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presque autant de censeurs que d'admirateurs. Les uns regardaient cette œuvre religieuse comme profanée par des fictions hardies jusqu'à la témérité, les autres la vénéraient comme une inspiration du ciel, et en comparaient l'auteur aux prophètes de l'ancienne alliance; tous cependant s'accordaient à y reconnaître des pensées nobles et profondes, un style mâle et vigoureux, de magnifiques images, des morceaux sublimes et des beautés du premier ordre. Ce grand poëme, auquel le rival de Milton consacra vingt années de sa vie, renferme effectivement des pages admirables : mais l'ensemble n'y -est-il pas un peu noyé dans les détails? Malgré la spirituelle et chaleureuse apologie de son plus habile traducteur, il nous semble toujours, comme à plusieurs critiques allemands, français et étrangers, que les vingt chants de la Messia de gagneraient plus qu'ils ne perdraient à se terminer au dixième, lequel accomplit de fait tout le mystère de la rédemption.

Enfin, cette épopée religieuse a presque en entier l'élévation de l'ode et prouve assez que la lyre convenait mieux à Klopstock que la trompette. Aussi, quand il embouche celle-ci, elle rend, à son insu, les sons de la première, et, malgré lui, l'essor de son génie l'emporte dans les hautes régions de l'aigle thébain.

Les poésies lyriques renferment peut-être les vrais chefs-d'œuvre de cet homme immortel, et forment, selon nous, son plus beau titre de gloire. La plu

part de ses odes, dont le recueil vous sera offert Messieurs, sont pleines de charmes, brillantes. d'harmonie, fortes de sentiment, étonnantes d'au-. dace et d'indépendance. Les unes, gracieuses, rappellent Anacreon épuré; les autres, guerrières et dignes de Tyrthée, feraient courir aux armes ; quelques-unes, plus noblement nationales quecelles de Lebrun, ont tout le feu du vrai patriotisme, cette passion des belles âmes, et, tels de ses cantiques sacrés, par fois comparables aux meilleurs. de Rousseau, retentissent au fond des cœurs, comme un véritable écho des cieux.

Bon père, bon fils, bon époux, bon ami, bon citoyen, Klopstock avait la franchise de Corneille, la naïveté de La Fontaine, la candeur d'un enfant, ce qui est assez ordinaire au génie. Nos voisins, qui l'ont appelé leur Homère, ne nous paraissent pas éloignés maintenant de l'appeler plutôt encoreleur Pindare.

2° Matthisson, né en 1761, et qui, je crois, vit encore, ce dont je félicite nos voisins, Matthisson, dans ses vers la plupart descriptifs, se distingue parl'élégance et la délicatesse, l'harmonie et la grâce, la douceur et le sentiment. Les tableaux variés qu'il présente à l'imagination ne sont que le voile heu-. reux d'une tendre rêverie et de quelques idées pro-fondément mélancoliques, qui, en pénétrant notre âme, lui communiquent une sensibilité pure et vraie, la promènent au-delà des mondes et la plongent dans un immense avenir. Malgré les encoura

gemens du célèbre Schiller, ce modeste auteur n'a donné au public qu'un très-petit volume de poésies, trop persuadé qu'un gros bagage littéraire arrive rarement jusqu'à la postérité.

Matthisson a ensuite publié, en vingt volumes, sous le nom d'Anthologie lyrique, un choix piquant et curieux de poésies allemandes, depuis la fin du seizième siècle jusqu'au commencement du dixneuvième. C'est une espèce de galerie poétique où. sont rangées par ordre de date les meilleures pièces de chaque auteur, et où l'on peut méthodiquement apprécier les progrès de l'art, ainsi que le caractère et le génie des différens poëtes qui ont illustré, qui illustrent encore le parnasse allemand. Cette agréable et utile collection m'a paru digne: d'être admise dans la bibliothèque de la Société académique de l'Aube, et il serait à désirer qu'un recueil de ce genre fût entrepris et exécuté en France. Nous avons bien un choix des plus belles pièces des poëtes français, depuis Villon jusqu'à Benserade, et une petite Encyclopédie poétique rédigée avec assez de goût : mais ce n'est ni un même plan, ni un seul corps d'ouvrage. On a encore de Matthisson un livre intéressant dédié par ce tendre fils à son excellente mère, et intitulé: Mes Souvenirs. On y remarque ses courses en Provence et en Dauphiné, surtout ses Huit jours à Paris, où il parle de la France et des Français en termes honorables dignes d'un observateur vraiment éclairé. L'auteur voyageait en Allemagne, à deux cents lieues de

Hambourg, lorsque Klopstock y mourut; cette mort fut un deuil public, et Matthisson rapporte à ce sujet l'apostrophe touchante que lui adressa un Baron salzbourgeois : Quoi! vous n'êtes pas en habit noir, et Klopstock n'est plus !

Le chef-d'œuvre de Matthisson est, à notre avis, son Elegie sur les ruines du vieux Château d' Heidelberg, que le poëte a composée au milieu de ces magnifiques débris du moyen âge. Ce touchant et sublime tableau du néant des grandeurs, à peine connu en France, est admiré dans toute l'Allemagne. Notre faible muse en a essayé la copie dans le lieu même qui a si bien inspiré le modèle, et peut-être oserons-nous un jour offrir à votre bienveillante indulgence l'hommage de l'Élégie de Matthisson imitée en vers français. Un bon esprit et un bon cœur distinguent cet ami intime du poëte et Baron de Salis, qui s'est formé en France; on peut le regarder comme le Lamartine de l'Allemagne.

AVIS.

Les personnes qui désirent cultiver le seigle de mars, peuvent s'adresser à M. Dubois, Secrétaire perpétuel, GrandeRue, N° 65. Cette espèce de seigle, dont le grain est plus petit et moins pesant que celui d'automne, présente l'avantage d'échapper aux gelées d'hiver et de printemps et de réparer les semailles manquées ou détruites par les intempéries. Tous les laboureurs de Champagne devraient en semer un ou deux arpens chaque année, pour être à même de réparer les avaries des saisons.

On peut, à la même adresse, se procurer de la semence de jarosse, jaroufle et pois d'hiver. Ces légumineuses se sément en septembre; mais il faudrait prévenir dès le mois de juin au juillet.

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