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OCTAVE.

Non, mon père, toutes vos propositions de mariage ne serviront de rien. Je dois lever le masque avec vous, et l'on vous a dit mon engagement.

ARGANTE.

Oui. Mais tu ne sais pas...

OCTAVE.

Je sais tout ce qu'il faut savoir.

ARGANTE.

Je te veux dire que la fille du seigneur Géronte...

OCTAVE.

La fille du seigneur Géronte ne me sera jamais de rien.

C'est elle...

GÉRONTE.

OCTAVE à Géronte.

Non, monsieur; je vous demande pardon; mes résolutions sont prises.

Écoutez...

SILVESTRE à Octave.

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Non, vous dis-je, mon père; je mourrai plutôt que de quitter mon aimable Hyacinthe. (traversant le théâtre pour se mettre à côté d'Hyacinthe.) Oui, vous avez beau faire; la voilà celle à qui ma foi est engagée. Je l'aimerai toute ma vie, et je ne veux point d'autre femme.

ARGANTE.

Eh bien! c'est elle qu'on te donne. Quel diable d'étourdi, qui suit toujours sa pointe!

HYACINTHE montrant Géronte.

Oui, Octave, voilà mon père que j'ai trouvé; et nous nous voyons hors de peine.

GÉRONTE.

Allons chez moi; nous serons mieux qu'ici pour nous entretenir.

HYACINTHE montrant Zerbinette.

Ah! mon père, je vous demande, par grâce, que je ne sois point séparée de l'aimable personne que vous voyez. Elle a un mérite qui vous fera concevoir de l'estime pour elle, quand il sera connu de vous.

GÉRONTE.

Tu veux que je tienne chez moi une personne qui est

aimée de ton frère, et qui m'a dit tantôt au nez mille sottises de moi-même?

ZERBINETTE.

Monsieur, je vous prie de m'excuser. Je n'aurais pas parlé de la sorte, si j'avais su que c'était vous; et je ne vous connaissais que de réputation.

CÉRONTE.

Comment! que de réputation?

HYACINTHE.

Mon père, la passion que mon frère a pour elle n'a rien de criminel, et je réponds de sa vertu.

GÉRONTE.

Voilà qui est fort bien. Ne voudrait-on point que je mariasse mon fils avec elle? Une fille inconnue, qui fait le métier de coureuse!

SCÈNE XII.

ARGANTE, GÉRONTE, LÉANDRE, OCTAVE, HYACINTHE, ZERBINETTE, NÉRINE, SILVESTRE.

LÉANDRE.

Mon père, ne vous plaignez point que j'aime une inconnue, sans naissance et sans bien. Ceux de qui je l'ai rachetée viennent de me découvrir qu'elle est de cette ville, et d'honnête famille; que ce sont eux qui l'ont dérobée à l'âge de quatre ans et voici un bracelet qu'ils m'ont donné, qui pourra nous aider à trouver ses parents.

ARGANTE.

Hélas! à voir ce bracelet, c'est ma fille que je perdis à l'âge que vous dites.

Votre fille ?

GÉRONTE.

ARGANTE.

Oui, ce l'est; et j'y vois tous les traits qui m'en peuvent ́rendre assuré.

HYACINTHE.

O ciel! que d'aventures extraordinaires !

SCÈNE XIII.

ARGANTE, GÉRONTE, LÉANDRE, OCTAVE, HYACINTHE, ZERBINETTE, NÉRINE, SILVESTRE, CARLE.

CARLE.

Ah! messieurs, il vient d'arriver un accident étrange.

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Hélas! monsieur, vous ne serez pas en peine de cela. En passant contre un bâtiment, il lui est tombé sur la tête un marteau de tailleur de pierre, qui lui a brisé l'os et découvert toute la cervelle. Il se meurt, et il a prié qu'on l'apportât ici pour vous pouvoir parler avant que de mourir.

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ARGANTE, GERONTE, LÉANDRE, OCTAVE, HYACINTHE, ZERBINETTE, NÉRINE, SCAPIN, SILVESTRE, CARLE.

SCAPIN apporté par deux hommes, et la tête entourée de linges, comme s'il avait été blessé.

