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Ac.

TEURS.

ATHALIE.

TRAGE DI E.

fJoas, roi de Juda, fils d'Ocofias.
ATHALIE, Veuve de Joram, ayeule de Joas.
JOAD, autrement JOIADA, Grand-Prêtre.
JOSABET, tante de Joas, femme du Grand-
Prêtre

ZACHARIE fils de Joad et de Jofabet.

SALOMITH, foeur de Zacharie.

ABNER, l'un des principaux Officiers des Rois de Juda.

AZARIAS.
ISMAEL.

Et les trois autres Chèfs des Prêtres et des
Lévites.

MATHAN, Prêtre Apoftat, Sacrificateur de
Baal.

NABAL, confident de Mathan.

AGAR, femme de la fuite d'Athalie.
Troupe de Prêtres et de Lévites.

Suite d'ATHALIE.

La NOURRICE de Joás.

CHOEUR de jeunes filles de la tribu de Lévi. La fcene eft dans le Temple de Jerusalem dans un veftibule de l'appartement du Grand Prêtre.

ACTE PREMIERE.

SCENE PREMIERE.

JOAD, ABNER.

ABNER.

OUI, je viens dans fon temple adorer l'Eternel.

Je viens, felon l'ufage antique et folemnel,

Celébrer avec vous la fameuse journée,

Où fur le mont Sina la loi nous fut donnée.

Que les temps font changés! fi-tôt que de ce jour
La trompette facrée annonçoit le retour,

Du temple orné par tout de feftons magnifiques,
Le peuple faint en foule inondoit les portiques;
Et tous devant l'autel avec ordre introduits,

De leurs champs dans leurs mains portant les nouveaux fruits

Au Dieu de l'Univers confacroient ces prémices.
Les prêtres ne pouvoient fuffire aux facrifices.
L'audace d'une femme arrêtant ce concours,
En des jours ténébreux a changé ces beux jours.
D'adorateurs zélés à peine un petit nombre
Ofe des premiers temps nous retracer quelque ombre :
Le Refte pour fon Dieu montre un oubli fatal,
Ou même s'empreffant aux autels de Baal,
Se fait initier à fes honteux mystères,

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Et blafphême le nom qu'ont invoqué leurs pères.
Je tremble, qu'Athalie, à ne vous rien cacher,
Vous même de l'autel vous fefant arracher,
N'acheve enfin fur vous fes vengeances funeftes,
Et d'un refpect forcé ne dépouille les reftes.

Joad. D'où vous vienr aujourd'hui ce noir preffentiment?

Abner. Penfez-vous être faint et jufte impunément ? Dès longtems elle hait cette fermeté rare Qui rehauffe en Joad l'éclat de la tiare. Des longtems votre amour pour la religion Eft traité de révolte et de fédition. Du mérite éclatant cette Reine jalouse, Hait fur-tout Jofabet votre fidelle époufe. Si du grand prêtre Aaron Joad èft fucceffeur, De notre dernier roi Jofabet èft la foeur. Mathan, d'ailleurs, Mathan, ce prêtre facrilège, Plus méchant qu'Athalie, à toute heure l'affiege, Mathan de nos autels infâme déferteur,

Et de toute vertu zélé perfécuteur.

C'èit peu que le front ceint d'une mître étrangère,
Ce Lévite à Baal prête fon ministère.

Ce temple l'importune, et fon impiété
Voudroit anéantir le Dieu qu'il a quitté.

Pour

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Pour vous perdre, il n'èft point de refforts qu'il n'in

vente;
Quelquefois il vous plaint, fouvent même il vous vante,
Il affecte pour vous une fauffe douceur ;

Et par-là de fon fiel colorant la noirceur,
Tantôt à cette Reine il vous peint redoutable,
Tantôt, voyant pour l'or fa foif infatiable,

Il lui feint qu'en un lieu, que vous feul connoiffez,
Vous cachez des tréfors par David amaffés.
Enfin depuis deux jours la fuperbe Athalie
Dans un fombre chagrin paroit enfévelie.
Je l'obfervois hier, et je voyois les yeux
Lancer fur le lieu faint des regards furieux;
Comme fi, dans le fond de ce vaste édifice,
Dieu cachoit un vengeur armé pour fon fupplice.
Croyez-moi, plus j'y penfe, et moins je puis douter
Que fur vous fon courroux ne foit prêt d'éclater;
Et que de Jezabel la fille fanguinaire,

Ne vienne attaquer Dieu jufqu'en son sanctuaire.
Joad. Celui qui met un frein à la fureur des flots,
Sait auffi des méchants arrêter les complots.
Soumis avec refpect à fa volonté fainte,

Je crains Dieu, chèr Abner, et n'ai point d'autre crainte.
Cependant je rends grace au zèle officieux

