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les usines établies sur les dérivations de la Seine et de livrer toutes les eaux à la navigation. Voilà un projet très-bizarre qui ne supporte pas un sérieux examen, et auquel on n'aurait jamais pensé, si on eût posé cette question très-simple: la Seine fournit-elle assez d'eau pour le service de la navigation et des usines ?

Il est incontestable que les eaux de la Vienne et du Nagot, les moulins à vent, les puits artésiens même, en supposant qu'ils réussissent, ne seraient que des ressources bien minimes, en comparaison des eaux de la Seine; il ne s'agit que de savoir les employer utilement, de se débarrasser de tout le volume qui serait nuisible pendant les crues extraordinaires, et d'en être très-économe pendant le temps de l'étiage. Avec ces précautions, nous n'aurons pas à redouter le courroux de la Seine, que l'auteur du Mémoire a décrit d'une manière ingénieuse, en imitant la pensée du Poëte:

Et pontem indignatus Araxes.

Les usines auront de l'eau ; la navigation s'établira, et nous n'aurons pas besoin de moulins à vent, contre lesquels il est inutile de nous battre.

Les travaux ordonnés en 1805 ne s'étendirent pas au-dessus de Troyes; tous furent exécutés entre cette ville et Marcilly; les événemens de la guerre ont forcé de les ralentir à compter de 1813, et on les a entièrement suspendus en 1823. Tout

ce qui s'est passé dans cet intervalle et jusqu'en 1828, n'est pas rapporté exactement par l'auteur du Mémoire.

En 1814, des capitalistes ont exprimé le désir de terminer les ouvrages commencés entre Troyes et Marcilly, et de les continuer jusqu'à Châtillon, s'ils trouvaient cette entreprise avantageuse; mais il n'y a eu rien d'arrêté avec le Gouvernement, qui était dans le dénuement le plus complet de renseignemens sur la navigation à établir entre Troyes et Châtillon; il n'existait aucun projet pour cette partie, on ne s'en était occupé que d'une manière vague, on n'avait pas même un aperçu de la dépense; il y avait donc impossibilité de conclure un traité, puisqu'on manquait de tous les élémens pour le rédiger.

En 1821 et 1822, le Gouvernement, pénétré de l'importance de terminer des canaux depuis longtemps commencés, s'occupa d'abord des grandes communications, et traita avec des compagnies financières qui se chargèrent de fournir les fonds. Les entreprises de cette nature prirent alors une assez grande faveur; des canaux du second ordre. furent concédés; le moment était favorable à celui de la haute Seine, et M. le Directeur général demanda à l'Ingénieur en chef un avant-projet pour la navigation de Troyes à Châtillon; cet avantprojet fut fourni le 13 juillet 1824. Le 8 juin 1825, une Loi fut rendue qui autorisait le Gouvernement à concéder la navigation de la Seine supérieure,

de l'Aube et de la Voire. On n'avait encore aucun projet sur l'Aube et la Voire, et l'avant-projet de la haute Seine dont on vient de parler fut trouvé incomplet. Le 18 juin 1825, M. le Directeur général demanda un nouveau travail, qui lui fut adressé à la fin du mois de septembre suivant ; mais ce n'était encore qu'un avant-projet qui n'était appuyé que sur des données incertaines, et pas suffisamment étudié, pour servir de base à une concession. Il arriva ce qu'on craignait, personne ne se présenta au concours qui fut ouvert le 27 mars 1826 pour la concession de la navigation de la Seine supérieure, depuis Courcelles-les-Rangs jusqu'à Nogent.

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Enfin, on reconnut qu'on ne satisferait les com pagnies qu'autant qu'on leur soumettrait des estimations rigoureuses de tous les ouvrages à exécuter et des plans bien arrêtés; c'est pourquoi M. le Directeur général des Ponts et Chaussées ordonna, le 5 mai 1826, de se livrer à ce travail, tant pour la Seine que pour l'Aube et la Voire.

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Tels sont les faits qu'on ne peut révoquer en doute, et qui prouvent que le Gouvernement n'a jamais perdu de vue la concession de la navigation de la Seine supérieure. Si elle n'a pas eu lieu, c'est que les compagnies ne se sont pas trouvées assez éclairées pour traiter; et les opérations ordonnées. n'ont d'autre but que d'arriver plus sûrement à un arrangement définitif.

L'auteur du Mémoire N° 1, qui ignorait tous ces

renseignemens, s'est livré à des conjectures qui s'écartent de la vérité. Quand il traite des avantages que doit procurer la canalisation de la haute Seine, ses observations sont pleines de justesse, et il pense, avec tous les bons esprits, que c'est un moyen d'étendre les relations commerciales, d'obtenir de grandes économies dans le transport des marchandises, d'accroître la valeur des propriétés, de favoriser l'agriculture, et d'avoir des routes bien entretenues, en diminuant de moitié les frais d'entretien sur celles qui sont le plus fréquentées. Mais l'auteur revient souvent à son idée favorite sur la distribution des eaux de la Seine, idée d'ailleurs qu'il partage avec Grosley, et qui prouve qu'il faut avoir fait des études spéciales sur la matière pour en découvrir le côté spécieux.

Le Mémoire N° 2 portant pour épigraphe :

Les rivières sont des chemins qui marchent et qui portent où l'on veut aller,

est divisé en deux parties, conformément au programme.

Dans la première partie, toute consacrée à l'histoire, l'auteur pense, d'après les témoignages de Strabon, d'Abbon et de Frodoard, que l'on naviguait sur la haute Seine dès l'an 50 avant JésusChrist, dans les premiers âges de notre monarchie, et jusqu'à l'an 925 de notre ère.

L'auteur du Mémoire rappelle ensuite l'époque de la division des eaux de la Seine dans la Ville de Troyes, sous le règne de Henri Ier, Comte de Champagne.

Il parcourt les événemens qui ont dû influer sur le développement de la navigation de la haute Seine.

Thibaut IV, connu sous le nom de Thibaut aux chansons, quitte la Ville de Troyes en 1220 pour aller habiter Provins; ce déplacement fit un grand tort au commerce, et l'auteur du Mémoire pense que la navigation a dû cesser à cette époque; il ajoute qu'en 1301 Philippe-le-Bel a cherché à la rétablir; que Louis X la fit tomber, en défendant. l'entrée du Royaume aux Flamands, et donna, par cette défense, une autre direction au commerce.

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Les malheurs causés par l'invasion anglaise pendant le 14 siècle ne laissent plus de place dans l'Histoire à ce qui traite de la navigation de la Seine; il n'en est plus question ensuite qu'en 1598, dans une donation de la terre de Bourguignon et vicomté de Faulx, faite au Collège de Troyes par M. de Dinteville, où il est dit: Cette terre est proche de la Ville de Troyes sur la rivière de Seine; on peut aller et revenir dans ladite Ville pour y apporter les revenus et les commodités de ladite donation.

En 1665, le duc de Choiseul-Praslin, qui venait de faire ériger en duché la terre de Polisy et Polisot, obtint des lettres-patentes qui l'autorisaient à rendre la Seine navigable depuis Polisot, en descendant

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