Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

branche, et de la porter devant lui, pour cacher le nombre des troupes, et pour faire prendre le change à l'ennemi. Macbeth, fachant à n'en pouvoir pas douter que l'ennemi approchoit, prit fon confeil dans le défet poir, et fortifia à la bâte le château de Dunfinane.

66 Que l'on déploye," s'écria-t-il, "nos drapeaux fur les murs extérieurs. Le bruit court encore, Ils viennent ; mais la force du château peut braver un fiège. Que les Anglois se préfentent ici, et qu'ils y restent, jufqu'à ce que la famine les ait fait périr."

Dans le temps qu'il parloit avec tant d'intrépidité, Seyton, un de ces officiers, vint lui dire, que la Reine étoit morte. Pour furcroit de mauvaise nouvelle, un meffager lui annonça, que regardant vers Birnam, il lui fembloit que la forêt étoit en mouvement. Le régicide commença à entrevoir le vrai fens des paroles de l'appa

rition, et devint furieux.

"Aux armes, aux armes !" s'écria-t-il ; "fi ce que dit le meffager èft vrai, je ne faurois prendre la fuite, ni m'arrêter ici. Je fouhaiterois, que l'univers fût un chaos.-Que l'on fonne la trompette.-Vents! foufflez. Deftruction! venez.-An moins mourrai-je avec fer meté."

Cependant Macduff, Malcolm et leur armée avançoient, avec des branches à la main, vers le château du Dunsi-` nane; et quand ils fureut plus près, Malcolm ordonna aux foldats de les jetter à terre, et de fe montrer tels qu'ils étoient. Macbeth, voyant qu'il ne pourroit pas faire tête à tant de forces réunies, ne voulut pas attendre Biffue d'un fiège :. Il fortit de fon château, et résolut d'attaquer le plus brave, qui fe préfenteroit.

Le vaillant Macduff de fon côté fut impatient de rencontrer le meurtrier de fa femme et de fes enfants. Ils fe rencontrèrent bientôt: L'un et l'autre, également furieux mirent l'épée à la main; Macbeth, le cruel Macbeth, périt. Ainfi, finit fa vie, tiffue des crimes les plus hor ribles; digne châtiment d'un monftre en forme humaine, et qui fembloit braver le Cièl et la Terre. Macduff, le brave Macduff, lui coupa la tête, la montra à toute l'armée, et proclama Malcolm Roi d'Ecoffe. La proclama. tion pafsa de rang en rang: L'air retentit de cris de joie: VIVE LE ROI MALCOLM !

[ocr errors]
[ocr errors][ocr errors]

SUR LES SPECTACLES DES ANGLOIS.

A M. le Baron de K

à Berlin.

A

IMABLE Ami, vous me flattez bien agréablement en me difant que mes lettres ne vous paroiffent pas trop longues, et en m'en demandant la continuation. Je fatisferai à vos defirs autant que les affaires ferieuses que j'ai à traiter ici me le permettront. Tous mes moments de loifir vous feront confacrés.

La nation Angloife a beaucoup de conformité avec les anciens Romains. Ceux-ci ne demandoient que du pain et des spectacles; il femble que les Anglois ne forment d'autres voeux. C'èft pour fe procurer le pain et les befoins d'une vie aifée qu'ils perfectionnent l'induftrie, qu'ils font avec tant de chaleur le commerce et la navigation, qu'ils nouriffent un petit fond d'avarice qui leur fait aimer le jeu, et les paris. Les arts et les fciences mêmes ne font cultivés ici que dans un point de vue d'intérét. Le fecond objèt capital des Anglois c'èft les fpectacles. Ils ne peuvent affez les varier, ni en multiplier affez les efpèces. Indépendamment de ceux dont je vous ai fait la defcription dans une autre Lettre, il y a du. rant l'Eté par toute l'Angleterre des courfes de chevaux, espèce de divertiffement public qui réunit le spectacle et le pari, et pour lequel par confequent le goût de la nation ne s'emouflera jamais. J'ai vu pendant mon premier voyage ces courfes à Newmarket auffi bien qu'à Yorck, et je vous avoue que le coup d'oeil m'en à frappé. J'admire moins la chose même, le légéreté, la force et la velocité des chevaux, que l'appareil dont elle est accompagnée; la foule innombrable de fpectateurs, la quantité d'équipages à fix, à quatre, à deux chevaux, le nombre de domestiques la plupart à cheval, des chevauxde mains, des cavaliers, &c. les tribunes remplies de dames parées de leurs plus beaux habits et de leurs plus magnifiques

diamans, et en un mot tout ce qui peut rendre un pareil fpectacle éclatant.