Ahi! ahi! Messieurs, vous me voyez... ahi! vous me voyez dans un étrange état. Ahi! Je n'ai pas voulu mourir sans venir demander pardon à toutes les personnes que je puis avoir offensées. Ahi! Oui, messieurs, avant que de rendre le dernier soupir, je vous conjure de tout mon cœur de vouloir me pardonner tout ce que je puis vous avoir fait, et principalement le seigneur Argante et le seigneur Géronte. Ahi!

ARGANTE.

Pour moi, je te pardonne; va, meurs en repos.
SCAPINGéronte.

C'est vous, monsieur, que j'ai le plus offensé par les coups de bâton que...

GÉRONTE.

Ne parle point davantage; je te pardonne aussi.

SCAPIN.

Ç'a été une témérité bien grande à moi, que les coups de bâton que je...

Laissons cela.

GÉRONTE.

SCAPIN.

J'ai, en mourant, une douleur inconcevable des coups de bâton que..

Mon Dieu! tais-toi.

GÉRONTE.

SCAPIN.

Les malheureux coups de bâton que je vous...

GÉRONTE.

Tais-toi, te dis-je ; j'oublie tout.

SCAPIN.

Hélas! quelle bonté ! Mais est-ce de bon cœur,

que vous me pardonnez ces coups de bâton que...

GÉRONTE.

monsieur,

Hé! oui. Ne parlons plus de rien; je te pardonne tout: voilà qui est fait.

SCAPIN.

Ah! monsieur, je me sens tout soulagé depuis cette parole.

GÉRONTE,

Oui; mais je te pardonne à la charge que tu mourras.

Comment! monsieur?

SCAPIN.

GÉRONTE.

Je me dédis de ma parole, si tu réchappes.

SCAPIN.

Ahi! ahi! Voilà mes faiblesses qui me reprennent.

ARGANTE.

Seigneur Géronte, en faveur de notre joie, il faut lui pardonner sans condition.

Soit.

GÉRONTE.

ARGANTE.

Allons souper ensemble, pour mieux goûter notre plaisir.

SCAPIN.

Et moi, qu'on me porte au bout de la table, en attendant que je meure.

FIN DES FOURBERIES DE SCAPIN

D'ESCARBAGNAS,

COMÉDIE (1671).

PERSONNAGES.

LA COMTESSE D'ESCARBAGNAS.

LE COMTE, fils de la comtesse d'Escarbagnas.

LE VICOMTE, amant de Julie.

JULIE, amante du vicomte.

M. TIBAUDIER, conseiller, amant de la comtesse. M. HARPIN, receveur des tailles, autre amant de la comtesse.

M. ROBINET, précepteur de M. le comte

ANDRÉE, suivante de la comtesse.

JEANNOT, laquais de M. Tibaudier.

CRIQUET, laquais de la comtesse.

SCÈNE PREMIÈRE.

JULIE, LE VICOMTE.

LE VICOMTE.

Hé quoi, madame! vous êtes déjà ici?

JULIE.

ACTEURS.

Mlle MAROTTE.
GODON.

LA GRANGE.
Mile BEAUVAL
HUBERT.

DU CROISY.
BEAUVAL.
Mlle BONNEAU.
BOULONNOIS.

FINET.

Oui. Vous en devriez rougir, Cléante; et il n'est guère honnête à un amant de venir le dernier au rendez-vous.

LE VICOMTE.

Je serais ici il y a une heure, s'il n'y avait point de fâcheux au monde; et j'ai été arrêté en chemin par un vieux importun de qualité, qui m'a demandé tout exprès des nouvelles de la cour, pour trouver moyen de m'en dire des plus extravagantes qu'on puisse débiter; et c'est là, comme vous savez, le fléau des petites villes, que ces grands nouvellistes qui cherchent partout où répandre les contes qu'ils ramassent. Celui-ci m'a montré d'abord deux feuilles de papier, pleines jusques aux bords d'un grand fatras de balivernes, qui viennent, m'a-t-il dit, de l'endroit le plus sûr du monde. Ensuite, comme d'une chose fort curieuse, il m'a fait avec grand mystère une fatigante lecture de toutes les méchantes plaisanteries de la gazette de Hollande, dont il épouse les intérêts. Il tient que la France est battue en ruine par la plume de cet écrivain,

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