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cesser entièrement; enfin de développer les avantages que son rétablissement doit procurer.

Deux Mémoires sur ce sujet ont été adressés à M. le Secrétaire perpétuel.

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Le N° 1 a pour épigraphe :

Nil mortalibus arduum est,

Cælum ipsum petimus...

Hor. Liv. 1. Od. 3.

L'épigraphe du second Mémoire est tirée de Paschal :

Les rivières sont des chemins qui marchent et qui portent où l'on veut aller.

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La Société a choisi dans son sein une Commission qu'elle a chargée d'en faire l'examen et de lui en rendre compte ; c'est le résultat de son travail que nous allons avoir l'honneur de vous présenter. L'auteur du Mémoire N° 1 s'est livré à des recherches fort étendues pour prouver l'ancienneté de la navigation de la haute Seine. Tout ce qu'il a pu recueillir sur ce que l'on a écrit des foires célèbres de la ville de Troyes, au commencement du 5° siècle, de l'invasion des Huns dans la Champagne, en 45, et de la construction du château de Troyes, en 640, ne laisse aucune trace de cette navigation.

Ne pouvant s'appuyer de l'autorité de l'histoire, l'auteur se sert de relations dont on ignore la source; il parle de Chappes comme d'un lieu important dans l'origine de la monarchie par son port sur la

rivière de Seine; il dit aussi que les Normands, maîtres de la Seine au 9° siècle, menaçaient de la remonter jusqu'à Chappes; il nous conduit jusqu'à la fin du 16° siècle, rapportant une série d'observations et d'anciens titres, d'où il infère qu'il a dû exister une navigation jusqu'à Polisy.

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C'est en 1173 que Henri Ie, neuvième Comte de Champagne, fit arriver et distribuer les eaux de la Seine dans la ville de Troyes ; l'auteur du Mémoire suppose que ce travail a été la cause de la destruction de la navigation de cette rivière, et il se persuade qu'on ne réussira à la rétablir que lorsqu'on rendra les eaux à leurs cours naturel.

Les nombreuses sinuosités que présente la Seine au-dessus de Troyes, sa pente qui est de 96" 477 (297 pieds) sur 64,000" de longueur (16 lieues) depuis Courcelles-les-Rangs jusqu'à Troyes, les ilots, les attérissemens, les hauts-fonds que l'on rencontre dans son cours, donnent la certitude que, s'il a existé une navigation entre Troyes et Polisy, elle n'a pu avoir lieu avec de grands bateaux ; selon toute apparence, on se servait de petites barques avec lesquelles on descendait et remontait cette rivière; il n'est pas étonnant qu'elles aient été employées à une époque où les communications par terre étaient très-difficiles. On manoeuvrait ces barques à force de bras, moyen que le prix élevé des journées d'ouvriers rendrait impraticable aujourd'hui.

Suivant le Mémoire N° 1, la navigation aurait

entièrement cesser entre Bar-sur-Seine et Troyes à l'origine du 17° siècle; en effet, on commençait à ouvrir des routes, et, avec des moyens de transport par eau aussi mal organisés que ceux qui existaient entre ces deux villes, les transports par terre devaient être moins dispendieux. On ne peut pas mettre en doute que les établissemens industriels de la ville de Troyes n'ont nullement influé sur la cessation de cette navigation; ils étaient plutôt de nature à l'entretenir. Les obstacles ne tenaient pas, comme paraît le croire l'auteur du Mémoire, à ce que les usines dépensaient une partie du volume d'eau; il en restait encore assez pour la navigation, si on eût su l'utiliser.

L'idée de diriger le cours des eaux de la Seine dans l'intérieur de la ville de Troyes, au moyen du déversoir de St.-Julien, a extraordinairement influé sur sa prospérité. Ce travail, loin de nuire à la navigation, contenait les élémens d'un projet de canal que les progrès des sciences appliquées aux constructions ont permis de développer plus tard.

Ce qui est constaté par les Mémoires du temps, c'est que, dès l'an 1301, Philippe le Bel donna l'ordre à ses officiers de rendre la Seine navigable jusqu'à Troyes, et même au-delà ; il ne parait pas que cet ordre ait reçu d'exécution.

L'auteur du Mémoire N° 1er relate une série de projets de navigation, au nombre de dix. et de tous ces projets, il n'y a que celui de Hector Boutheroue qui ait été exécuté de Nogent à Troyes. Ce construc

teur, qui venait de terminer le canal de Briare, obtint, en 1655 des lettres-patentes qui lui concédaient le droit de rendre la Seine, la Marne et l'Aube navigables; ce ne fut qu'en 1676 qu'il commença à faire travailler entre Troyes et Nogent; onze dérivations furent ouvertes dans cette étendue, afin d'éviter les usines et les mauvaises parties de rivière; une écluse à sas fut construite dans la dérivation de Nogent, et vingt-un pertuis furent répartis sur les dix autres.

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L'époque de 1703, que l'on cite dans le Mémoire N° 1°, comme étant celle où l'on fit partir de Troyes un coche et des bateaux, coïncide avec le renouvellement du privilége de Boutheroue, qui fut révoqué en 1720; mais, suivant l'auteur du Mémoire, cette navigation fut abandonnée dès 1707, et les ouvrages, faute d'entretien, furent en grande partie détruits pendant l'hiver de 1709.

Le privilége accordé à Boutheroue n'ayant été révoqué qu'en 1720, il semblerait que la navigation n'a pas dù cesser complètement en 1709, ainsi que l'annonce l'auteur du Mémoire; mais, ce qu'il importe de savoir, c'est que cette navigation n'a pas pu se soutenir; il ne faut pas supposer qu'elle ait été abandonnée, parce que les eaux de la Seine avaient été partagées, puisqu'elles se trouvaient toutes réunies au-dessous de Troyes ; que, excepté pendant les eaux basses, la navigation avait plus d'eau qu'il ne lui en fallait ; la véritable cause est qu'une navigation, venant aboutir à Troyes, est tout

à-fait insignifiante; que toutes les productions destinées à l'alimenter se trouvent à de plus grandes distances en remontant le cours de la Seine; que, dans cet état, les produits des droits de navigation ne peuvent être que très-faibles et même insuffisans pour subvenir à tous les frais d'entretien et d'administration.

Ces considérations n'échappèrent pas au Chef du Gouvernement impérial, lorsqu'il rendit un décret, en 1805, portant que la navigation de la Seine remonterait jusqu'à Châtillon; qu'elle passerait dans la ville de Troyes, dont le port serait établi sur la place du Préau.

Les deux conditions à remplir pour le succès de la navigation de la haute Seine sont qu'elle remonte jusqu'à Châtillon ou Courcelles-les-Rangs, ce qui est la même chose, et qu'elle passe dans la ville de Troyes. On doit y ajouter une troisième condition, que l'on considère comme le principe vital, c'est la conservation des usines.

L'auteur du Mémoire, fixé sur l'idée dominante qu'on n'aura de navigation qu'autant qu'on rendra les eaux de la Seine à leur cours naturel, reproduit différens projets qu'il croit propres à dédommager les propriétaires d'usines et la ville de Troyes des pertes qu'ils en éprouveraient. Parmi ces projets se trouve celui d'un nommé Rapault, qui, au commencement du 18° siècle, proposa de construire à ses frais huit moulins à vent sur les parties les plus élevées des remparts, avec l'intention de supprimer

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