Qui fur tous mes périls vous fait ouvrir les yeux.
Je vois que l'injustice en fécrèt vous irrite,
Que vous avez encore le coeur Ifraëlite.
Le Ciel en foit béni. Mais ce fécrèt courroux,
Cette oifive vertu, vous en contentez-vous ?
La foi qui n'agit point, èft-ce une foi fincère ?
Huit ans déjà paffés, une impie étrangère
Du fceptre de David ufurpe tous les droits,
Se baigne impunément dans le fang de nos rois,
Des enfants de fon fils déteftables homicide,
Et même contre Dieu lève fon bras perfide.
Et vous l'un des foutiens de ce tremblant etat,
Vous, nourri dans les camps du Saint Roi Jofaphat,
Qui fous fon fils Joram commandiez nos armées,
Qui raffurates feul nos Villes allarmées,
Lorfque d'Ocofias le trépas imprévu

Difperfa tout fon camp à l'aspect de Jéhu;
Kk

Je

Je crains Dieu, dites-vous, fa vérité me touche.
Voici comme ce Dieu vous répond par ma bouche;
Du zèle de ma loi que fert de vous parer?
Par de ftériles vœux penfez-vous m'honorer ?
Quel fruit me revient-il de tous vos facrifices?
Ai-je befoin du fang des boucs et des géniffes ?
Le fang du vos Rois crie, et n'èft point écouté.
Rompez, rompez tout pacte avec l'impiété.

Du milieu de mon peuple exterminez les crimes,
Et vous viendrez alors m'immoler vos victimes.
Abner. Hé que puis-je au milieu de ce peuple abattu }
Benjamin èft fans force, et Juda fans vertu.
Le jour qui de leurs Rois vit éteindre la race,
Eteignit tout le feu de leur antique audace.
Dieu même, difent-ils, s'èft retiré de nous.
De l'honneur des Hébreux autrefois fi jaloux,
Il voit fans intérêt leur grandeur terraffée,
Et fa miféricorde à la fin s'èft laffée.

On ne voit plus pour nous fes redoubtables mains,
De merveilles fans nombre effrayer les humains.
L'Arche fainte èft muette et ne rend plus d'oracles.
Joad. Et quel temps fut jamais plus fertile en mi-

racles?

1.

Quand Dieu par plus d'effets montra-t-il fon pouvoir ?
Auras-tu donc toujours des yeux pour ne point voir,
Peuple ingrat? Quoi toujours les plus grandes mer-
veilles,

Sans ébranler ton coeur, frapperont tes oreilles?
Faut-il, Abner, faut-il vous rappeller le cours
Des prodiges fameux accomplis en nos jours:
Des tyrans d'Ifraël, les célebres difgraces;
Et Dieu trouvé, fidelle en toutes fes ménaces ?
L'impie Achab détruit, et de fon fang trempé
Le champ que par le meurtre il avoit ufurpé;
Près de ce champ fatal Jézabel immolée,
Sous les pieds des chevaux cette reine foulée ;
Dans fon fang inhumain les chiens défaltérés,
Et de fon corps hideux les membres déchirés ;
Des prophètes menteurs la troupe confondue,
Et la flamme du Ciél fur l'autel descendue;
Elie aux eléments parlant en fouverain,
Les Cieux par lui fermés et devenus d'airain,

Et

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Et la terre trois ans fans pluie et fans rofée;
Les morts fe ranimant à la voix d'Elifée ?
Reconnoiffez, Abner, à ces traits éclatans,

Un Dieu, tel aujourd'hui qu'il fut dans tous les temps.
11 fait, quand il lui plaît, faire éclater fa gloire,
Et fon peuple èft toujours prèsent à fa mémoire.
Abner. Mais où font ces honneurs à David tant pro-
mis,

Et prédits même encore à Salomon fon fils?
Hélas! nous espérions que de leur race heureufe
Devoit fortir de Rois une fuite nombreuse?
Que fur toute tribu, fur toute nation,
L'un d'eux établiroit fa domination,

Feroit ceffer par-tout la difcorde et la guèrre,
Et vérroit à fes pieds tous les rois de la terre.

Joad. Aux proméffes du Ciel pourquoi renoncez-vous ?
Abner. Ce Roi, fils de David, où te chercherons-
nous ?

Le Cièl même peut-il réparer les ruines

De cet arbre feché jufques dans fes racines ?
Athalie étouffa l'enfant même au berceau.

Les morts, après huit ans, fortent-ils du tombeau ?
Ah! fi dans fa fureur elle s'étoit trompée;
Si du fang de nos Rois quelque goute échappée-
Joad. Hé bien, que feriez-vous ?

Abner.
O jour heureux moi?
De quelle ardeur j'irois reconnoître mon Roi!
Doutez vous qu'à fes pieds nos tribus empreffées-
Mais pourquoi me flatter de ces vaines pensées ?
Deplorable heritier de ces Rois triomphants,
Ocofias reftoit feul avec fes enfants.

Par les traits de Jéhu je vis percer le père;
Vous avez vu les fils maffacrés par la mère.

Joad. Je ne m'explique point. Mais quand l'aftre du
jour

Aura fur l'horrifon fait le tiers de fon tour,
Lorfque la troisième heure aux prières rappelle,
Retrouvez-vous au temple avec ce même zèle.
Dieu pourra vous montrer, par d'importants bienfaits,
Que fa parole èft ftable, et ne trompe jamais.
Allez, pour ce grand jour, il faut que je m'apprête,
Et du temple déjà l'aube blanchit le faite.

Kk 2

Abner.

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