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Vous devroient mettre aux yeux que ma Femme eft ma

Femme ;

Et vouloir à ma barbe en faire votre bien,
Que ce n'est pas du tout agir en bon Chrétien.
Lelie. Un femblable soupçon èst bas et ridicule :
Allez, deffus ce point n'ayez aucun fcrupule;
Je fais qu'elle èft à vous, et bien loin de bruler--
Celie. Ah! qu'ici tu fais bien, Traître, diffimuler!
Lelie. Quoi me foupçonnez-vous d'avoir une pensée,
Dont fon âme ait fujet de fe croire offenfée ?

De cette lâcheté voulez-vous me noircir ?

Celie. Parle, parle à lui-même, il pourra t'éclaircir. Sganarelle. Non, non, vous dites mieux que je ne faurois faire,

Et du biais qu'il faut vous prenez cette affaire.

SCENE XXII.

CELIE, LELIE, SGANARELLE, SA FEMME, LA SUIVANTE.

La Femme de Sganarelle. (à Colie.) Je ́ne fuis point d'humeur à vouloir contre vous

Faire éclater, Madame, un esprit trop jaloux :
Mais je ne fuis point dupe, et vois ce qui fe paffe:
11 èft de certains feux de fort mauvaise grace;
Et votre âme devroit prendre un meilleur emploi,
Que de feduire un coeur qui doit n'être qu'à moi,
Celie. La declaration èft affez ingenue.

Sganarelle (à fa femme.) L'on ne demande pas Carogne, ta venue,

Tu la viens quéreller lorfqu'elle me défend,

Et tu trembles de peur qu'on t'ôte ton galant.

Celie. Allez, ne croyez pas que l'on en ait envie.

(Se tournant vers Lelie.)

Tu vois fi c'èft menfonge, et j'en fuis fort ravie.
Lelie. Que me veut-on conter?
La Suivante.

Ma foi je ne fais pas,

Quand on vérra finir ce galimatias :
Depuis affez long-tems je tâche à le comprendre,
Et fi plus je l'écoute, et moins je puis l'entendre.
Je vos bien à la fin que je m'en dois mêler,

(Allant fe mettre entre Lelie et fa maîtree.)

Ré.

Répondez-moi par ordre, et me laiffez parler.

(A Lelie.) Vous, qu'èft ce qu'à fon coeur peut reprocher le votre ? Lelie. Que l'infidelle a pu me quitter pour un autre ; Et que quand fur le bruit de fon Hymen fatal J'accours tout transporté d'un amour fans égal, Dont l'ardeur refiftoit à fe croire oubliée, Mon abord en ces lieux la trouve mariée. La Suivante. Mariée; à qui donc ? Lelie. (Montrant Sganarelle.) A lui. La Suivante.

Lelie. Oui-dà.

La Suivante.
Lelie.

Comment à lui?

Qui vous l'a dit?

C'èft lui même aujoud'hui.

La Suivante (à Sganarelle.) Eft-il vrai?

Sganarelle. Moi! j'ai dit que c'étoit a ma Fémme

Que j'étois marié,

Lelie.

Dans un grand trouble d'âme,

Vous m'avez dit auffi

Tantôt de mon portrait je vous ai vû saifi.
Sganarelle. 11 èft vrai, le voilà.

Lelie.

Que celle, aux mains de qui vous avez pris ce gage,
Etoit liée à vous des noeuds du Mariage.

Sganarelle (Montrant fa Femme) Sans doute, et je l'a• vois de fes mains arraché,

Et n'euffe pas fans lui découvert son péché.

Sa Femme. Que me viens tu conter par ta plainte importune?

Je l'avois fous mies pieds rencontré par fortune;
Et même quand après ton injuste courroux

J'ai fait dans fa foibleffe entrer Monfieur chez nous.
(Montrant Lelie.)
Je n'ai pas reconnu les traits de fa peinture.

Celie. C'est moi qui du Portrait ai caufé l'avanture, Et je l'ai laiffé cheoir en cette pâmoifon,

(à Sganarelle.) Qui m'a fait par vos foins remettre à la maifon,

La Suivante. Vous le voyez, fans moi vous y feriez

encore,

Et vous aviez besoin de mon peu d' Ellebore.

Sganarelle. Prendrons-nous tout ceci pour de l'argent

comptant?

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Mon front l'a fur mon âme eu bien chaude pourtant.
Sa Femme. Ma crainte toutefois n'èft pas trop diffipée,
Et d'où que foit le mal, je crains d'être trompée.
Sganarelle. Hé! mutuellement croyons-nous gens de

bien.

Je rifqué plus du mien que tu ne fais du tien,
Accepte fans façon le parti qu'on propofe.

Sa Femme. Soit; mais gare le bois fi j'apprens quelque chofe.

Celie, (à Lelie aprés avoir parlé bas enfemble.)
Ah Dieux s'il èft ainfi, qu'èft ce donc que j'ai fait ?
Je dois de mon courroux apprehender l'effet :
Oui, vous croyant fans foi, j'ai pris pour ma vengeance
Le malheureux fécours de mon obeiffance.