Je ne vous parlerai point des combats de bêtes feroces, de dogues, et de toutes fortes d'autres animaux qu'on voit ici. Ces combats fe donnent affez fréquemment au peuple, qui en èft fort avide, mais je ne puis me difpenfer de vous dire quelques mots des combats que les hom mes font entre eux à la honte de l'humanité. Tantôt ce font des lutteurs nuds jufqu'à la ceinture, qui s'attaquent à coups de poing, que fe portent des coups affreux, qui fe jettent à terre, que leurs fecondans rélevent, effuyent, excitent de nouveau au combat comme des dogues, et qui quelquefois s'étouffent ou s'étranglent; tantôt ce font des efpadonneurs qui fe battent à coups de fabre, mais auxquels on a foin d'enfermer les piés dans des fan. dales attachées au plancher, de mainère qu'ils ne peuvent bouger de leur place. Leurs fabres font extraordinairement affilés et fort légers vers la pointe, de maniére que les bleffures qu'ils fe font ne font jamais bien profondes; mais le fang ruiffele bientôt, et le peuple bat des mains. Tantôt, enfin, ce font d'autres gladiateurs, armés de bâtons ferrés par les bouts, qui s'affomment on fe font des contufions énormes. Ce qu'il y a, à mon fens de fcandaleux, c'èft que ces combats fe font fous l'autorié du Gou. vernement, fous les yeux d'un officier de la police, fur un théatre public, où l'entrée fe paye, où le partèrre, et qui plus èft les loges font remplies d'honnêtes gens comme elles pourroient l'être à l'opera. On m'a mené l'autre jour à une pareille fcène au petit théatre du Haymarket. Jamais je ne vis un fpectacle fi degoutant, ni fi honteux pour l'efprit et le coeur humain. Mes conducteurs me donnèrent quelques mauvaises raifons pour excufer une férocité fi barbare; mais elles font fi foibles, qu'elles ne valent pas la peine d'être ni rapportées ni refutées.

On diroit que les combats des coqs apartiennent au genre de divertiffement qui èft refervé pour l'enfance; mais jci c'est un fpectacle férieux, qui a fes théatres, et dont des perfonnes confidérables dans l'Etat s'amufent quelque fois. Comme il donne lieu à des paris, il a beaucoup de partifans. Plufieurs particuliers élevent et entretiennent ces fortes de coqs, et les portent dans les arénes publiques

pour

pour les faire combattre contre d'autres de leurs femblables. J'ai été furpris de la valeur de ces animaux. A peine les a-t-on lâchés hors de leurs facs, qu'ils s'élancent foudainement l'un sur l'autre, et fe battent fans aucun objèt, jufqu'à ce que le plus foible refte étendu.fur la place. Avant le combat les connoiffeurs jugent de la force et de la vaillance des coqs par leurs coups d'oeil, et examinent pour cet effet fort attentivement leurs yeux ; après quoi, les paris fe font, et la bataille commence. Attiré l'autre jour par la curiofité à un pareille spectacle, je tenois en main une orange, lors qu'un des coqs terraffant fon adverfaire l'étendit fur le carreau, où il resta un moment fans donner figne de vie. Un voifin inconnu me dit alors avec vivacité, Monfieur je parie quatre guinées contre votre orange pour le coq maintenant victorieux. Je lui répondis, Monfieur, voilà qui eft fait. Le coq terraflé ramaffe fes forces, remonte fur fes ergots, et remporte la victoire. Je gardai mon orange, mais je refulai de prendre les quatre guinées du parieur qui me parut également fenfible à fa perte et à ma génerofité.

