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pas

Comptez sur quarante Catons,
Et vous ne vous tromperez guère ;
Et, pour que vous n'en doutiez
Je vous fais juge de la chose.
Poëtes n'ayant pas plus de rats
Que de vieux écrivains en prose,
Force gens à petits rabats,

Des grands de la cour, des prélats,
Voilà tout ce qui nous compose.
L'expérience rend matois;

Nous n'y serons pas pris deux fois,
Et je n'ai la tête saine,

pas

Ou de long-temps dans le tableau
Nous ne reverrons un Boileau,
Et moins encore un La Fontaine.
En style simple et sans apprêt
La chose ainsi contée au maître,
Peut-être un peu moins comme elle est
Que telle qu'elle devrait être,

Pour aller vanter ce succès

A son bon ami Ximénès (1),
Le grand Armand quitta la place,
Et l'heureux Danchet pour jamais
Alla rejoindre son Horace.

PIRON.

(1) François Ximenès, très-célèbre cardinal, archevêque de Tolède, principal ministre d'état d'Espagne, et l'un des grands

VINGT têtes, vingt avis; nouvel an, nouveau goût ;

Autre ville, autres mœurs; tout change, on détruit tout.
Examine pour toi ce que ton voisin pense:

Le plus beau droit de l'homme est cette indépendance.
Mais ne dispute point : les desseins éternels,
Cachés au sein de Dieu, sont trop loin des mortels.
Le peu que nous savons d'une façon certaine,
Frivole comme nous, ne vaut pas tant de peine.
Le monde est plein d'erreurs: mais de là je conclus
Que prêcher la raison n'est qu'une erreur de plus.
En parcourant au loin la planète où nous sommes,
Que verrons-nous? Les torts et les travers des hommes:
Ici c'est un synode, et là c'est un divan;

Nous verrons le muphti, le derviche et l'iman,
Le bonze, le lama, le talapoin, le pope,
Les antiques rabbins, et les abbés d'Europe,
Nos moines, nos prélats, nos docteurs agrégés.
Êtes-vous disputeurs, mes amis? voyagez.

politiques qui eussent encore paru dans le monde à cette époque, naquit à Torre-Laguna en 1437, et mourut empoisonné le 8 novembre 1517, après avoir gouverné l'Espagne pendant vingt-deux ans sous les règnes de Ferdinand, d'Isabelle, de Jeanne, de Philippe, et de Charles d'Autriche.

Qu'un jeune ambitieux ait ravagé la terre;
Qu'un regard de Vénus ait allumé la guerre;
Qu'à Paris au palais l'honnête citoyen

Plaide pendant vingt ans pour un mur mitoyen;
Qu'au fond d'un diocèse un vieux prêtre gémisse
Quand un abbé de cour enlève un bénéfice;

Et que, dans le parterre, un poëte envieux
Ait, en battant des mains, un feu noir dans les yeux:
Tel est le cœur humain. Mais l'ardeur insensée
D'asservir ses voisins à sa propre pensée,

Comment la concevoir? Pourquoi, par quel moyen
Veux-tu que ton esprit soit la règle du mien?
Je hais surtout, je hais tout censeur incommode,
Tous ces demi-savans gouvernés par la mode;
Ces gens qui, pleins de feu, peut-être pleins d'esprit,
Soutiendront contre vous ce que vous aurez dit :
Un peu musiciens, philosophes, poëtes,

Et grands hommes d'état formés par les gazettes;
Sachant tout, lisant tout, prompts à parler de tout,
Et qui contrediraient Voltaire sur le goût,
Montesquieu sur les lois, de Brogli (1) sur la guerre,
Ou la jeune d'Egmont sur le talent de plaire.
Voyez-les s'emporter sur les moindres sujets,
Sans cesse répliquant, sans répondre jamais.

(1) Il faudrait Broglie au lieu de Brogli; mais le une syllabe de plus, et serait informe.

vers aurait

« Je ne céderais pas au prix d'une couronne.
» Je sens ; le sentiment ne consulte personne,
» Et le roi serait là.... je verrais là le feu....
» Messieurs, la vérité mise une fois en jeu,
» Doit-il vous importer de plaire ou de déplaire? »
C'est bien dit; mais pourquoi cette roideur austère?
Hélas! c'est pour juger de quelques nouveaux airs,
Ou des deux Poinsinets lequel fait mieux des vers.
Auriez-vous, par hasard, connu feu monsieur d'Aube (1),
Qu'une ardeur de dispute éveillait avant l'aube?
Contiez-vous un combat de votre régiment,

Il savait mieux que vous où, contre qui, comment.
Vous seul en auriez eu toute la renommée,
N'importe; il vous citait ses lettres de l'armée ;
Et Richelieu présent, il aurait raconté
Ou Gênes défendue, ou Mahon emporté.
D'ailleurs homme d'esprit, de sens et de mérite;
Mais son meilleur ami redoutait sa visite.
L'un, bientôt rebuté d'une vaine clameur,
Gardait en l'écoutant un silence d'humeur.
J'en ai vu, dans le feu d'une dispute aigrie,
Prêts à l'injurier, le quitter de furie;
Et, rejetant la porte à son double battant,
Ouvrir à leur colère un champ libre en sortant.

(1) Neveu de Fontenelle, et le plus grand disputeur de son

temps.

Ses neveux, qu'à sa suite attachait l'espérance,
Avaient vu dérouter toute leur complaisance.
Un voisin asthmatique, en le quittant un soir,
Lui dit: Mon médecin me défend de vous voir.
Et, parmi cent vertus, cette unique faiblesse
Dans un triste abandon réduisit sa vieillesse.
Au sortir d'un sermon la fièvre le saisit,
Las d'avoir écouté, sans avoir contredit;
Et tout près d'expirer, gardant son caractère,
Il faisait disputer le prêtre et le notaire.
Que la bonté divine, arbitre de son sort,
Lui donne le repos que nous rendit sa mort,
Si du moins il s'est tu devant ce grand arbitre!

Un jeune bachelier, bientôt docteur en titre,
Doit, suivant une affiche, en tel jour, en tel lieu,
Répondre à tout venant sur l'essence de Dieu.
Venez-y, venez voir, comme sur un théâtre,
Une dispute en règle, un choc opiniâtre ;
L'enthymème serré, les dilemmes pressans,
Poignards à double lame, et frappant en deux sens,
Et le grand syllogisme en forme régulière,
Et le sophisme vain de sa fausse lumière;
Des moines échauffés, vrai fléau des docteurs;
De pauvres Hibernois, complaisans disputeurs,
Qui, fuyant leur pays pour les saintes promesses
Viennent vivre à Paris d'argumens et de messes;
Et l'honnête public, qui, même écoutant bien,
A la saine raison de n'y comprendre rien.

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