Et depuis un moment mon coeur vient d'accepter
Un Hymen que toujours j'eus lieu de rebuter;
J'ai promis à mon Père, et ce qui me defole-
Mais je le vois venir.

Celie.

Il me tiendra parole.

SCENE XXIII.

CELIE, LELIE, GORGIEUS, SGANARELLE, SA FEMME, La

SUIVANTE.

Lelie. Monfieur, vous me voyez en ces lieux de retour Brulant des mêmes feux, et mon ardent amour Vérra, comme je crois, la promeffe accomplie, Qui me donna l'espoir de l'Hymen de Celie,

Gorgibus. Monfieur, que je revois en ces lieux de re

tour

Brulant des mêmes feux et dont l'ardent amour
Vérra que vous croyez la promeffe accomplie,
Qui vous donne l'efpoir de l'Hymen de Celie,
Très humble ferviteur à votre Seigneurie.

Lelie. Quoi, Monfieur, èst ce ainsi qu'on trahit mon efpoir ?

Gorgibus. Oui, Monfieur, c'èft ainfi que je fais mon devoir,

Ma fille en fuit les loix.

Gelie
Mon Père, à dégager vers lui votre promeffe.

Mon devoir m'intereffe,

Gorgibus.

Gorgibus. Eft-ce répondre en fille à mes commandements ?

Tu te démens bien-tôt de tes bons fentiments,
Pour Valere tantôt-Mais j'apperçois fon Père,
Il vient affurément pour conclure l'affaire.

SCENE DERNIERE.

CELIE, LELIE, GORGIBUS, SGANARELLE, SA FEMME, VILLEBREQUIN, LA SUIVANTE.

Gorgibus. Que vous amene ici, Seigneur Villebrequin ? Villebrequin. Un fecret important que j'ai fu ce matin, Qui rompt abfolument ma parole donnée

Mon fils, dont votre fille acceptoit l'Hymenée,
Sous des liens cachés trompant les yeux de tous,
Vit depuis quatre mois avec Life en Epoux ;
Et comme des Parents le bien et la naiffance
M'ôtent tout le pouvoir de caffer l'Alliance,
Je vous viens-

Gorgibus.

Brifons-là, fi fans votre congé

Valere votre fils ailleurs s'èft engagé ;

Je ne vous puis celer que ma fille Celie

Et

Dès long-tems par moi-même eft promise à Lelie,
que riche en vertus fon retour aujourd'hui
M'empêche d'agréer un autre époux que lui.
Villebrequin. Un tel choix me plaît fort.
Lelie.
Et cette jufte envie
D'un bonheur éternel va courronner ma vie.

Gorgibus. Allons choifir le jour pour fe donner la foi, Sganarelle. A-t-on mieux cru jamais être cocu que moi ?

Vous voyez qu'en ce fait la plus forte, apparence
Peut jetter dans l'efprit une fauffe creance.

De cet exemple-ci reffouvenez-vous bien;

Et quand vous vérriez tout, ne croyez jamais rien.

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EXTRAITS

DES VARIETE'S HISTORIQUES.

CHA

CHARLES XII. Roi de Suède.

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HARLES XII. étoit d'une taille avantageufe et noble: Il avoit un très-beau front, de grands yeux bleus remplis de douceur, un nez bien formé; mais le bas du vifage défagréable, trop fouvent défiguré par un xire fréquent qui ne partoit que des lèvres; prefque point de barbe ni de cheveux. Il parloit très peu, et ne répondoit fouvent que par ce rire, dont il avoit pris l'habitude. On obfervoit à fa table un filence profond. Il avoit confervé dans l'inflexibilité de fon caractère cette timidité que l'on nomme mauvaise honte. Il eût été embarraffé dans une converfation; parce que s'étant donné tout entier aux travaux de la guèrre, il n'avoit jamais connu la fociété. C'èft peut-être le feul de tous les hommes, et jufqu'ici le feul de tous les rois, qui ait vécu fans foibleffes. Il a porté toutes les vertus des héros à un excès où elles font aufli dangereufes que les vices oppofés. Sa fermeté devenue opiniâtreté fit fes malheurs dans l'Ukraine, et le retint cinq ans en Turquie: Sa libéralité dégénérant en profufion, a ruiné la Suède: Son courage, pouffé jufqu'à Îa témérité, a causé la mort; fa juflice a été quelquefois jufqu'à la cruauté; et dans fes dernières années, le maintien de fon autorité approchoit de la tyrannie. Ses grandes qualités, dont une feule eut pu immortalifer un autre Prince, ont fait le malheur de fon pays. Il n'attaqua jamais perfonne; mais il ne fut pas auffi prudent qu'implacable dans les vengeances. Il a été le premier qui ait eu l'ambition d'être conquérant, fans avoir l'envie d'aggrandir fes états: Il vouloit gagner des empires pour les donner. Sa paffion pour la gloire, pour la guèrre, et pour la vengeance, l'empêcha d'être politique; qualité

fans

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