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Venez, venez, Ris et Jeux,
Plaisirs, Amours et Tendresse ;
Ne songeons qu'à nous réjouir :
La grande affaire est le plaisir.
CHOEUR DE MASQUES CHANTANTS.
Ne songeons qu'à nous réjouir :
La grande affaire est le plaisir.
L'ÉGYPTIENNE.

A me suivre tons ici

Votre ardeur est non commune;

Et vous êtes en souci

De votre bonne fortune :
Soyez toujours amoureux,
C'est le moyen d'être heureux.

UN MASQUE en Égyptien.

Aimons jusques au trépas;
La raison nous y convie.
Hélas! si l'on n'aimait pas,
Que serait-ce de la vie?
Ah! perdons plutôt le jour
Que de perdre notre amour.
L'ÉGYPTIEN.

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Tout n'est rien, si l'amour n'y mêle ses ardeurs. L'ÉGYPTIENNE.

Il n'est point, sans l'amour, de plaisirs dans la vie
TOUS DEUX ENSEMBLE.

Soyons toujours amoureux.
C'est le moyen d'être heureux.
CHOEUR.

Sus, sus, chantons tous ensemble;
Dansons, sautons, jouons-nous.

UN MASQUE en pantalon.
Lorsque pour rire on s'assemble
Les plus sages, ce me semble,
Sont ceux qui sont les plus fous
TOUS ENSEMBLE.

Ne songeons qu'à nous réjouir :
La grande affaire est le plaisir.
PREMIÈRE ENTRÉE DE BALLET.

Danse de sauvages.

DEUXIÈME ENTRÉE DE BALLET.

Danse de Biscaïens.

FIN DE M DE POURCEAUGNAC.

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TROUPE DE SPECTATEURS chantants.

PREMIER HOMME du bel air.

SECOND HOMME du bel air.
PREMIÈRE FEMME du bel air.

SECONDE FEMME du bel air.
PREMIER GASCON.

SECOND GASCON.

UN SUISSE.

UN VIEUX BOURGEOIS babillard.

UNE VIEILLE BOURGEOISE babillarde.
ESPAGNOLS chantants.

ESPAGNOLS dansants.

UNE ITALIENNE.

UN ITALIEN.

DEUX SCARAMOUCHES.

DEUX TRIVELINS.

ARLEQUIN.

DEUX POITEVINS chantants et dansanta

POITEVINS et POITEVINES dansants.

La scène est à Paris, dans la maison de M. Jourdain.

ACTE PREMIER.

Louverture se fait par un grand assemblage d'instruments; et dans le milieu du théâtre on voit un elève du maitre de musique qui compose, sur une table, un air que le bourgeois a demandé pour une sérénade.

SCÈNE PREMIERE.

UN MAITRE DE MUSIQUE, UN ÉLÈVE DU MAÎTRE DE MUSIQUE; UNE MUSICIENNE, DEUX MUSICIENS, UN MAITRE A DANSER, DANSEURS.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE aux musiciens.

Venez, entrez dans cette salle, et vous reposez là, en attendant qu'il vienne.

LE MAÎTRE A DANSER aux danseurs.

Et vous aussi, de ce côté.

Est-ce fait ?

LE MAÎTRE DE MUSIQUE à son élève.

Oui.

L'ÉLÈVE.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Voyons... Voilà qui est bien,

LE MAÎTRE A DANSER.

Est-ce quelque chose de nouveau ?

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Oui, c'est un air pour une sérénade, que je lui ai fait composer ici, en attendant que notre homme fúi éveillé. LE MAÎTRE A DANSER.

Peut-on voir ce que c'est ?

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Vous l'allez entendre avec le dialogue, quand il viendra ; il ne tardera guère.

LE MAÎTRE A DANSER.

