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de la médecine. Il avait pris ses grades dans la Faculté de Montpellier, que les leçons de Barthez, de Fouquet et de Dumas rendaient encore célèbre. Il en était sorti profondément imbu des principes de cette doctrine éclectique, essentiellement conservatrice, qui promet et assure une pratique généralement heureuse au médecin qui s'en est pénétré et qui la prend pour guide au lit de ses malades. Il y avait puisé en même temps cette haute idée de son art et de ses fonctions, qui fait que le médecin, ne cessant jamais de se regarder comme le ministre de la nature, se fait un devoir consciencieux d'employer tous ses moyens au soulagement et à la conservation des malheureux auxquels il peut être utile. Enfin, c'est aussi dans cette école que lui furent inspirés cette abnégation de soi-même et ce dévouement dont le médecin, qui n'est point indigne de ce nom, ne sait point se défendre, lorsque, dans certaines calamités publiques, la santé et la vie de ses concitoyens sont compromises et courent des dangers.

Si l'on était tenté de ne voir, dans ces paroles, que des déclamations vaines et exagérées, je vous prierais, Messieurs, de remarquer que, dans toutes les épidémies pestilentielles dont l'histoire nous a été transmise, on n'a jamais accusé les médecins, en genéral, d'avoir, pour échapper au danger, quitté lâchement leur poste et laissé inhumainement les malades aux prises avec le désespoir et la mort. S'il s'en est trouvé quelquefois qui aient for

fait à l'honneur, leur nombre a toujours été infiniment petit, et leur fuite honteuse signalée à la postérité. Ce n'est point dans cette classe que le nom de notre collègue devra être inscrit ; sa belle conduite en 1814, lors de la première invasion de la France par les armées alliées, a prouvé qu'il comprenait ses devoirs et savait les remplir. Eh! pourquoi ne dirai-je pas que cette conduite tient de l'héroïsme, si la résolution courageuse, si les motifs généreux qui l'ont déterminée, lui méritent cette qualification? Au reste, Messieurs, je dirai les faits, vous en serez les juges.

Le typhus contagieux régnait dans les hôpitaux de Troyes, où il avait été introduit par les débris de l'armée française, qui refluait dans l'intérieur, lorsque le docteur Serqueil, qui avait été nommé depuis quelques années seulement, médecin de l'Hôtel-Dieu, reçut, à Paris, où il était retenu par des affaires importantes, une lettre très-pressante, par laquelle je lui donnais avis que les salles de l'Hôtel-Dieu étaient infectées par la contagion du typhus des armées qui acquérait chaque jour un plus grand degré de malignité, et que, de nouvelles salles ayant été ouvertes pour recevoir les malades dont le nombre augmentait prodigieusement, je me trouvais dans l'impossibilité de suffire seul à ce service, et par conséquent dans la nécessité de lui dire que son prompt retour à Troyes était indispensable. Médecin, Serqueil prévit dès-lors, ainsi qu'il en est convenu avec ses amis, que, n'ayant point eu occasion de

fréquenter les hôpitaux dans des momens où ils étaient infectés par des maladies contagieuses, il y avait de grandes probabilités qu'il en serait atteint dès qu'il lui faudrait, chaque jour, rester plongé, pendant plusieurs heures, dans une atmosphère pestilentielle. Il ne s'était pas non plus dissimulé qu'en raison des accidens graves auxquels il avait échappé, comme par miracle, quelques années auparavant, et même d'après l'état actuel de sa santé, il était très à craindre qu'il succombât, si le typhus venait à l'atteindre. Veuf et père de famille, il devait d'autant plus désirer de conserver ses jours, que sa mort priverait de leur plus solide appui et de leur meilleur guide des orphelins à peine sortis de la première enfance. Cependant, des considérations si graves ne le font point hésiter sur le parti qu'il doit prendre quelques instans sont seulement consacrés aux derniers adieux qu'il doit à ses amis; il reçoit leurs embrassemens avec un attendrissement qui fait assez connaître ses tristes pressentimens, part et arrive pour entrer en service le premier janvier; le 8, le typhus était déclaré chez lui; le 17, nous suivions son convoi funèbre....

Convenons, Messieurs, que Serqueil avait assez l'expérience des hommes et des choses pour avoir prévu que sa mort serait à peine aperçue, et, que, fût-il assez heureux pour échapper au danger auquel il courait, sa récompense la plus certaine et la plus solide serait de pouvoir toujours se dire : J'ai fait mon devoir. Ainsi, ce n'était point l'espoir de

la célébrité, des honneurs, des grandes récom→ penses, qui l'avaient déterminé : le sentiment qui l'inspirait était plus noble et plus généreux; c'était celui du véritable brave, celui qui fait les héros.

On doit, sans doute, des éloges au guerrier valeureux qui, mis en présence de l'ennemi, résiste aux flots des combattans, ou se précipite sur des bataillons armés et se jette dans la mêlée avec intrépidité; bien que la voix et les encouragemens de ses chefs, l'exemple de ses compagnons, le bruit des armes, la fougue et la fureur belliqueuses l'empêchent assez souvent de juger de toute l'étendue du danger auquel il s'expose. Mais ne doit-on pas aussi des éloges au modeste soldat qui s'avance seul et en silence vers le poste périlleux où gissent encore ses camarades que le plomb mortel a atteints, ou qui y attend, dans une immobilité impassible, le coup qui, à chaque minute, à chaque instant, peut aussi le frapper?

J'ai peut-être, Messieurs, abusé de vos momens et de votre attention, par une digression trop longue, et qui n'a, je dois en convenir, qu'un rapport indirect avec l'objet du rapport que j'étais chargé de vous présenter. Mais, contemporain du docteur Serqueil, lié avec lui d'une étroite et longue amitié, qu'avaient formée et entretenue des études et des goûts à-peuprès analogues, nos fonctions, nos relations sociales, des amis communs, j'éprouvais le besoin de revendiquer ses droits à votre estimé, et je n'ai me défendre de saisir cette occasion d'indiquer

pu

quelques traits qui pussent être mis en œuvre par une main plus habile que la mienne, et être rappelés à la reconnaisance publique par une voix plus éloquente. »

Je reviens à mon sujet, etc., etc., etc.......

SUITE ET FIN D'UN ARTICLE

SUR LES LABOURS (1),

Par M. DUBOIS DE MORAMBERT,

SECRÉTAIRE PERPÉTUEL.

Engrais végétal obtenu au moyen de récoltes vertes enterrées (2).

Si les végétaux tiraient du sol qui les porte tous les élémens dont ils sont composés, ainsi que le croyent généralement les cultivateurs, quel avantage obtiendrait-on de l'enfouissement des récoltes

(1) Voyez le N° 23, p. 119, des Mémoires de la Société.

(2) Cette matière a été déjà traitée d'une manière assez succincte: mais elle est d'une telle importance, surtout pour les terres calcaires, qu'on a cru devoir lui donner des développemens dus à une plus longue expérience.

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