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dans les salles où elle se trouvait placée, et confiée aux soins de cette Société, pour la conserver et la faire servir à l'instruction publique.

» Cet arrangement parut alors d'autant plus convenable, que ce commencement de cabinet d'histoire naturelle ne cessait pas de rester sous la direction et la surveillance spéciales du professeur, qui, membre de la Société, fut nommé par elle conservateur de ces collections.

» Ce fut aussi dans les mêmes vues de conservation que les salles dans lesquelles ces objets étaient déposés, venant à être cédées par l'Administration municipale aux Tribunaux civil et criminel, pour y établir la chambre du Conseil ; la Société académique, obligée de s'en retirer, transporta les collections dans les salles du rez-de-chaussée de la bibliothèque de la ville, qu'elle avait été autorisée

à

occuper pour y tenir ses séances et y déposer le cabinet d'histoire naturelle. Ce local devint alors une espèce de musée, qui réunissait les collections de minéralogie et de conchyliologie, d'autres objets d'histoire naturelle, des instrumens de physique, des bustes, des tableaux et des modèles d'instrumens d'agriculture.

» Telle est, Messieurs, la succession des circon→ stances d'après lesquelles vos prédécesseurs se trouvèrent spécialement chargés de la conservation des collections qui appellent aujourd'hui votre attention.

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Il est pénible de penser et de dire que cette' Société, après s'être livrée, pendant près de dix années, à des travaux utiles, et avoir joui, pendant cet intervalle de temps, d'une existence prospère, se soit trouvée subitement dissoute et anéantie, et que cette dissolution ait eu pour causes la perte, la dispersion et la retraite à-peu-près simultanées du plus grand nombre de ceux de ses membres qui avaient l'heureux talent de répandre de l'intérêt sur ses séances. Et, en effet, le Gouvernement avait appelé à d'autres fonctions et M. Descolins, alors Ingénieur en chef du Département, qui, depuis plusieurs années, occupait le fauteuil de Président de la Société, et savait communiquer à ses collègues le zèle dont il était animé ; et le vénérable M. Vitalis, poëte aimable et candide, dont les fables eussent rappelé l'ingénuité de La Fontaine, si La Fontaine n'eût pas été inimitable; et Boulage, le disert, dont l'imagination était si féconde, la sagacité si heureuse, le talent si flexible, la muse et le style si faciles. Les approches de la vieillesse retenaient plus souvent à la campagne le père de M. Pavée de Vandeuvre, poëte correct, élégant et gracieux; amateur éclairé des arts, leur digne panégyriste ; qui possédait à un si haut degré de perfection l'art de bien lire, et qui eût mérité d'en être loué, si cet éloge eût été digne de lui. Des infirmités empêchaient de sortir sans guide l'habile mathématicien Desponts, dont les observations pleines de finesse et les saillies piquantes et originales étonnaient d'autant plus qu'elles contrastaient avec son ap

parente simplicité. Enfin, bien avant qu'il succombât à la longue maladie qui précéda sa mort, des indispositions fréquentes rendaient moins assidu aux séances de la Société notre Herluison, dont le savoir était si vaste et si profond; le jugement si sûr et si exquis; la dialectique si puissante; la religion si philosophique; la morale si éclairée, si pure, si douce, et partant si persuasive et si entraînante. Comment ne pas reconnaître qu'un concours de pertes aussi regrettables et qui laissaient des vides aussi difficiles à remplir, devait nécessairement porter à la Société académique une atteinte mortelle ; et peut-on être surpris qu'à l'époque des désastres éprouvés en 1814 par la ville de Troyes, les collections d'histoire naturelle, déposées dans la grande salle placée au - dessous de la bibliothèque, ayant été bouleversées par l'explosion d'un projectile incendiaire qui vint éclater sous la longue table qui en occupait le milieu, aucun des Membres de cette Société, bien que tous ces objets eussent été placés sous leur sauve-garde, ne se soit pas présenté pour les rassembler et les rétablir dans l'ordre et dans la place qu'ils occupaient ? Et d'ailleurs les calamités publiques qui concentraient alors sur elles toutes les idées, ne devaientelles pas être aussi l'objet de tous les soins des membres de la Société encore existans et résidans à Troyes?

» J'entends néanmoins, Messieurs, ceux d'entre vous qui n'ont point été témoins de nos malheurs,

ou qui n'en conservent que des souvenirs confus demander pourquoi ce soin n'aurait pas été pris par le conservateur auquel la surveillance spéciale de ces objets avait été confiée, l'ancien professeur d'histoire naturelle, qui avait formé ces collections, qui leur avait porté un si grand intérêt, et qui venait, en effet, très-souvent se livrer près d'elles à ses études favorites? Mais, Messieurs, Serqueil n'existait plus alors que dans la mémoire de ses confrères et de ses amis. Quelques semaines s'étaient déjà écoulées depuis que le typhus des hôpitaux l'avait frappé et que ses confrères avaient reçu ses derniers soupirs.

»Ne puis-je pas demander, à mon tour, en témoignant ma surprise et mes regrets, comment, depuis le rétablissement de notre Société d'Agriculture, aucune voix ne s'est élevée dans cette enceinte pour payer à ce digne collègue le juste tribut d'éloge et de reconnaissance qu'il méritait d'y recevoir ? Certes, son panegyriste eût pu remuer sa cendre avec confiance, assuré d'y trouver autre chose qu'une triste et misérable poussière.

L'amour passionné du docteur Serqueil pour les sciences naturelles; sa singulière aptitude à ce genre d'étude; son zèle pour en inspirer le goût à la jeunesse et les succès qu'il avait obtenus sous ce rapport; ses relations, aussi honorables pour lui qu'elles furent profitables à son pays, avec les la Cépède, les de Jussieu, les Desfontaines, et les

autres célèbres naturalistes de l'époque ; ses soins, ses démarches, ses sacrifices de tout genre, soit pour obtenir les collections nécessaires aux études des élèves de l'École centrale, soit pour édifier un jardin botanique, qui fut trois fois presque achevé, et trois fois détruit, eussent pu, ce me semble, fournir quelques pages d'un éloge historique d'autant plus susceptible d'être entendu avec intérêt, que ces faits honorables peuvent encore être attestés par un très-grand nombre des citoyens qui en ont été témoins.

» Cet éloge pouvait aussi vous présenter le docteur Serqueil comme l'un des fondateurs de la première Société d'Agriculture qui avait été établie à Troyes; son secrétaire général pendant plusieurs années, et l'un des membres les plus zélés de cette Société et de celles qui lui ont succédé. Diverses notices, insérées par lui dans le Recueil des Mémoires du Lycée et de la Société académique, eussent donné une idée de l'étendue de ses connaissances en histoire naturelle, de son genre d'esprit et de sa manière de penser et d'écrire. Il était d'ailleurs, dans ses relations sociales avec ses collègues et ses confrères, d'une loyauté parfaite, d'un abord facile, très-communicatif et toujours obligeant; bien que des formes extérieures pussent assez souvent faire craindre le contraire.

» La culture de l'histoire naturelle n'avait point empêché Serqueil de se livrer avec ardeur à l'étude

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