Nos occupations, à vous et à moi, ne sont pas petites maintenant.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Il est vrai nous avons trouvé ici un homme comme il nous le faut à tous deux. Ce nous est une douce rente que ce monsieur Jourdain, avec les visions de noblesse et de galanterie qu'il est allé se mettre en tête ; et votre danse et ma musique auraient à souhaiter que tout le monde lui ressemblât.

LE MAÎTRE A DANSER.

Non pas entièrement; et je voudrais, pour lui, qu'il se connût mieux qu'il ne fait aux choses que nous lui donnons. LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Il est vrai qu'il les connaît mal, mais il les paye bien; et c'est de quoi maintenant nos arts ont plus besoin que de toute chose.

LE MAÎTRE A DANSER.

Pour moi, je vous l'avoue, je me repais un peu de gloire. Les applaudissements me touchent, et je tiens que, dans tous les beaux-arts, c'est un supplice assez fàcheux que de se produire à des sots, que d'essuyer, sur des compositions, la barbarie d'un stupide. Il y a plaisir, ne m'en parlez point, à travailler pour des personnes qui soient capables de sentir les délicatesses d'un art, qui sachent faire un doux accueil aux beautés d'un ouvrage, et par de chatouillantes approbations vous régaler de votre travail (1). Oui, la récompense la plus agréable qu'on puisse recevoir des choses que l'on fait, c'est de les voir connues, de les voir caressées d'un applaudisse

(1) Régaler, dans cette phrase, signifie récompenser, dédommager. Molière, dans l'Étourdi, avait déjà dit, pour vous régaler du souci, etc.; ct on lit dans Scarron, il me devra son raccommodement, il m'en régalera. Régaler, proprement, étymologiquement, c'est rendre égal; et par conséquent récompenser d'un travail est ce qui rend les choses égales.(A)

ment qui vous honore. Il n'y a rien, à mon avis, qui nous paye mieux que cela de toutes nos fatigues; et ce sont des douceurs exquises que des louanges éclairées.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

J'en demeure d'accord, et je les goûte comme vous. Il n'y a rien assurément qui chatouille davantage que les applaudissements que vous dites; mais cet encens ne fait pas vivre. C Des louanges toutes pures ne mettent point un homme à son aise : il y faut mêler du solide; et la meilleure façon de louer, c'est de louer avec les mains. C'est un homme, à la vérité, dont les lumières sont petites, qui parle à tort et à travers de toutes choses, et n'applaudit qu'à contre-sens; mais son argent redresse les jugements de son esprit ; il a du discernement dans sa bourse, ses louanges sont monnayées : et ce bourgeois ignorant nous vaut mieux, comme vous voyez, que le grand seigneur éclairé qui nous a introduits ici.

LE MAÎTRE A DANSER.

Il y a quelque chose de vrai dans ce que vous dites; mais je trouve que vous appuyez un peu trop sur l'argent ; et l'intérêt est quelque chose de si bas, qu'il ne faut jamais qu'un honnête homme montre pour lui de l'attachement. LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Vous recevez fort bien pourtant l'argent que notre homme vous donne.

LE MAÎTRE A DANSER.

Assurément; mais je n'en fais pas tout mon bonheur; et je voudrais qu'avec son bien il eût encore quelque bon goût des choses.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Je le voudrais aussi ; et c'est à quoi nous travaillons tous deux autant que nous pouvons. Mais, en tout cas, il nous donne moyen de nous faire connaître dans le monde; et il payera pour les autres ce que les autres loueront pour lui.

Le voilà qui vient.

LE MAÎTRE A DANSER.

SCÈNE II.

M. JOURDAIN en robe de chambre et en bonnet de nuit; LE
MAITRE DE MUSIQUE, LE MAITRE A DANSER, L'E-
LÈVE DU MAÎTRE DE MUSIQUE, UNE MUSICIENNE, DEUX
MUSICIENS, DANSEURS, DEUX LAQUAIS.

M. JOURDAIN.

Eh bien, messieurs! Qu'est-ce? Me ferez vous voir votre petite drôlerie ?

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