGNÉ, Lettres (26 mai 1673), t. III, p. 156, édit. G.; t. III, p. 84, édit. M.

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