On m'a raconté qu'un Italien induftrieux s'avisa de donner il y a quelques années un fpectacle fingulier à Londres. C'étoit d'abord un concert de chats qu'il a-voit rangés felon leur age, leur groffeur et leur voix plus ou moins forte, fur des gradins, en forme d'amphithéatre. Tous les chats étoient ajuftés de fraifes et de manchettes de papier. Ils avoient devant eux des pupitres au leurs pattes étoient attachées. Chaque chat avoit devant foi une feuille de mufique et deux bougies. L'on m'a assuré que cette affemblée de virtuofes mistigris formoit un coup d'oeil bien comique au moment qu'un levoit la toile, qu'il y avoit parmi ces chats des phyfionomies fort plaifantes, que chacun d'eux fembloit rouler les yeux d'une manière différente; que la mufique et les inftruments dont on accompagnoit leur voix, étoient également bizarres ; et que toutes leurs queues étant arrêtées dans des pinces, le maî. tre de cette chapelle fingulière n'avoit qu'à ferrer cespinces pour faire miauler et crier fes chanteurs aux endroits où il en avoit befoin.

La feconde partie de ce fpectacle burlefque étoit for. mée par des coqs d'Inde qu'on fefoit marcher dans des efpèces de galleries dont le fond étoit de fer ou laiton

battu

[ocr errors]

battu. On plaçoit fous ces galleries des brafiers allumés, qui échauffoient peu à peu le fèr. Les coqs d'Inde marchoient d'abord à pas graves et mefurés au fon d'une mufique qui jouoit des farabandes, des loures, &c. A mefure que le parquet s'échauffoit, les coqs d'Inde doubloient le pas, et la mufique alloit plus vite; jufqu'à ce qu'enfin le fèr venant prefque à fe rougir, ces pauvres animaux ne fefoient plus que fauter, cabrioler et faire des contorfions qui fefoient pâmer de rire les badauts Anglois. On prétend que cet Italien s'èft enrichi à Londres, par cette invention comique.

[ocr errors]

Mais que direz-vous de la fougue d'un peuple qui, seduit par fa paffion pour le spectacle et pour le fingulier, fe laiffa perfiffler par un mauvais plaifant, qui avoit fait afficher aux coins des rues de Londres, qu'à tel jour, à telle heure, et à tel theatre, un homme fauteroit dans une bouteille qui put contenir une pinte. Oui, monfieur, les plus honnêtes gens d'Angleterre fe rendirent à ce fpectrcle, payèrent l'entrée, la falle étoit remplie comme un œuf: Mais tous furent attrapés; car au bout d'une heure d'attente, le mauvais plaifant fe prefenta fur le bord du théatre, et dit qu'on n'avoit pu trouver dans tous les cabarets de Londres une bouteille qui contint l'exacte mefure d'une pinte, qu'ainfi on demandòit pardon aux fpectateurs, et qu'on étoit prêt à leur rendre l'argent à la porte s'ils l'exigeoient. Il difparut au mème inftant. Le partèrre fe voyant ainfi leurré entra en fureur, fit tapage, brisa les bancs, les décorations; et il y eut un tumulte fi grand, que les uns y perdirent leurs épées, d'autres les perruques, leurs châpeaux, &c. mais l'argent ne peut être rendu, et le fourbe avoit trouvé moyen de s'évader fans qu'on ait jamais pu le découvrir.

Je ne vous raconte ces babioles que pour vous faire connoître le genié du peuple Anglois, et fon goût décidé pour tout ce qui s'appelle fpectacle. Il me femble que leur trop grande multiplicité caufe trop de diftraction à la nation, et enlève trop de tems à l'induftrie: Les courfes de chevaux fourtout font d'une dangereufe conféquence, parce qu'elles occupent trop la multitude et donnent aux Grands comme au peuple un certain ton de libertinage, et un éloignement pour la vie fédentaire et" pour l'application aux principaux objets de leur devoir.

Je

« PreviousContinue »